Voici les hauteurs de pluie enregistrées ces dernières 24H    Teaser. Mohamed Aujjar décortique les réalisations du RNI    Non-publication de la liste des journalistes : Mise au point de la CNDP        Sendit. Abderrahim ISLAH : "Notre engagement envers le client s'inscrit dans la durée"    À Mazagan, l'ONMT et la CNT jouent collectif pour 2026    NAPS accompagne la modernisation du secteur du change    Digital Morocco 2030 : Lancement de l'offre « Startup Venture Building »    CDG Invest Growth finalise la cession de sa participation dans Soludia Maghreb    Politique monétaire : Bank Al-Maghrib face au double choc budgétaire et climatique    Marrakech : Des autobus de nouvelle génération renforcent la flotte du transport urbain    Lancement des nouveaux codes de bonnes pratiques de gouvernance d'entreprise    Suprématie aérienne au Maghreb : Soukhoï Su-57, F-35,... au-delà des mythes ! [INTEGRAL]    USA : la cérémonie des Oscars sera diffusée en exclusivité sur YouTube à partir de 2029    Riyad, épicentre du dialogue mondial de l'ONU    CA FIFA 25 : le match de classement avancé à midi    Coupe arabe : où et quand suivre la finale Maroc-Jordanie    Le FC Bayern offre un stade à son équipe féminine    CAN Maroc 2025 : Rabat, le cœur battant du football africain    Doha : Signature d'un mémorandum d'entente entre l'INPPLC et l'Académie internationale de lutte contre la corruption    CAN 2025 : 3.387 policiers et 6.000 caméras, dispositif sécuritaire renforcé dans les villes hôtes    Recul des indicateurs de criminalité avec violence (Bilan de la DGSN)    Visite de Sarah El Haïry : Le Maroc au cœur du dialogue franco-marocain sur l'enfance et la jeunesse    Retro-Verso : Il était une fois la rue des Teinturiers de Rabat    Anass Salah-Eddine affiche sa fierté et son ambition avant la CAN 2025    CAN 2025 : Yassine Bounou évoque une édition « spéciale » à domicile    Finale Coupe Intercontinentale : Le PSG sacré au bout du suspense face à Flamengo    CAN 2025 : Achraf Hakimi manquera le match d'ouverture    Warner Bros. Discovery rejette l'offre de Paramount et privilégie Netflix    Les Oscars : Fin de l'ère ABC, l'Académie choisit YouTube à partir de 2029    Gaza : Les pluies torrentielles ont fait 12 morts    Météo : Temps froid, neige et averses jusqu'à samedi au Maroc    Statistiques de lutte contre la criminalité : Hausse continue du taux de répression et recul des indicateurs de criminalité avec violence    Maroc–Guinée : Quand la coopération Sud-Sud se traduit en réformes concrètes    Nairobi: Le Maroc prend part à la 11e session ordinaire du CTS de l'UA sur la Justice    Akhannouch préside la présentation du Plan stratégique de la SONARGES    Maroc-Mauritanie: vers le renforcement de la coopération en matière de décentralisation et d'aménagement territorial    Intempéries aux Etats-Unis : près de 300.000 foyers privés d'électricité dans l'Etat de Washington    With ONMT, Ryanair opens its 5th base in Morocco    La Fondation Mohammed V lance l'opération «Grand Froid» dans 28 provinces    Jaylann, L'Artiste et Angélique Kidjo interpréteront la chanson officielle de la CAN 2025    Forbes Afrique nomme les ambassadeurs les plus influents du Maroc en matière de soft power    Togo : L'Ekpésosso, symbole vivant de la culture guin, honoré par l'UNESCO    Ferhat Mehenni écrit : le droit du peuple kabyle à l'autodétermination    Lors d'un événement artistique à Rabat... l'ambassadrice de Croatie salue la coexistence religieuse au Maroc    AHMED    USA : Trump impose des restrictions d'entrée aux ressortissants de sept nouveaux pays    Achraf Hakimi et Hassan Hajjaj ouvrent le café éphémère «Juj» à Casablanca    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Penser l'amour : Dans le jardin amoureux de Fatéma Mernissi
Publié dans L'opinion le 17 - 08 - 2022

Dans l'oeuvre au souffle novateur de l'écrivaine et sociologue Fatéma Mernissi (1940-2015), la question de l'amour s'est constituée comme un fil conducteur dans le déploiement de son projet de société nourri par le principe d'un dialogue permanent. Visite d'un jardin aux entrées multiples.
A fois objet littéraire, philosophique et sociologique, l'amour a été pensé par des philosophes et mystiques musulmans tels que Ibn Hazmou Ibn Qayim Al Jawziya. Dans la tradition occidentale, l'intérêt porté à l'analyse de ce sentiment va de Durkheim jusqu'aux travaux récents de Eva Ilouz pour ne citer que des sociologues. Aux confins de la sociologie et de la littérature, l'essayiste marocaine Fatéma Mernissi s'est très tôt intéressée à la place, au sens et aux manifestations de l'amour dans les sociétés arabo-musulmanes.
Dans La femme dans l'inconscient musulman, essai publié en 1982 sous le pseudonyme de Fatna Aît Sabbah, l'essayiste a réservé un chapitre à la question de l'amour soufi, de la poésie amoureuse et de la littérature religieuse courtoise dans le patrimoine culturel arabe. Elle y brosse le portrait de l'idéal amoureux et de la conception mystique de l'amour chez les soufis musulmans qu'elle érige en modèle du véritable amour, tels qu'Ibn Arabi ou Al Hallaj.
Pourtant, elle n'omet pas de rappeler le destin funeste de certains représentants de cet Islam amoureux marginalisé au profit d'une version plus rigoriste de la religion. La vision de l'amour soufi se définit comme une quête éternelle du Dieu-Amour, au-delà de toutes distinctions entre humain et divin, masculin ou féminin qui s'offrent à nous comme des alternatives à explorer : "Aimer une créature où se manifeste la beauté, que ce soit un rossignol qui chante, une fleur qui reçoit une goutte de rosée, ou une femme qui vous sourit, c'est aimer Dieu sous ses multiples formes", nous dit Ibn Arabi, dont la spiritualité se fonde sur le monisme. Les grandes lignes des réflexions ébauchées par l'essayiste seront développées dans un livre publié quelques années plus tard sous le titre de l'Amour dans les pays musulmans.
De L'amour en terre d'Islam
Publié d'abord dans une première version par Jeune Afrique Plus en 1984, L'Amour dans les pays musulmans sera édité chez Albin Michel en 1986. L'ouvrage conserve d'ailleurs une prédominance d'un style plutôt journalistique dans ses grandes parties. C'est « un bouquet de réflexion », dit Mernissi dans l'introduction, comme pour évacuer toute prétention académique ou savante. Elle revisite encore la place de l'amour dans la culture musulmane, notamment à travers Le Collier de la colombe d'Ibn Hazm, et se demande « pourquoi cet aspect de l'islam est devenu si étranger ? Pourquoi aimer est devenu un acte ridicule de nos jours, une spécialité d'adolescents ? Qu'avons-nous fait du souvenir du prophète aimant ? Pourquoi est-il si absent de nos échanges banals, quotidiens, routiniers ?».
Cette volonté de questionner ce sentiment universel dans une société submergée par les « messages publicitaires occidentaux», dont les avatars seraient les réseaux sociaux aujourd'hui, dessine les contours de sa pensée à l'aune des traditions et du passé. Une série d'interrogations ponctue cet essai sur l'amour décliné en segments : la séduction, la beauté, le mariage et le couple, la vision des imams, des cadis, des philosophes et des historiens. On pourrait se demander pourquoi l'amour ? C'est parce qu'il est un lieu, un terrain d'enjeux politiques, économiques et sociaux qui génèrent des rapports de domination, de force et de soumission.
L'intérêt de Mernissi pour cette question est par ailleurs concomitant à ses combats féministes, comme si la lutte pour l'égalité passait par une revalorisation de l'amour : le sentiment amoureux serait l'antidote au machisme ou à la violence ambiante d'ordre physique ou symbolique exercée sur les autres. Cette idée sera une constante dans sa vision bâtie sur le principe du dialogue dans les relations entre les hommes et les femmes. La conversation « amoureuse » s'érige en pont pour relier les cultures, rapprocher les coeurs et abolir les frontières.
Textuellement, le dialogue demeure constant entre références d'Occident et d'Orient, permettant des rencontres :« Qui a dit que l'Occident et l'Orient ne se rencontrent jamais ? Eh bien, l'amour du moins en tant qu'il se révèle impossible, fait des miracles. Qui ressemble plus aux Occidentaux Tristan et Iseult que les Orientaux Urwa et son aimé Arfa ? », note l'écrivaine. Son regret ? La méconnaissance de nos adolescents de notre patrimoine culturel relatif à l'amour, qui serait due à « un processus anthropologique rétroactif » des mass-médias modernes qui digéreraient à leur façon notre passé. Elle formule ainsi des critiques virulentes à l'encontre de cette image de l'amour moderne telle que promue dans les films à succès hollywoodiens ou autres. Et revêt son habit de féministe pour dénoncer l'idéal féminin institué par les médias.
Dans l'esprit de l'essayiste, le portrait de la femme idéale serait le révélateur de la situation de celle-ci, de sa perception et sa représentation dans les esprits masculins (ou féminins d'ailleurs). La réflexion sur l'amour n'est absolument pas déconnectée de la réalité de la femme et par suite d'un discours de lutte contre les disparités et les inégalités hommes/femmes. Fatéma Mernissi recourt souvent à l'Histoire, au patrimoine pour montrer toute la dynamique sociale qu'il y avait au temps glorieux de la civilisation islamique en y sortant de l'ombre des figures de l'indépendance, de l'autonomie, de la liberté féminines, en somme : d'un matrimoine dont peut s'inspirer une jeunesse subjuguée par l'Occident dominant.
L'amour, un jeu d'enfant ?
Comment passe-t-on d'une société qui chantait l'amour à une société qui le réprime, le combat et l'infantilise ? La sociologue estime que sa génération (économistes, politiciens, intellectuels) qui était supposée « transformer » la société a échoué dans cette entreprise. Et d'ajouter : « Il n'y a pas eu de révolution des mentalités. Notre génération n'a pas créé d'alternatives viables. Ce malaise du couple reflète et accompagne le malaise économique, et politique. Seulement, il est sans doute plus douloureux : parce qu'il est vécu, en tant qu'expérience intime, non comme un problème général public, mais comme un échec personnel », l'avantage de cet aveu d'un triple échec est de révéler que la ré flexion sur l'amour va de pair avec les questions économiques et politiques et n'est point un jeu d'adolescents romantiques et rêveurs.
L'analyse du sentiment amoureux ne doit pas être reléguée au second rang, en attendant le développement d'autres domaines qui seraient prioritaires pour les pays musulmans. C'est une question centrale, qui doit être posée, analysée et décryptée en concomitance, simultanément avec les autres problèmes sociétaux. Quiconque prendrait cet aspect à la légère, serait aveugle et ignorant d'une réalité qu'il faut prendre en charge et assumer : penser l'amour n'est pas un loisir pour des esprits oisifs.
Khalid EL KHAMLICHI


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.