Il était une fois le soccer marocain qui devint le souffle d'une nation libre et donna naissance aux premiers Lions de l'Atlas en 1957. La naissance de l'équipe nationale de football est indissociable de l'histoire politique, sociale et culturelle du Royaume, a fortiori si l'on sait qu'elle s'inscrit dans une chronologie marquée par le Protectorat, l'éveil du sentiment national et la volonté, après l'indépendance, de se doter de symboles forts de souveraineté, parmi lesquels le sport occupe une place centrale. Le football est introduit au Maroc au début du XXe siècle, principalement dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Fès et Tanger. Sous le Protectorat français et espagnol, le football est d'abord pratiqué dans les cercles européens et militaires avant d'être progressivement adopté par la population marocaine. Dès les années 1920 et 1930, des clubs à forte identité locale émergent, servant de lieux de sociabilité mais aussi, de manière plus discrète, d'expression nationale. La presse coloniale de l'époque évoque un engouement croissant pour ce sport «importé», tandis que des journaux nationalistes marocains y voient un espace où la jeunesse peut affirmer discipline et esprit collectif, pourrait-on lire dans les Archives Nationales du Royaume. Aussi, l'on pourrait découvrir dans les annales de l'historiographie qu'avant l'indépendance, il n'existait pas d'équipe nationale marocaine officielle reconnue par les instances internationales. Toutefois, en 1954, un événement sportif a, d'emblée, marqué les esprits : la création de l'équipe dite du Front de libération nationale marocain, parfois appelée «équipe nationale du Maroc» de manière informelle. Composée de joueurs marocains évoluant dans les championnats locaux et nord-africains, cette sélection dispute des matchs amicaux à l'étranger, notamment en Europe de l'Est et dans le monde arabe, afin de porter la voix du combat pour l'indépendance. La presse internationale, notamment dans certains pays socialistes et arabes, évoque alors une équipe représentant «une nation en devenir», soulignant la dimension politique de ces rencontres. L'année 1956 marque un tournant décisif. Le Maroc accède à l'indépendance et, quelques mois plus tard, la Fédération Royale Marocaine de Football est officiellement fondée. La création de la FRMF permet l'adhésion du Maroc à la FIFA et à la Confédération africaine de football. Dès cette reconnaissance, l'idée d'une véritable équipe nationale prend forme, avec pour objectif de représenter le pays sur la scène internationale. Nous pourrions lire dans une ancienne édition de «L'Opinion» datant de 1973 que «le premier match officiel de l'équipe nationale marocaine est disputé le 19 octobre 1957 face à l'Irak, à Casablanca. Cette rencontre, remportée par le Maroc, est largement commentée par la presse nationale, qui y voit bien plus qu'un simple événement sportif». Les journaux de l'époque parlent à l'unisson d'un «symbole de souveraineté retrouvée» et d'une «équipe qui porte désormais les couleurs d'un pays libre». À l'étranger, plusieurs médias soulignent l'entrée rapide du Maroc dans le concert des nations sportives, saluant l'organisation et l'enthousiasme populaire autour de cette première sortie officielle. La première grande compétition footballistique de l'histoire du Maroc intervient peu après. En 1960, le Royaume participe pour la première fois à la Coupe d'Afrique des Nations, organisée en Egypte. Cette participation est considérée comme fondatrice. Les archives de la presse marocaine montrent un traitement détaillé des matchs, des déplacements et des conditions d'accueil, traduisant une volonté de suivre l'équipe nationale comme un véritable projet collectif. La presse africaine, de son côté, évoque l'émergence d'un nouveau venu ambitieux, soutenu par un public fervent. Les années 1960 sont celles de la structuration. Le Maroc participe aux Jeux arabes, aux qualifications africaines et s'engage progressivement dans les éliminatoires de la Coupe du Monde. Chaque campagne est suivie avec attention par la presse nationale, qui analyse les performances, débat des choix techniques et commence à forger un discours critique autour de l'équipe nationale. À l'international, les Lions de l'Atlas sont perçus comme une sélection disciplinée, en construction, mais dotée d'un fort potentiel. Ainsi, la genèse de l'équipe nationale marocaine ne se limite pas à une succession de matchs. Elle raconte l'histoire d'un pays qui, à travers le football, affirme son identité et son ambition. Aujourd'hui, alors que tous les regards se tournent vers le Royaume pour la CAN 2025, il est bon de se souvenir que cette épopée commencée en 1957 continue d'inspirer les Lions de l'Atlas et de porter la fierté d'une nation tout entière.
Houda BELABD
3 questions à Laurent Cauger : «Le Maroc dispose d'une équipe solide, ambitieuse et parfaitement en phase avec le football international» * Quel est votre avis sur la nouvelle génération en cours de formation, peut-on s'attendre à plus de talents qui renforceront l'équipe nationale dans les années qui viennent ? Si les clubs marocains se mettent à travailler dans le bon sens, c'est-à-dire à croire davantage en l'ambition des jeunes, il y aura d'autres talents qui feront honneur au drapeau marocain, et ce, grâce à SM le Roi qui a permis sous Son règne la construction de terrains dignes de ce nom dans des villages autrefois privés de tout accès à la modernité...
* Dans quelle mesure un entraineur doit-il tenir compte de la pression populaire lorsqu'il s'agit du choix des joueurs ? Lorsqu'il s'agit du choix des joueurs, le potentiel et le professionnalisme demeurent les seuls mots d'ordre. Un sélectionneur ne choisit que les éléments en qui il a confiance et en qui il croit. De plus, un joueur, même très bon, ne peut pas briller à chaque match. De ce fait, il est très difficile pour le public de juger un footballeur fraîchement révélé ou qui n'a pas joué pendant une période plus ou moins importante. Les meilleurs juges d'un joueur demeurent ses entraîneurs et ses années d'expérience.
* Quel regard portez-vous sur l'actuelle équipe nationale, qui combine des joueurs formés au pays et d'autres issus de la diaspora ? L'actuelle sélection nationale est tout simplement remarquable. Sa grande force réside dans cette alliance réussie entre des joueurs formés au Maroc et d'autres ayant grandi et été façonnés ailleurs. Les premiers apportent l'âme, la culture footballistique locale et l'attachement profond au maillot, tandis que ceux venus d'Europe ou d'ailleurs amènent une rigueur professionnelle, une expérience de très haut niveau et une ouverture tactique différente. Cette complémentarité crée un groupe équilibré, compétitif et moderne, capable de rivaliser avec les meilleures nations. Aujourd'hui, le Maroc dispose d'une équipe solide, ambitieuse et parfaitement en phase avec le football international. Genèse : Le soccer marocain, des origines à nos jours L'Histoire du football marocain a commencé bien avant l'indépendance du Royaume et s'est, d'emblée, inscrite dans le contexte du protectorat français. Le premier club de football officiellement créé sur le sol marocain fut l'Union Sportive Marocaine, fondée en 1913 à Casablanca, alors en pleine expansion urbaine et économique. À ses débuts, l'Union Sportive Marocaine fut un club majoritairement composé de colons européens, notamment français, espagnols et italiens, conformément à la réalité sociale et politique de l'époque. Le football, importé par les Européens, fut d'abord pratiqué dans les ports, les casernes militaires et les cercles administratifs. Casablanca devint rapidement l'épicentre de cette nouvelle discipline sportive. Les premières traces de l'Union Sportive Marocaine apparurent dans la presse coloniale du début des années 1910, notamment dans les journaux publiés à Casablanca et à Rabat, qui évoquaient la création d'un club structuré capable de disputer des compétitions régulières. L'USM participa aux premières compétitions organisées sous l'égide de la Ligue du Maroc de football, créée en 1916 et alors rattachée à la Fédération française de football. À cette période, le football marocain fut strictement encadré par l'administration coloniale. Les clubs dits indigènes furent rares, marginalisés et peu soutenus. La création de l'Union Sportive Marocaine marqua néanmoins le point de départ officiel de la pratique organisée du football au Maroc. Elle servit de modèle administratif et sportif à la naissance d'autres clubs dans les années suivantes, notamment à Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech. Au cours des années 1920, la presse signala l'apparition progressive de clubs composés majoritairement de joueurs marocains, souvent fondés en réaction à l'exclusion sociale et sportive. Ces formations devinrent, par la suite, des symboles d'affirmation identitaire. Toutefois, sur le plan historique, l'Union Sportive Marocaine demeura le premier club de football formellement constitué sur le territoire marocain. Après l'indépendance du Maroc en 1956, l'Union Sportive Marocaine poursuivit son existence dans le paysage footballistique national avant de disparaître progressivement des premières divisions. Son héritage demeura cependant inscrit dans l'histoire du sport marocain. Ainsi, si le football marocain s'imposa plus tard comme une composante essentielle de la vie sociale et culturelle du pays, ses origines institutionnelles remontèrent à l'année 1913, avec la fondation de l'Union Sportive Marocaine, premier jalon d'une longue histoire footballistique au Maroc. Archives : Quid du premier rugissement des Lions de l'Atlas ? À la fin du protectorat, la Fédération Royale Marocaine de Football acheva sa structuration et permit au Maroc d'engager pour la première fois une équipe nationale reconnue par les instances internationales. Le 19 octobre 1957, lors des Jeux panarabes organisés à Beyrouth au Liban, le Maroc disputa son premier match international officiel en tant que pays indépendant contre l'équipe d'Irak. La rencontre se termina sur un score de trois buts partout, marquant un moment symbolique dans l'histoire du sport national. Cette compétition officielle constitua le point de départ de l'aventure internationale des Lions de l'Atlas après l'indépendance du Royaume. L'effectif qui représenta le Maroc lors de ce tournoi est considéré comme la toute première sélection nationale officielle du Maroc indépendant. Parmi les joueurs alignés figuraient ceux qui eurent l'honneur de porter pour la première fois le maillot national dans une compétition internationale. Mohamed Tibari, milieu de terrain issu du football marocain, fit partie de cette sélection pionnière. Il disputa l'intégralité du tournoi des Jeux panarabes et fut l'un des cadres de l'équipe. Aux côtés de Tibari se trouvait Mohamed Roudani, qui fut le premier joueur du club Raja Casablanca à être appelé en équipe nationale. Il participa à tous les matches du tournoi, y compris le match inaugural contre l'Irak, puis les victoires face à la Libye et à la Tunisie qui permirent à la sélection de se qualifier pour les demi-finales. Parmi les autres joueurs présents dans cette équipe figurait Houcine Kyoud. Défenseur de formation, Kyoud disputa lui aussi les rencontres des Jeux panarabes. Il contribua à l'animation défensive de l'équipe lors des premiers matches officiels du Maroc, faisant partie de cette génération qui ouvrait la voie aux futures campagnes internationales. Le parcours du Maroc lors de ces Jeux panarabes de 1957 fut marquant. Après son premier match nul contre l'Irak, l'équipe remporta sa première victoire officielle en battant la Libye 5-1, avant de l'emporter 3-1 contre la Tunisie, ce qui permit au Royaume de terminer en tête de son groupe et d'accéder aux demi-finales. Nostalgie : Mexico 86, l'épopée marocaine avec Khairi et Timoumi En 1986, le Maroc participe à sa deuxième Coupe du Monde, seize ans après l'édition de 1970. Le Royaume termine en tête de son groupe et devient la première équipe africaine à franchir le premier tour d'une phase finale mondiale. Après un nul contre la Pologne et l'Angleterre, le Maroc bat le Portugal 3-1. «La sélection marocaine a porté haut le drapeau bicolore lors de notre participation à la Coupe du Monde de football au Mexique en 1986. En toute modestie, je suis, et nous tous sommes fiers d'avoir ouvert le bal des exploits marocains à l'échelle internationale», se souvient Abderrezak Khairi, auteur de deux buts contre le Portugal. Le parcours du Maroc débute par les qualifications africaines où Madagascar et la Libye profitent de l'élimination du Lesotho et du Niger. La victoire face à la Libye ouvre la voie à la phase finale. Mohammed Timoumi évoque l'atmosphère exceptionnelle du groupe : «En 1986, l'ambiance générale dénotait la relation fusionnelle au sein de l'équipe. La tactique de notre coach était pointilleuse. Au Mexique, nous avons été reçus en grande pompe. Les éléments de l'équipe nationale se sont sentis chez eux, ce qui a influencé positivement le moral et les performances de tous ses membres. Nous avons représenté notre pays et notre continent avec dignité». Outre Khairi et Timoumi, la compétition voit briller Abdelkrim Merry, alias Krimou, et Azzedine Amanallah, tous deux internationaux expérimentés et performants en France. «A l'instar de la formation nationale actuelle, les joueurs de 1986 étaient pétris de talent. Leur aura a fait des émules et la presse internationale s'est faite l'écho de leurs prouesses», souligne Khairi, rappelant l'importance du soutien de Feu Hassan II. Cette génération légendaire a marqué l'histoire du football africain, prouvant que travail, discipline et cohésion suffisent à inscrire une équipe dans les annales.