À l'origine de la colère des pharmaciens : une nouvelle baisse des prix imposée « sans concertation et mal ciblée » comme le déplore la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM). Le ministère de la santé et de la protection a en effet validé la révision à la baisse de 33 médicaments essentiels, dont certains anticancéreux et traitements cardiovasculaires. Officiellement, il s'agit de garantir un meilleur accès aux soins dans le cadre de la généralisation de l'Assurance maladie obligatoire (AMO). Mais pour la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM), la réforme frappe là où ça fait le plus mal : les médicaments les moins chers, ceux qui permettent aux officines de maintenir un équilibre économique déjà fragilisé par un cadre légal obsolète et une concurrence « déloyale ». Crise de confiance « Derrière cette contestation, c'est une crise de confiance qui éclate au grand jour », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique, Mohamed Lahbabi, président de la CSPM. « Nous ne refusons pas la baisse des prix, mais elle doit cibler les médicaments réellement trop chers », explique Mohamed Lahbabi, président de la CSPM. A rappeler qu'une récente étude réalisée par le cabinet Southbridge et commandée par le ministère, a identifié 157 médicaments dont le prix dépassait 3.000 dirhams. « Ces produits représentent à eux seuls 57% des remboursements de la CNSS», note Lahbabi. « Ce sont ces médicaments qu'il faut cibler en baissant leur prix de manière drastique, pour qu'ils soient accessibles aux citoyens et moins budgétivores. Pourtant, ce sont les médicament au prix bas qui font l'objet des coupes tarifaires en mettant à mal l'équilibre financier des officines déjà éprouvé par la concurrence « illégale » des circuits parallèles», déplore la président de la CSPM. Question de survie Ne décolérant guère, les pharmaciens lancent un cri de détresse demain mardi 9 septembre devant le ministère de la santé à Rabat. Ils alertent sur un double risque : la fermeture d'officines de quartier et le retrait du marché marocain par certains laboratoires qui seraient incapables de couvrir leurs coûts à cause des baisses de prix mal ciblées. « Et surtout avec l'absence des mesures d'accompagnement du décret de baisse de prix des médicaments déjà promises par le ministère de la santé », insiste Mohamed Lahbabi. Déjà confrontés aux ruptures de stock récurrentes et à la pression montante des patients, les pharmaciens dénoncent un cadre juridique obsolète. « Nous sommes encore régis par un dahir de 1922, datant de l'époque du maréchal Lyautey ! Il est totalement obsolète et ne correspond plus aux réalités de 2025 », déplore Lahbabi. Une loi qui n'a jamais été révisée et actualisée et des revendications « non satisfaites malgré les concertations et les promesses issues des concertations avec la tutelle », déplore la CSPM. Dossier revendicatif « Nous ne sommes pas contre la réforme. Nous sommes contre la non-application des points de notre dossier revendicatif, élaboré au bout de trois ans de concertations avec le ministère dans le cadre d'une commission mixte », insiste le président de la Confédération. « Cela fait 15 ans que la profession n'a pas avancé d'un iota », ajoute-t-il. Pour le président de la CSPM, la crise actuelle est avant tout le fruit d'un dialogue social défaillant. « On nous promet depuis des années la mise en œuvre de nos revendications, mais rien ne se concrétise. La tutelle annonce la promulgation du décret, et renvoie les mesures d'accompagnement à plus tard. Or, la profession ne peut plus attendre », affirme Lahbabi. Ces mesures d'accompagnement sont pourtant jugées vitales par les pharmaciens. « Même l'étude Southbridge préconise qu'une réforme des prix soit accompagnée de dispositions pour protéger l'équilibre économique des pharmacies », ajoute le président de la CSPM. Le dossier porté par les pharmaciens ne se limite pas à la question des prix... Parmi leurs revendications phares figurent la reconnaissance du droit de substitution, déjà appliqué dans de nombreux pays, et qui profiterait avant tout aux patients selon Lahbabi, la sauvegarde du monopole pharmaceutique, « alors que les médicaments circulent illégalement sur Internet, dans certaines cliniques ou encore dans le marché parallèle. « Une vente anarchique et totalement illégale qui fragilise les officines», argumente le président de la CSPM. Dans ce même sens, la régulation des produits vétérinaires et la reconnaissance des actes pharmaceutiques comme des prestations à part entière. L'appel de la CSPM est clair : « Toutes nos revendications visent à réformer la profession et à mieux protéger la santé publique. Nous exigeons la mise en application immédiate de l'ensemble du dossier revendicatif et des mesures de compensation liées à la réforme des prix. Nous ne sommes pas prêts à décolérer tant que ces points ne sont pas actés », conclut Lahbabi. A suivre !