La troisième édition du Forum international de la Chimie s'est ouverte ce mercredi 21 mai à Rabat, rassemblant les figures de proue de l'industrie chimique marocaine et internationale. Un rendez-vous devenu stratégique pour un secteur qui, dans l'ombre, irrigue toute l'économie nationale. « Un pilier silencieux de notre économie », comme l'a qualifié Chakib Alj, président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). Organisé par la Fédération de la Chimie et de la Parachimie (FCP), avec le soutien du ministère de l'Industrie et du Commerce et de l'AMDIE, l'événement s'est articulé cette année autour d'un thème ambitieux : « La chimie, au cœur de la transition énergétique et des enjeux stratégiques ». De l'hydrogène vert aux batteries à haute performance, en passant par la valorisation des ressources minières locales, les discussions ont révélé l'ambition du Maroc de devenir un hub industriel mondial et un acteur incontournable de la chimie verte. Une filière au cœur des transitions Le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a, pour sa part, insisté sur le rôle « stratégique » de la chimie dans la transformation industrielle du pays : « Grâce à une vision royale claire et à un accès inédit à une énergie compétitive, la chimie devient un moteur d'innovation », a-t-il déclaré. Il a appelé les industriels à tirer parti des technologies modernes pour maximiser leur compétitivité et créer plus de valeur ajoutée. Même tonalité du côté de la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Laila Benali, qui a rappelé les avancées significatives du Maroc : « En 2025, 45 % du mix énergétique est renouvelable. L'objectif de 2030, initialement ambitieux, sera atteint dès 2027 », a-t-elle annoncé. Elle a appelé à renforcer la décarbonation, l'économie circulaire et le positionnement sur l'hydrogène vert, avec à la clé des investissements estimés à 120 milliards de dirhams d'ici 2030. Une dynamique internationale autour de la chimie verte Pour Omar Hjira, Secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, le secteur est un levier stratégique pour positionner le Maroc comme leader de l'énergie propre : « Grâce à notre position géographique et à nos ressources naturelles, nous devenons un acteur incontournable à l'échelle mondiale. » Abed Chagar, président de la FCP et du comité d'organisation, a quant à lui mis l'accent sur la portée du forum : « Nous avons abordé des thématiques en rupture, avec des panels d'experts sur les batteries à haute performance, l'hydrogène vert, le dessalement d'eau, la formation et la valorisation des ressources minières. » Une industrie au cœur de la souveraineté industrielle En ouverture du Forum, Chakib Alj, a précisé que la chimie représente 25 % du PIB industriel et 20 % des exportations nationales. Mais au-delà des chiffres, il a insisté sur la mission stratégique du secteur : « Réduire notre dépendance aux importations sous-entend une industrie chimique forte, capable de fournir les intrants essentiels aux autres filières. » Selon lui, pour que la chimie puisse véritablement jouer ce rôle moteur, des leviers cruciaux doivent être activés : soutien renforcé à la recherche et développement, refonte de la réglementation, encore fondée sur des textes obsolètes, et refonte de la formation professionnelle. « Aujourd'hui, seulement 1 % des entreprises qui cotisent à la formation professionnelle en bénéficient. C'est une anomalie qui ne peut plus durer », a-t-il martelé, en se félicitant toutefois de la récente annonce de multiplication par quatre du nombre de jeunes en alternance dès 2026. Sur le plan énergétique, Alj a été tout aussi direct : « Le prochain défi est l'hydrogène vert. Le Maroc peut produire 4 % de la demande mondiale dès 2030. Cette opportunité peut nous propulser dans le cercle fermé des exportateurs nets d'énergie» . Une ambition qui place l'industrie chimique comme interface centrale entre les ressources nationales (vent, soleil, minerais critiques) et les solutions industrielles de demain. Alj y voit une véritable révolution géoéconomique : « Réussir cette montée en puissance pourrait faire du Maroc un exportateur net d'énergie, ce qui aurait des implications géopolitiques profondes. » Un appel à l'action pour une montée en gamme Le président de la CGEM a insisté sur l'urgence d'accélérer la montée en gamme de l'industrie. Il a notamment évoqué le fonds Tatwir R&D, doté de 300 millions de dirhams, qui devrait, selon lui, être renforcé et rendu plus accessible. « L'innovation est la condition nécessaire à notre montée en gamme industrielle », a-t-il affirmé. Chakib Alj a également pointé du doigt la nécessité d'adapter le cadre réglementaire à la réalité d'un secteur en profonde mutation. « La législation actuelle freine le développement. Elle date parfois du début du siècle dernier. » En conclusion, Chakib Alj a rappelé que la chimie marocaine détient « plus que tout autre secteur les clés d'une nouvelle souveraineté industrielle et énergétique ». « Elle est l'interface entre les ressources de notre pays et les solutions concrètes aux défis industriels et énergétiques. En réussissant notre transition, nous pourrons intégrer le cercle des exportateurs nets d'énergie, attirer des IDE massifs et accélérer la convertibilité du dirham. »