Sécheresse, vagues de chaleur, pluies diluviennes... Le dernier Rapport annuel sur l'état du climat au Maroc fait état d'une aggravation des phénomènes extrêmes. Présenté à Rabat, vendredi dernier, ce diagnostic de la Direction générale de la météorologie souligne l'urgence d'adapter les stratégies nationales face aux risques environnementaux et aux impacts sur l'agriculture et l'économie. Année de tous les extrêmes Le rapport de la DGM annonce la couleur avec un premier constat alarmant : 2024 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée dans le Royaume, avec une anomalie thermique moyenne de +1,49 °C par rapport à la normale (1991-2020). Un indicateur bien supérieur à l'anomalie mondiale estimée à +0,67 °C. Un record historique qui confirme la tendance du réchauffement climatique de la planète et rappelle l'urgence d'agir. Présenté lors d'une journée d'information présidée par Nizar Baraka, ministre de l'Equipement et de l'Eau, le rapport fait un constat sans appel : Le climat est de plus en plus instable et les événements extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et plus violents. En détails, l'année 2024 a été marquée par des anomalies climatiques majeures. Dès janvier, puis en novembre, des températures inédites ont été enregistrées pendant ces périodes habituellement plus fraîches. Si l'été s'est révélé globalement moins chaud qu'en 2023, il n'a pas échappé à plusieurs vagues de chaleur intenses. Des records journaliers ont été pulvérisés, dépassant parfois les 47 °C. Le 23 juillet, 47,7 °C a été enregistré à Béni Mellal et 47,6 °C à Marrakech. Ces hausses de températures, particulièrement sensibles en automne et en hiver, confirment l'emballement du réchauffement climatique. À l'échelle mondiale, le seuil critique de +1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle a été franchi en 2024. Précipitations irrégulières Concernant les précipitations, 2024 a prolongé la série noire de la sécheresse, entamée depuis six ans. Le déficit national moyen a atteint -24,8%. Mais c'est l'année hydrologique agricole 2023-2024 qui enregistre un record dramatique : -46,64%, soit le niveau le plus faible depuis les années 1960. Quelques épisodes pluvieux intenses ont néanmoins été relevés, notamment en septembre dans le Sud-Est, l'Oriental, l'Atlas et la région de Tata. Des pluies soudaines et diluviennes qui ont provoqué crues et inondations, parfois meurtrières. Symbole saisissant de ces extrêmes climatiques : la réapparition du lac Iriqui, disparu depuis plus d'un demi-siècle. « L'alternance entre sécheresses prolongées et pluies extrêmes accentue les contrastes climatiques et aggrave les risques agricoles, hydrologiques et sociaux », a averti Mohamed Dkhissi, directeur général de la Météorologie, lors de cette présentation. Le secteur agricole en première ligne Déjà fragilisé par plusieurs campagnes déficitaires, le secteur agricole encaisse de plein fouet ces aléas. La production céréalière a chuté de 43% par rapport à l'année précédente. Seules certaines cultures arboricoles et maraîchères ont pu bénéficier des pluies tardives de février. Le déficit de neige, conjugué à des températures élevées et des précipitations rares, aggrave par ailleurs le stress hydrique. L'irrigation agricole, tout comme l'approvisionnement en eau potable, se trouvent fortement affectés dans plusieurs régions du Royaume à cause des longs épisodes de sécheresse. Recommandations Face à l'escalade des dérèglements climatiques, la DGM appelle à placer l'information climatique au cœur des politiques publiques en soulignant l'urgence de fonder les choix stratégiques, notamment en matière d'eau, d'agriculture et d'urbanisme, sur des données climatiques précises. Le rapport préconise aussi de renforcer les capacités d'adaptation à travers l'innovation technologique : extension des réseaux de surveillance terrestres et marins, satellisation des données, modernisation des systèmes d'alerte précoce, optimisation de la gestion de l'eau et promotion de pratiques agricoles résilientes. Au-delà des recommandations techniques, la DGM appelle à une mobilisation collective impliquant pouvoirs publics, secteur privé, chercheurs et société civile. Objectif ? « Bâtir une véritable résilience nationale face à des aléas de plus en plus fréquents et violents », conclut le rapport.