L'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a publié les premières cartes nationales haute résolution des nutriments du sol, en particulier du phosphore et du potassium. Réalisé en collaboration avec plusieurs universités marocaines et internationales, ce travail scientifique a été publié dans la revue Nature Scientific Data et s'inscrit dans une logique de modernisation de l'agriculture et de rationalisation de l'usage des engrais. Une cartographie nourrie par l'IA Jusqu'ici, les informations sur la fertilité des sols marocains restaient limitées à des bases locales ou à des projets partiels comme Fertimap. Désormais, grâce à l'intégration de 5 276 échantillons de sols pour le phosphore et 6 978 pour le potassium, enrichis par 76 variables environnementales (climat, topographie, végétation, composition géologique...), le Maroc dispose de cartes de référence à 250 mètres de résolution couvrant l'ensemble de ses terres cultivées. Les chercheurs ont utilisé des modèles de machine learning (Random Forest), atteignant un taux de précision élevé avec un R2 de 0,78 pour le phosphore et 0,80 pour le potassium. Ces cartes constituent un véritable levier économique. En permettant d'identifier les zones à faibles teneurs en nutriments, elles offrent aux agriculteurs la possibilité d'optimiser l'apport en engrais. Concrètement, cela signifie la réduction des coûts de production, en évitant les excès d'engrais, la hausse de la productivité, grâce à des apports ciblés adaptés aux besoins réels des cultures avec la préservation de l'environnement, en limitant les risques de pollution des sols et des nappes. Des disparités régionales La cartographie révèle aussi de fortes variations régionales de fertilité : certaines zones affichent des niveaux très faibles de phosphore (moins de 15 ppm), tandis que d'autres se situent dans la catégorie « très élevée » (au-delà de 100 ppm). Pour le potassium, les valeurs vont de moins de 60 ppm (très faible) à plus de 300 ppm (très élevé). Ces données, désormais disponibles en libre accès, constituent une base technique précieuse pour les politiques agricoles et les programmes comme Génération Green 2020-2030, qui visent à moderniser le secteur. Les chercheurs rappellent néanmoins que ce travail présente certaines limites. La densité d'échantillonnage reste inégale selon les régions, les données ont été collectées sur une période relativement longue (2010–2022) et la résolution actuelle de 250 mètres demeure insuffisante pour une gestion parcellaire très fine. Consciente de ces contraintes, l'INRA prévoit déjà d'élargir la couverture de l'échantillonnage, de renforcer la base nationale de données pédologiques et de développer, à terme, des cartes à 30 mètres de résolution, ouvrant ainsi la voie à une véritable agriculture de précision.