Le Festival International de Cinéma d'Animation (FICAM®) a fait vibrer Meknès du 16 au 21 mai, fusionnant animation et jeu vidéo pour redéfinir la création. Cette 23ème édition a célébré l'audace des artistes tout en soulevant des questions sur l'impact de l'intelligence artificielle sur l'industrie. L'imaginaire a pris le devant de la scène, et la ville s'est affirmée une fois encore comme un phare mondial de l'animation. Suivez La Vie éco sur Telegram A Meknès, la 23ème édition du Festival International de Cinéma d'Animation (FICAM®) a baissé le rideau le 21 mai, laissant derrière elle un sillage d'images folles, de récits qui percutent et d'âmes en feu. Pendant une semaine, l'une des quatre villes impériales du Maroc, s'est muée en un laboratoire fiévreux où cinéma d'animation et jeu vidéo se sont courtisés, enlacés, parfois chamaillés, pour accoucher d'un futur radieux. Le FICAM, c'est là où l'imaginaire ne demande qu'à exploser. Cette année, le FICAM a osé le grand écart : marier l'animation, art des âmes en mouvement, au jeu vidéo, royaume des récits interactifs. Ateliers, masterclasses, conférences : la programmation a vibré d'une énergie brute, portée par des animateurs reconvertis en game designers, des studios indés aux idées tordues et des créateurs hybrides qui réinventent les règles. «La technique ? Un faire-valoir, pas une reine», lâche Morgan Ommer, juré de la compétition réalité virtuelle (VR), qui a vu défiler une moisson de films immersifs. Le grand gagnant, Address Unknown: Fukushima Now d'Arif Khan, a renversé la table en faisant des images pixelisées de la photogrammétrie un écrin narratif, prouvant qu'un récit qui cogne vaut mille prouesses techniques. La place de l'Agora, métamorphosée en arène à ciel ouvert, a vu défiler des foules hypnotisées par des projections en cascade, des cartes blanches aux auteurs stars et des confessions intimes sur les coulisses de la création. «Le FICAM, c'est la rencontre, le cœur battant», martèle Alexis Hunot, fidèle du festival, qui regrette l'absence physique de Mohamed Beyoud, l'âme tutélaire de l'événement. Mais l'esprit est là, intact, porté par une tribu de réalisateurs, jurés, étudiants et bénévoles qui reviennent, aimantés, comme des papillons autour d'une flamme marocaine. Le palmarès À l'Institut Français de Meknès, la cérémonie de clôture a déroulé un palmarès à l'image de cette édition : audacieux, humain, incandescent. Dans la catégorie courts-métrages, Pubert Jimbob de Quirjin Dees a raflé le Grand Prix du Jury Court' Compét' (3 000 €), un ovni narratif qui marie humour grinçant et malaise poisseux avec une mise en scène qui désarçonne. «Ce film, c'est un coup dans l'estomac, une claque visuelle», s'enthousiasme Pierre-Luc Gronjon, juré et marionnettiste venu l'année dernière présenter ses bébés au festival. Les belles cicatrices de Raphaël Jouzeau décroche une Mention Spéciale, tandis que Cracher dans la soupe de Chantal Peten fait chavirer le public, ovationné par les festivaliers et les élèves de l'Institut Français. Pour les longs-métrages, Le parfum d'Irak de Léonard Cohen s'offre le Prix du Jury Junior (2 000 €), un glamour charnellement visuel et émotionnel sur les blessures de la guerre et les silences entre père et fils. Hola Frida d'André Kadi et Karine Vézina, véritable bombe populaire, empoche le Prix du Public. En VR, The River d'Anbela Costa séduit les spectateurs, et Play Life arrache une Mention Spéciale, mais c'est bien Address Unknown qui rafle la mise, avec son audace crue. Milo Bonnard, lauréat du Prix Etudiant pour Intermission, a fait vibrer les cœurs avec son stop-motion ciselé. «Le stop-motion, c'est de la magie brute : des marionnettes, des textures réelles, des émotions qui jaillissent», confie-t-il, évoquant les neuf mois passés à animer dans une pièce obscure, avec un budget de 10 000 livres sterling – une rareté pour un film étudiant, gracieuseté de la National Film Television School. Meknès, phare de l'animation mondiale «Meknès, c'est plus qu'une ville, c'est une capitale de l'animation», assène Fabrice Mangiat, directeur délégué de l'Institut Français, dans un discours vibrant de gratitude. Soutenu par la Fondation Aïcha et un réseau de partenaires, le FICAM n'est pas qu'un feu d'artifice artistique : il dope l'économie locale et sème des vocations. Plus de 100 étudiants marocains ont plongé dans des formations, certains se rêvant déjà réalisateurs ou critiques au scalpel. «Ce festival, c'est un pari gagné», clame Mangiat, saluant les nuits blanches de l'équipe et les cris d'enfants émerveillés devant les films présentés. Mais sous les vivats, une ombre pointe : l'intelligence artificielle. «L'IA, c'est la grande bascule», prévient Alexis Hunot, un poil inquiet. Des storyboards aux scénarios, elle grignote les métiers, risque d'aseptiser les récits. «Les studios remplacent les humains par des algorithmes, c'est le capitalisme qui frappe», grince-t-il, tout en plaidant pour que les artistes s'emparent de l'outil pour le tordre à leur sauce. Pierre-Luc Gronjon, lui, balaye le cliché de l'animation pour mômes : «Je ne pense pas aux enfants, je pense à une histoire qui me retourne. Si elle me touche, elle touchera d'autres cœurs, d'ici ou d'ailleurs». Une profession de foi universaliste, qui fait écho à son expérience sur Léo, succès français mais flop américain, et aux hurlements de joie des gamins marocains face à ses marionnettes. Alors que les lumières du FICAM s'éteignent, elles laissent une traînée d'étoiles dans les yeux des rêveurs, des créateurs, des curieux. «Vous êtes nos ambassadeurs, vous faites rayonner Meknès au-delà des frontières», lance Fabrice Mangiat, la voix gorgée d'émotion. Le rendez-vous est pris pour 2026, où l'animation continuera de danser, de provoquer, d'enchanter. Car le FICAM, c'est une promesse, celle d'un art qui ne cesse de se réinventer, entre fragilité humaine et audace sans bornes.