Dans un contexte international marqué par la fragmentation des positions, l'essoufflement du multilatéralisme classique et la montée des logiques transactionnelles, la voix du Sud peine encore à s'imposer avec cohérence sur la scène mondiale. C'est le constat dressé par Omar Hilale, ambassadeur et représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies, qui appelle à dépasser les divisions internes pour bâtir une coopération Sud-Sud plus structurée, plus solidaire et plus efficace. « La voix du Sud est entendue, mais pas suffisamment », observe-t-il, pointant du doigt les limites actuelles du Groupe des 77, parfois freiné par des divergences politiques et des désaccords sur les modèles de développement à adopter. Une fragmentation qui affaiblit la capacité collective des pays du Sud à peser dans les grands débats internationaux. C'est précisément pour répondre à cette faiblesse structurelle que le Maroc s'investit activement dans les mécanismes onusiens de coopération Sud-Sud. À la tête de la commission compétente des Nations Unies, le diplomate marocain insiste sur la nécessité de redonner une voix cohérente, crédible et opérationnelle au Sud global. Au cœur de cette démarche, une vision : celle de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, fondée sur la solidarité, le co-développement et la participation active des pays partenaires à leur propre transformation économique. L'objectif n'est pas l'assistance, mais la construction de capacités durables, le renforcement de la résilience et l'émergence de nouvelles élites décisionnelles dans les pays du Sud. Cette approche, insiste Omar Hilale, repose avant tout sur l'investissement humain, le transfert d'expertise et l'intégration des économies locales dans des chaînes de valeur régionales et internationales. L'Initiative Atlantique, une autoroute du développement L'Initiative Royale Atlantique constitue l'un des piliers majeurs de cette stratégie. Unique en son genre, elle ne se limite pas à offrir un accès maritime aux pays enclavés : elle propose un modèle intégré de désenclavement. Ports, aéroports, réseaux ferroviaires, infrastructures logistiques, investissements productifs et mobilité humaine forment un ensemble cohérent destiné à réduire les coûts du transport, fluidifier les échanges et stimuler la croissance. « Il ne s'agit pas seulement d'accéder au port de Dakhla, mais de connecter des économies entières au monde », explique Omar Hilale. Pour les nombreux pays enclavés — près de 45 dans le monde, rappelle-t-il — l'absence d'accès à la mer constitue un handicap majeur au développement, en raison des coûts élevés du transport et des contraintes logistiques. Au-delà des infrastructures, cette vision vise à offrir aux pays partenaires de nouvelles perspectives : mobilité des personnes et des biens, accès aux échanges internationaux, diversification des ressources économiques — y compris à travers le développement de flottes de pêche ou d'activités maritimes. Omar Hilale reconnaît que cette vision est ambitieuse et exige du temps, de la volonté politique et un engagement collectif soutenu. Mais il en est convaincu : les dividendes seront considérables. Désenclavement, diversification des ressources, développement des échanges intra-africains — aujourd'hui largement inférieurs aux échanges avec le Nord — et création d'un marché africain de 1,5 milliard de consommateurs constituent autant d'opportunités à saisir. Dans un monde en recomposition, le diplomate marocain défend ainsi un multilatéralisme pragmatique, enraciné dans les réalités du Sud et tourné vers l'action. En filigrane, le message est clair : l'Atlantique n'est plus une périphérie stratégique. Il peut devenir un espace central de coopération, de croissance et de stabilité, à condition de mutualiser compétences, financements et visions. Pour le Maroc, cette dynamique n'est pas une projection théorique, mais une trajectoire assumée. Et pour Omar Hilale, elle incarne une conviction profonde : le développement durable du Sud passe par l'intégration, la solidarité et la confiance mutuelle.