Le Maroc place la résilience des victimes au cœur de la lutte contre le terrorisme en Afrique    M. Hammouchi reçoit le nouveau sous-secrétaire général du Bureau des Nations Unies contre le terrorisme    Révision des listes électorales : les inscriptions ouvertes jusqu'au 31 décembre 2025    Conseil National : Le Parti de l'Istiqlal engagé pour relever les défis de la prochaine étape    À Marrakech, une nouvelle séquence de coopération sino-marocaine pour l'eau et l'agriculture    Energie : OCP Green Energy met en service la première phase de son programme solaire de 202 MWc    Taager mise sur Casablanca pour accélérer l'entrepreneuriat digital au Maroc    BMW renforce son empreinte culturelle au Maroc avec dix ans de présence au Festival du Film de Marrakech    Samsung franchit un cap avec le Galaxy Z TriFold, son premier smartphone à triple pliage    Cours des devises du mardi 02 décembre 2025    Emploi. Le Burkina modernise son Code du travail    Carburants : Les méga-marges menacent-elles la transition énergétique ? [INTEGRAL]    Interview avec Amr Moussa : "La solution à deux Etats est encore possible, il ne faut pas désespérer"    Rome: Le Maroc élu à la vice-présidence du Conseil de la FAO    Vague d'enlèvements au Nigeria : Le ministre de la Défense jette l'éponge    Cameroun : Marc Brys officiellement limogé à quelques semaines de la CAN 2025    M-AUTOMOTIV Nour Rallye Raid 2025 : une aventure féminine 100 % marocaine qui a fait vibrer le Sud    CAN Maroc 25 : l'Egypte dévoile une pré-liste de 28 joueurs et lance sa préparation    Amical Maroc-Afrique du Sud : horaire ? diffusion ? Enjeux ?    Lamine Yamal : « J'aurai toujours de l'amour pour le Maroc »    Mariages des mineurs : le nombre des cas passe de 26.298 en 2017 à 8.955 en 2024    Patrimoine géologique : Marrakech, vitrine africaine    Chutes de neige et fortes rafales de vent mercredi dans plusieurs provinces du Royaume    FIFM 2025. Maryam Touzani présente son film « Calle Malaga » à Marrakech    Kayouh: les indicateurs du transport entre 2022 et 2025 dépassent les niveaux d'avant Covid-19    L'Agence Bayt Mal Al-Qods Acharif appuie les hôpitaux arabes de la ville sainte    Syrie : Nouvelles incursions israéliennes    Registration now open for Moroccan professional electoral lists 2025    Maryam Touzani's Calle Málaga : A love letter to Tangier and family ties    Listes électorales des Chambres professionnelles: le dépôt des nouvelles inscriptions du 1er au 31 décembre 2025    Avant sa projection au FIFM, le film "El-Sett" crée la controverse en Égypte    Mission n° 611... La Chine continue de renforcer sa flotte spatiale avec le lancement d'un nouveau satellite    Donald Trump affirme s'être entretenu directement avec Nicolas Maduro    Amrani : « Le Sahara marocain devient un pôle de croissance et un carrefour entre continents »    Coupe du Monde féminine de futsal: Le Maroc défait par l'Espagne en quart de finale    VIH/SIDA : Tahraoui fait état d'une baisse de 22% durant la dernière décennie au Maroc    Coupe arabe : Les joueurs nationaux concentrés pour battre les Comores    Discussions Maroc-ONU autour de la lutte contre le terrorisme    FIFM - Rencontre avec Maryam Touzani : Rue Malaga, Tanger et l'art de filmer l'intime    Les temps qu'il fera ce lundi 1er décembre 2025    Airbus immobilise 6000 avion pour défaillance d'un logiciel    Liga: Ounahi auteur d'un 3e match nul pour le Real Madrid    Chutes de neige et fortes rafales de vent mercredi dans plusieurs provinces du Royaume    Casablanca : La 2è édition du Festival Amwaj se tiendra du 04 au 07 décembre 2025    FIFM. Jodie Foster : « La force d'un acteur réside dans sa singularité »    FIFM. Quand l'art dit non au box-office : Virginie Efira et Chiara Mastroianni défendent un cinéma libre à Marrakech    FIFM 2025 : 3 questions à Jodie Foster [Interview]    « Promis le ciel » : Erige Sehiri éclaire les migrations féminines et les silences du réel    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mise à niveau : Projet de réhabilitation de la Médina de Casablanca
Une richesse patrimoniale à dépoussiérer
Publié dans L'opinion le 09 - 10 - 2010

Casablanca est appelée à connaître une renaissance pour la sauvegarde de son patrimoine, quoique avec beaucoup de retard. La visite de SM le Roi Mohammed VI à la médina a été un signe fort pour un programme de restauration et de réhabilitation de la ville avec un budget alloué de 30 milliards et une échéance fixe et claire pour la réalisation: 2013, pas avant, pas après. Il y a longtemps qu'on parlait, cycliquement, de la réhabilitation de la médina de Casablanca construite, selon Jena-Luc Pierre, professeur d'histoire, sur les décombres de l'ancienne Anfa détruite par les Portugais en 1646. Mais c'était resté un vœu pieux.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et les bâtisses laissées sans maintenance n'ont cessé de prendre des coups de vieux. La pression de l'exode a fait le reste dans un cadre de vie de plus en plus dégradé. L'état d'abandon est aussi curieusement le lot d'une partie du centre de la ville autour du boulevard Mohammed V, fief des fleurons de l'architecture Art Déco qui fait de Casablanca une ville d'une richesse architecturale sans pareille. Là aussi, l'espoir d'un tournant est formulé avec la futur installation du tramway. Et peut-être, à l'horizon, une solution pour le triste sort de l'hôtel Lincoln et des bâtisses Bessoneau, situées à proximité, vidées des locataires (exemple de la bâtisse qui abritait le restaurant L'Etoile de Marrakech). Des édifices pourtant inscrits monuments historiques mais laissés jusqu'à présent à l'abandon avec le risque de connaître le même sort d'effritement que le Lincoln. Le passage piétonnier souterrain de la place des Nations Unies est aussi laissé à l'abandon après des travaux de réfection qui avaient coûté des dizaines de millions, de l'argent public jeté par les fenêtres pour un passage fermé aux piétons pendant des années.
Médina en marge
Dans la médina, pendant les décennies passées, des travaux (carrelage, éclairage public etc.) avaient été effectués sporadiquement au gré des campagnes électorale, sans vision globale: du replâtrage à chaque fois avalisé par les autorités locales.
Plus récemment, via le développement économique et «l'ouverture de la ville vers la mer», les choses commencent à bouger. En contrepartie de la Marina, des fonds de la CGI (11 milliards) avaient été débloqués pour bénéficier à la mise à niveau de la médina, mais l'on ignore le sort réservé à cet argent puisque rien n'a été effectué pour la vieille ville dégradée.
Bien avant, dix milliards avaient été débloqués toujours pour la mise à niveau de la médina en 2006, mais celle-ci n'en a pas bénéficié. La Commune de Casablanca a poursuivi une gestion qui marginalise la médina systématiquement. Comme si on mettait un bâton dans les roues d'un développement économique en retardant à qui mieux mieux le processus de mise à niveau qui va requalifier cette partie de la ville par la Marina, la nouvelle grande gare de Casa-Port etc. Rien donc d'étonnant si, finalement, la commune urbaine, le maire à sa tête, ne furent pas de la partie dans la convention signée devant SM le Roi. La convention, en effet, ne concerne comme signataires que les ministères de l'Intérieur et des Finances d'une part et l'Agence urbaine, la préfecture de Casa-Anfa et l'Association Casablanca Carrières Centrales de l'autre. En 2013, les travaux de mise à niveau d'une partie prioritaire de la médina devraient être achevés, mise à niveau à tout point de vue : infrastructures (assainissement, voirie, éclairage public), équipements de santé, structures d'accueil culturelles, restauration de maisons vétustes, monuments et bâtisses menaçant ruine etc. Il s'agit de la «séquence 1 prioritaire», soit la zone qui va du boulevard Hansali à Bab Jdid, en alignement avec le boulevard des Almohades en passant par rue Commandant Provost, Bousmara, place Centrale, derb Gnaoua, les écoles primaires publiques Omar Ibn Abdelaziz, Ibn Roumi, Fihria, mosquée Ouled Hamra, Sqala, Sidi Allal Karouani, Arsat Zerktouni, Sidi Fateh, Tnaker etc. Il s'agit, selon le projet, de «restituer son âme à la ville» en créant un circuit culturel qui mette la ville ancienne en connexion avec la Mosquée Hassan II dans un circuit touristique linéaire de 3,7 kms environ, passant par des commerces (289 points de vente), 31 ateliers et bazars, 49 monuments répertoriés, 3 mosquées, une ancienne église (Buena Ventura), 3 ex-consulats etc.
Quand on parle de réhabilitation et de sauvegarde de la médina, on peut se demander pour qui ? Pour les habitants ? Pour le site en tant que réceptacle de mémoire de la ville? Pour les visiteurs, les touristes ? Sans aucun doute pour l'ensemble. Et surtout, en premier lieu, cela doit profiter aux habitants du lieu en priorité. Parmi ceux-ci, il existe des personnes qui se disent désabusées. On croit que c'est simplement parce que la médina est devenue gênante du fait de sa proximité avec le développement économique sur le littoral en jonction avec le port, qu'on se souvient qu'elle existe, car elle devient une fausse note bien dérangeante dans le décor. D'autres pensent que la médina réveille l'avidité des spéculateurs dont certains auraient déjà mis main basse sur les meilleures propriétés bien situées, sachant à l'avance ce qui allait se passer comme actions de revalorisation du site historique. Délit d'initié ? En tout cas, Casablanca ne saurait dévier de l'un des traits marquants de son histoire qui est la spéculation foncière et immobilière.
Taudification
La mise en branle de ce programme de réhabilitation a été précédée par la réalisation d'un projet de vision globale de restauration de la médina. Cette vision a été élaborée à partir d'ateliers de réflexions sous la houlette d'un comité de pilotage où se trouvent représentés autorités locales (gouverneur de Casa-Anfa), élus (président de l'arrondissement de Sidi Belyout), délégations de commerce et du tourisme et associations de la société civile. Il ressort du premier état des lieux réalisé à l'issue des divers ateliers et dont le résultat est détaillé dans un rapport daté du début juin 2010, que les maisons de la médina sont majoritairement taudifiées, ce qu'on savait déjà à satiété. Jusqu'à 3 mille habitants à l'hectare (surtout à l'Est et au centre). Des habitations généralement insalubres où s'entassent de nombreuses familles sous équipées, sans eau potable ou avec un réseau d'assainissement complètement effondré. Plus de 62% des ménages, soit la plupart, habitent dans des maisons ordinaires comme celles qu'on trouve dans d'autres quartiers populaires de la ville et seulement 22% vivent dans des maisons traditionnelles, c'est-à-dire conçues comme des riads à l'exemple de la maison de Benjelloun ou la maison de Doublali, souvent en dimension plus petite. La majeure partie des habitants, plus des deux tiers, sont des locataires, soit exactement 78%. Les propriétaires sont partis en louant les chambres de la maison, à moins qu'ils n'aient disparus en laissant des tiers. Les propriétaires, souvent, ne possèdent que les murs sur des terrains appartenant à d'autres. Un grand nombre de maisons supportent un trop grand nombre d'habitants: plusieurs familles par appartement, chacun occupant une chambre sans compter les logements où se bousculent les locataires célibataires parqués jusqu'à 6 par chambre, voire plus. Les agents chargés du dernier recensement avaient fait des constats effarants où l'on a pu constater par exemple dans certains logements des groupes de travailleurs (gardiens de voitures, portiers d'immeubles…) qui se relaient sur les lits, ceux de nuit et ceux de jour, cas constatés à derb Guerwawi notamment.
La vétusté des logements est l'aspect le plus visible à l'œil nu avec 79% de logements ayant plus de 50 ans. Compte tenu du manque de maintenance, l'état de délabrement est très avancé. D'où le nombre élevé des maisons menaçant ruine: 61 maisons menacent ruine selon les arrêtés de démolition, mais le nombre doit être encore plus élevé. Une enquête exhaustive devrait être lancée pour connaître le nombre exact. En attendant, ceux qui vivent entre ces murs fissurés branlants, en perpétuel péril, ne peuvent pas les quitter, n'ayant pas d'autre alternative. Une catastrophe pourrait arriver d'un moment à l'autre surtout en période de pluies.
Les bidonvilles dans la médina ne sont pas en reste. On dénombre 9 noyaux regroupant au total 121 ménages. 89% des noyaux ne dépassent pas les 16 ménages. Parmi ces bidonvilles, certains abritent des familles qui avaient quitté des masures menaçant ruine.
On note aussi des faiblesses criantes au niveau des infrastructures de santé et des infrastructures socio-culturelles.
Il ressort du même diagnostic que la médina, au niveau touristique, a des forces avérées mais souffre aussi de grandes faiblesses. Au niveau forces, la médina recèle un riche patrimoine historique et architectural avec une muraille, quoique effritée en plusieurs endroits et non restaurée, 7 borjs, 7 sanctuaires, 5 marabouts, 4 zaouiä (Harrakia, Derkaouia, Kettania, Nasiria), des foudouks, des unités hôtelières non classées, 3 espaces verts, 2 grandes places, 5 principales placettes, 11 fontaines. Pour les faiblesses on reconnaît d'abord l'indigence de l'offre touristique avec des unités non classées, des hôtels de médiocre qualité dont les tarifs varient entre 40 Dh et 60 Dh la nuitée. Un seul hôtel semble sortir du lot: Hôtel Central, Place Ahmed El Bidaoui, juste en face de Bab el Marsa. Le rapport parle aussi du «manque de lieu de restauration de qualité, de dégradation de l'espace public, d'insécurité avec harcèlement des touristes, mendicité, faux guides, trafic de drogue… »
Pour le secteur du commerce, on recense 3025 établissements entre le vestimentaire, le commerce des fruits-légumes et des épices, les épiceries d'alimentation générale, les bureaux de tabac. On déplore une régression de l'activité commerciale, l'anarchie du commerce informel, le manque d'hygiène dans le réseau des unités de restauration.
S'agissant de l'artisanat, le rapport note les points forts résidant dans le nombre importants d'artisans: 1385 artisans dans les ruelles de la médina employant entre 2 à 5 personnes dans les divers métiers (confection de cuir, couture, bijouterie). La faiblesse se constate dans les conditions de travail très dures au sein de ces nombreux ateliers aménagés dans des espaces très étroits avec absence de conditions de sécurité, d'hygiène et d'aération, surtout qu'on y emploie des substances dangereuses comme la colle et les solvants. De plus, les ruelles très étroites empêchent ces activités de bénéficier des facilités logistiques et des conditions aisées d'accès pour les visiteurs clients.
Globalement, pour la population de la médina, au niveau social elle souffre de manque d'infrastructures de base avec délabrement des structures existantes entraînant prolifération de fléaux sociaux, délinquance, toxicomanie taux de déscolarisation élevé avec redoublement en 1ère année fondamentale, jusqu'à 13% des élèves, manque de qualification professionnelle pour les déscolarisés. Peut-être faudrait-il mettre le paquet surtout pour ces milliers d'enfants des écoles publiques de la médina dont les parents sont très pauvres, dont un certain nombre sont orphelins ou abandonnés et pris en charge par des tiers sans oublier les personnes aux besoins spécifiques.
Mémoire enfouie
La médina de Casablanca, au niveau culturel, est d'une richesse inouië et c'est son atout qui reste à prendre en charge. Pour ne parler que de l'époque contemporaine, la médina recèle d'importantes pages de la résistance. Malheureusement, l'aspect le plus navrant c'est l'amnésie. Un projet de livre en rapport avec le programme de mise à niveau est prévu. Dans la médina, rien que les noms des rues et derbs constituent un labyrinthe de sens et de mémoire enfouie. Souvent, les habitants du lieu ignorent l'origine des noms. D'où vient le nom de l'impasse derb Zizouna ? On a posé la question à un épicier du coin de la rue Jamaa Chlouh qui officie au même endroit depuis trente cinq ans: «Je n'ai jamais su d'où ça pouvait provenir, mais en tout cas, je parie que ce derb est le moins silencieux de toute la médina surtout une fois la nuit tombée» dit-il en riant.
Juste en face une autre impasse: derb el Madra. Un nom qui évoque une fourche et on pense à la paille pour les bêtes. Plus loin, il y a derb Jnawa. On pense qu'il y avait un abattoir en plein air au même endroit. Les autres noms sont tous très évocateurs: derb Tyour, derb Lhjar, derb Jmel, derb Jrane, derb el Khaddama, derb el Frina…
La mise à niveau de la médina c'est, à ne pas douter, la mise à niveau d'une grande richesse dont les dividendes doivent revenir à ceux qui y vivent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.