Le deuxième attentat terroriste contre Smara ravive les appels à l'annexion de la zone tampon et à la fin des provocations du Polisario    Une délégation de la Gendarmerie Royale visite le Musée de la Gendarmerie nationale française dans le cadre du renforcement de la coopération    Le ministre chinois des AE rencontre les envoyés de l'UE et de ses Etats membres    Nail Moutha-Sebtaoui quitte le RSC Anderlecht    Futsal : Les Lionceaux U17 survolent le tournoi de Castro del Río    Hachim Mastour, la chute continue en Serie C italienne    L'Algérie vacille au bord de l'effondrement, entre crises internes et isolement diplomatique étouffant    Le Parlement arabe souligne le rôle important de Sa Majesté le Roi dans la défense des Palestiniens    Le Maroc lance l'élaboration de son plan national pour le froid avec l'appui du PNUE et du RCREEE    Istanbul : Le Maroc et l'Ukraine signent un accord de transport routier international    Trump dit qu'il ne "tolèrera pas" la poursuite du procès contre Netanyahu    Foot féminin: Le Maroc s'impose face à la Tanzanie    Mondial des clubs: le 8e de finale Chelsea-Benfica interrompu pour un risque d'orage    Le Maroc conclut un accord de transport routier avec l'Ukraine à Istanbul    Agadir: interpellation de deux ressortissants britanniques faisant l'objet de mandats d'arrêt internationaux    Saber Rebaï à Mawazine : Un concert joué à demi-salle    Amine Boudchart embrase Rabat : un triomphe populaire et une scène offerte à la jeunesse    Une délégation militaire française en visite à Rabat pour renforcer la coopération en formation, recherche et innovation en médecine militaire    Majida El Roumi submergée par l'émotion à Rabat adresse un message touchant au Roi Mohammed VI : « Notre amour pour le Maroc est un attachement unique »    Réunion ministérielle UE-UA : Bruxelles dément avoir invité le Polisario    Interview avec Mohamed Birouaine : «La jeunesse marocaine de France, acteur majeur de la diplomatie citoyenne»    Benguérir : Interpellation de deux individus pour outrage à des policiers    Exclusif : la Pologne envisage un éventuel appui au plan d'autonomie pour le Sahara    CDM Clubs / Palmeiras vs Botafogo : duel brésilien pour une place dans le top 8 mondial, à partir de 17h00    Transfert / Ounahi vers le Spartak Moscou : en bonne voie, mais encore incertain !    Le modèle tarifaire unifié pour le gazoduc transsaharien Maroc-Nigeria au centre des réflexions    Rabat : Un membre de Daech arrêté par le BCIJ    CHAN 2024 : le Maroc disputera son premier match contre l'Angola, le 3 août à Nairobi    Xi Jinping rencontre le Premier ministre sénégalais    « MFM » lance « Face à Face », une nouvelle émission politique hebdomadaire    Casablanca accueillera la 3è Garden Expo Africa en octobre    Un ressortissant d'Afrique subsaharienne arrêté à Casablanca pour trafic présumé de cocaïne    Protection des élèves : les députés socialistes veulent rendre l'assurance scolaire obligatoire    Baccalauréat : Nouveau système électronique pour détecter la fraude    Le ministre Abdelssamad Kayouh exhibe un selfie avec Recep Tayyip Erdoğan, au mépris de toute retenue protocolaire    Al Haouz : Nizar Baraka visite des projets hydrauliques    La fédération sud-africaine de football étudie le modèle marocain pour refonder sa gouvernance financière    Marrakech accueille le Forum international de la jeunesse avec une large participation des pays du monde islamique    L'écrivaine marocaine Zineb Mekouar remporte le prix Henri de Régnier    Casablanca Music Week : Le gnaoua de Benchemsi et la furie de Hoba Hoba Spirit enchantent le public    Les prévisions du samedi 28 juin    À Rabat, une étudiante radicalisée acquise à l'idéologie de l'Etat islamique et qui préparait un grave projet d'attentat interpellée    Challenge N°975 : Du 27 juin au 3 juillet 2025    Le Maroc pourrait accueillir la plus haute roue du monde, alors que Madrid tergiverse    Islamophobie et racisme en France : Des étudiants d'une grande école de commerce brisent le silence    Algérie : 7 ans de prison requis contre l'historien Mohamed Belghit    L'actrice Kaoutar Boudarraja est décédée    L'Etat accorde plus de neuf millions de dirhams de subventions à 177 projets culturels en 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pseudo-influenceurs, la Halka 2.0
Publié dans L'observateur du Maroc le 16 - 06 - 2020

Ils viennent remplir un vide. Ils servent de modèles à leurs suiveurs. Ils partagent une certaine «expertise» et ils sont la voix de ceux qui n'en ont pas. Les nouveaux « influenceurs » trouvent leur légitimité dans l'adoration inconditionnelle de leur followers.

Par Hayat Kamal Idrissi

De la bonne ménagère débordante d'ingéniosité à la fashionista qui ne rate pas une miette des nouvelles tendances mode, à l'ingénieux «weld lwe9te» qui vous livre la recette des bons placements avec zéro dirham investi ; en passant par «l'experte en relations humaines» qui vous guide dans votre quête du prince charmant, la grande connaisseuse (en quoi au juste !?!) qui partage ses recettes magiques pour acquérir les bonnes rondeurs là où il le faut... sans oublier les blogueurs les plus profonds qui, eux, versent dans l'analyse de tout: Des sujets sociaux aux sujets politiques en passant par ceux culturels, artistiques, sportifs, scientifiques, médicaux. En plus des prédicateurs religieux, qui sont légion, et qui émettent en continu des fatwas aussi « farfelues » les unes que les autres. Une véritable Hakla virtuelle ! Absolument tout passe sous l'œil et la langue acérés d'un nouveau type de « prescripteurs d'opinion », pour le bonheur de milliers voire de millions de followers.
Effet miroir

Blogs, vlogs, chaines sur youtube ou simples comptes sur facebook ou Instagram... tout les canaux sont bons pour véhiculer des avis, des informations, des idées et des opinions personnelles qui prennent, par la magie des réseaux sociaux, l'allure de «vérités avérées». Des «vérités» qui sont consommées, comme elles sont venues, à la va vite... souvent sans être analysées, filtrées ou juste remises en question par des followers en mal de modèles mais surtout de porte parole.
Des jeunes, des femmes, des hommes, parfois même des enfants qui, grâce aux réseaux sociaux et la large marge de liberté qu'ils offrent, trouvent finalement un espace qui les «représente», comme l'affirme Hassan Baha, doctorant en sociologie de l'image. « Voir quelqu'un qui vous ressemble, qui parle à votre manière, qui a apparemment les mêmes références socio-culturelles que vous, s'exprimer ouvertement, librement dans un espace public... est considérée finalement comme un exploit personnel, une réalisation en soi », analyse le chercheur. Le suivre devient alors une évidence, croire en ce qu'il prêche, une grande probabilité. « La fréquence des interventions de son idole en rajoute à cette nouvelle dépendance déjà accentuée par la révolution des médias et des réseaux sociaux », ajoute Baha.
Source privilégiée d'informations, les visites du blog ou de la chaine de ces « nouveaux prescripteurs d'opinion » deviennent une nécessité. C'est en effet la meilleure manière de rester in. Vérifier l'information ? Analyser les idées véhiculées directement ou indirectement ? On n'a pas souvent assez de temps. « On se contente de digérer ces fast-idées. Le sens critique aux abonnées absents, les filtres tombent et tout est absorbé et qu'importe la valeur intellectuelle ou le degré d'expertise ou de connaissance de l'influenceur émetteur », analyse de son côté Samia El Merdi, psychologue clinicienne.
Faux guides
Fini le temps, de l'ancien model du leader d'opinion ! Celui qui, eu égard à sa notoriété, son image, son statut social, sa profession, ses activités ou son style de vie, est apte de recommander une idée, une entreprise, une marque ou un produit. Et dont les recommandations sont reconnues par un grand nombre de «consommateurs». D'après les sociologues Elihu Katz et Paul Lazarsfeld, les leaders d'opinion forment un groupe social spécifique qui se caractérise par « un haut degré de sociabilité et la prise de conscience de leur influence en tant que guides ». Cette influence est d'autant plus grande que leurs caractéristiques sociodémographiques sont proches des individus à qui ils destinent leur message.
Un double tranchant si l'on considère les dérapages qui peuvent en résulter si un influenceur n'a pas le background nécessaire. Le cas de cette vlogueuse originaire de Kénitra. A ses débuts, elle se présentait comme une bonne ménagère débordante d'ingéniosité. Elle partageait ses conseils et ses astuces avec des femmes au foyer en mal d'inspiration. Des milliers de suiveuses qui progressivement, seront amenées à partager une vision franchement rétrograde de la place de la femme au foyer mais aussi dans la société. « Laver les pieds à son mari », « se prosterner devant lui », « limiter son existence à la cuisine et aux tâches ménagères »... De «simples» gestes et mots qui provoqueront d'ailleurs l'ire des féministes scandalisés. « L'influence de telles idées sur des esprits peu critiques et ouverts à toute influence, est sans limites », nous assure Bouchra Abdou, activiste féministe à l'Association Tahadi pour la Citoyenneté. Traquant tout type de « violence numérique » envers les femmes sur la toile, ces activistes s'alarment devant ce flux d'idées rétrogrades.

La pandémie des routineuses
Dans leur ligne de mire, la pléiade de chaînes youtube de « Routini al yawmi » (Ma routine quotidienne). Des femmes et des jeunes filles qui partagent avec leurs followers, leur quotidien. Tâches ménagères, cuisine, soins ou juste des séances de « bavardage entre voisines » en ligne ; avec, en supplément des zooms accentués sur leurs « atouts physiques ». La concurrence rude sur ce terrain « chaud » donne lieu à des surenchères bien en chair. « Pour le plaisir d'internautes voyeuristes. La preuve le nombre impressionnant d'abonnés à ces chaînes au contenu douteux », analyse le chercheur en sociologie de l'image. Ce dernier note d'ailleurs l'explosion phénoménale de ce type de chaines sur youtube. « Un effet enrôleur certain qui encourage de plus en plus de youtubeuses à se lancer », rajoute-t-il.
« Hafida Show », « Souma beauté », « Rotini yawmi avec Nouhaila », « Fati Cool »... des centaines de youtubeuses qui redoublent « d'ingéniosité » pour attirer les vues. L'exemple de Hafida qui a récolté 203.000 vues avec sa nouvelle vidéo, postée il y a juste une semaine, laisse perplexe quant aux nouveaux critères d'influence. Des propos disloqués devant un lit défait, avec une gestuelle aux connotations pseudo-érotiques... Le « show » comme l'appelle elle-même, fait un tabac. « Les followers cherchent un modèle auquel s'identifier et avec lequel ils entrent en échange. Les réseaux sociaux leur permettent ce processus d'interaction. De leur côté, les influenceurs accomplissent ce que leur communauté d'abonnés attendent d'eux », explique Baha. Hafida et ses centaines de collègues, ont-elles bien compris les besoins du consommateur ?

Mutations
Emberto Eco avant sa mort en 2016, s'en inquiétait déjà et l'exprime crument et sans chichi. «Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui, avant, ne parlaient qu'au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu'aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. C'est l'invasion des imbéciles». De l'exclusion de la part de l'intellectuel ? Peut être ! L'on peut cependant comprendre ses motivations et ceux des détracteurs de ces nouveaux leaders, en faisant un simple tour sur youtube et compagnie.
Liberté d'expression, espace ouvert, tendances à gogo et de tout genre, libre choix, une véritable halka grandeur nature. Le droit à la parole est à la portée de tout le monde... mais est-ce que tout le monde est bien outillé pour bien digérer et analyser cette marrée phénoménale d'idées et d'influences ? A-t-on le droit de s'inquiéter quant aux retombées de cette « révolution» ou devrait-on l'intégrer telle une mutation sociale «naturelle» rentrant dans l'ordre de l'évolution des choses ? Le temps est seul capable de répondre à de tels questionnements. En attendant, suivons !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.