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Déplacements massifs de l'Aïd El Kébir
Embellie pour les transporteurs, sacrifices pour les transportés L'occasion exceptionnelle de l'année où Casablanca se dépeuple
Publié dans L'opinion le 08 - 11 - 2011

M'barek, jeune artisan plâtrier originaire d'un village au Sud de Taroudant, région de Taliouine, rencontré jeudi dernier, se préparait à quitter Casablanca pour partir au bled où ses parents l'attendaient pour célébrer la fête du sacrifice.
«J'ai encore du travail, dit-il, je ne partirai que dimanche, j'évite le car, je paie ma place dans une voiture, un khattaf occasionnel, avec un groupe de voyageurs. Pour arriver chez moi, il me faut prendre d'autres taxis après Taroudant, ce voyage me coûte avec mes bagages près de 500 Dh, frais de transport et bouffe compris».
Il arrive à M'barek de rejoindre son douar au cours de l'année en dehors de l'Aïd El Kébir, mais c'est bien rare. La fête du mouton est la seule occasion où le retour au bercail, le temps d'une fête, est inévitable. Toutes ses économies y passent ou presque.
Les cas comme M'barek usant de transport clandestin ne sont pas aussi nombreux que ceux qui optent pour les moyens de transport classiques. Les autocars viennent en tête comme premier moyen de transport sollicité suivis des grands taxis et des trains. L'avion s'avère aussi une option économique en durée de trajet pour ceux qui habitent très loin, notamment dans les provinces du Sud par exemple.
Les déplacements de l'Aïd El Kébir sont à coup sûr les plus massifs de l'année et sont caractérisés par la bousculade et l'augmentation des prix de 100% et plus selon les catégories de transports. Les billets de cars se vendraient aussi dans le marché noir selon des habitués de ces moments de frénésie. L'argument justifiant les augmentations des tarifs est le même : les transporteurs reviennent à vide vers Casablanca.
A la veille de l'Aïd, tout le monde quitte la ville, marchands ambulants, ouvriers de bâtiment, travailleurs des unités de restauration, etc. Ils auront subi, pour une bonne partie d'entre eux, des conditions très difficiles, déplorables dans la grande ville pour économiser quelques billets de banque en logeant dans des logements exigus et parfois sur le lieu même du travail. Casablanca se dépeuple à l'occasion de l'Aïd. Les masses de besogneux regagnent sans doute avec joie le chez-soi, pays natal, pour apporter l'argent à leur famille. Il faut attendre l'après l'Aïd pour assister au mouvement inverse : le retour plutôt progressif vers Casablanca. En attendant ce retour, beaucoup de commerces resteront rideau baissé durant une dizaine de jours, de même que les chantiers de construction de bâtiment et autres qui demeureront sans activité durant une bonne semaine au moins.
«Ceux qui souffrent le plus de ces déplacements annuels ce sont ceux qui viennent du Nord, Tanger, Tétouan et qui transitent par Casablanca pour aller vers le Sud, des gens qui passent 48 heures sur les routes pour traverser tout le Maroc », déclare un courtier au service d'une agence de transport touristique.
Le risque d'accident sur le réseau des routes monte d'un cran à cause de la vitesse employée pour augmenter le nombre de rotations et la saturation du réseau.
A ce propos, un chauffeur d'autocar de la ligne Casa-Safi à la gare Oulad Ziane déclare :
«Les patrons donnent des directives pour augmenter les rotations et la recette, mais les chauffeurs doivent prendre leur précaution car en cas d'accident, même quand ils ne sont pas fautifs, ce sont eux qui paient les pots cassés, le patron se passe de leur service et les remplace comme il ferait de ses chaussettes. Sur la ligne de Safi par exemple, je ne peux faire pendant la journée que deux rotations, quoi qu'on fasse on atteindra toujours le même résultat, autant donc aller doucement ».
Gare Oulad Ziane
Lundi dernier, à une semaine de l'Aïd El Kébir qui intervient le lundi prochain, la gare Oulad Ziane est loin d'être prise d'assaut par des marées humaines. On remarque le peu de monde par les cris des courtiers qui s'époumonent pour chercher quelques voyageurs rares à faire monter dans des cars stationnant sur le bord de la Route Oulad Ziane et d'autres qui les interceptent devant les portes de la gare sous l'œil indifférent de policiers de brigades motorisées Soqour.
« Voyez, il y a plus de courtiers que de voyageurs ! s'exclame un courtier, mais les foules ne tarderont pas, c'est comme le tsunami, ça vient en même temps… ».
Les habitudes de racolage de voyageurs sur le bord de la route Oulad Ziane, à leur descente des transports en commun, semblent reprendre de plus belle. Les cris se poursuivent chez d'autres courtiers à l'intérieur, sur les quais, histoire d'orienter d'hypothétiques voyageurs égarés. Tout cela constitue des signes qu'on observe dans le quotidien ordinaire de l'année à la gare la plus grande au niveau national s'étendant sur trois hectares et demi et par où transiteraient un millier de cars au quotidien. Ce faisant, rien ne semble indiquer vraiment que la grande fête est si proche, une fête qui constitue pourtant pour des habitants et travailleurs de Casablanca le véritable congé annuel avec cette année des congés scolaires qui débutent ce vendredi 4 novembre et se poursuivent pendant dix jours.
Dans la partie centre commercial en sous-sol de la gare, ce n'est pas non plus la bousculade. Les terrasses des cafés sont plutôt clairsemées.
« Tout le monde viendra en même temps à partir de jeudi et vendredi », déclare un courtier très optimiste.
« La gare Oulad Ziane, depuis l'ouverture d'autres stations de sociétés de transport, ne connaît plus l'affluence normale de l'Aïd El Kébir qui commençait à se manifester quinze jours avant la journée du sacrifice », se plaint un coiffeur s'activant dans un salon de coiffure au sein du centre commercial souterrain de la gare. Selon lui, dans le passé, les affaires marchaient mieux. D'année en année, l'activité décline. De moins en moins de ces clients viennent se faire couper les cheveux avant de prendre le car pour aller retrouver la famille avec une meilleure mine ». Mais, rectifie-t-il, « il y a aussi la crise en général car il y a eu cette année presqu'en même temps les vacances d'été, le Ramadan suivi aussitôt après par la rentrée scolaire et voici maintenant le mouton ! ».
Pour lui, la bousculade n'est pas bonne pour les affaires :
« Quand tout le monde vient en même temps, ce n'est pas bon pour nous », dit-il avec une pointe de tristesse.
Le garçon du café voisin où quelques rares clients visionnent, sans grande conviction, un film de Jet Li sur un grand écran de télé, renchérit en tranchant sans équivoque :
« La gare Oulad Ziane qu'on connaissait dans le passé c'est fini, mchate, kannech-chou debbane ! Comment ! c'est ça la gare Oulad Ziane à six jours de la plus grande fête ? C'est une gare méconnaissable. Il faut aller voir les agences de sociétés de transport, il y a vraiment la foule là-bas…».
Un courtier précise :
« Les gens préfèrent aller dans les agences des transporteurs, ils se sentent plus en sécurité qu'à l'intérieur de la gare routière, il faut l'avouer ».
Traumatisme
Un ancien voyageur de l'Aïd El Kébir se souvient de l'histoire de personnes « il y a quelques quatre ou cinq ans, qui avaient acheté de faux tickets de cars vendus par des escrocs se faisant passer pour des courtiers de transporteurs et qui se sont rendu compte trop tard qu'il n'y avait pas de cars correspondant à ces tickets ».
Le temps ne semble pas avoir effacé tout à fait ce traumatisme. La gare est toujours perçue comme un lieu comportant des risques et suscitant de ce fait un sentiment d'insécurité. C'est ce qui explique le déploiement d'un impressionnant service d'ordre à la veille de l'Aïd qu'on ne voit que lors des matches de foot pour quadriller la gare et éviter des dérapages possibles.
Ce qu'on oublie sans doute c'est que des travailleurs ne peuvent pas quitter leur travail pour partir avant le samedi, voire le dimanche. Parmi ceux qui sollicitent les agences, ce serait en grande partie pour réserver en toute sécurité leur place pour les jours indiqués et très demandés samedi et dimanche. Réserver à temps permet d'éviter les bousculades monstres des retardataires qui attendent le dernier moment pour se pointer à la gare.
L'Aïd El Kébir montre deux Casablanca, celle de ceux qui passent la fête dans la ville et celle de ceux qui la quittent pour aller fêter l'Aïd du mouton au bled ou dans une autre ville où réside leur famille. Ce sont, comme dit plus haut, des travailleurs dans les chantiers de construction, des commerçants des épiceries, des marchands ambulants, des étudiants et autres, mais aussi beaucoup de femmes ouvrières, femmes de ménage et celles qui travaillent dans les unités de restauration, laiteries et snacks. Le phénomène se poursuit. Parfois, ce nomadisme saisonnier prend fin brutalement quand toute la famille s'installe à Casablanca. Parfois aussi, l'attrait du bled est tellement fort que toute la famille, bien qu'installée dans la ville, migre le temps d'une fête du sacrifice vers la terre des ancêtres. Là, quand on n'a pas de voiture, il arrive qu'on en loue une. Une bonne occasion de recettes pour les sociétés de location d'autos. On ne lésine pas sur les moyens. La fête du sacrifice porte bien son nom.
Depuis quelques années, de plus en plus de jeunes couples de classe moyenne quittent aussi Casablanca pour aller faire du tourisme à Marrakech ou ailleurs, voire à l'étranger sans se soucier de l'Aïd El Kébir ou peut-être pour fuir cette atmosphère tenue pour désuète. Auparavant, c'était seulement une frange de la classe nantie qui se démarque des classes démunies. Chacun ses soucis et ses goûts.
Solidarité
Mais le sacrifice du mouton c'est toujours la grosse majorité des Marocains qui y tiennent toujours, le défendant griffes et ongles comme Sunna moakkada. Bien des reproches sont lancés contre le déroulement de cette fête comme les aberrations de crédits du mouton, mais elle constitue la marque d'une solidarité familiale et sociale avec les agriculteurs éleveurs, du moins quand les intermédiaires - chennaqa - leur laissent une marge de manœuvre.
« La fête du sacrifice c'est une fête familiale où les membres de la grande famille se réunissent, autrement ça n'a pas de sens», confie Lahcen, buraliste, qui poursuit :
« J'allais chaque année au bled région de Tiznit aussi bien à l'Aïd El Kébir qu'à l'Aïd Seghir, j'y allais en voiture, il y a pas mal de gens qui préfèrent, quand ils n'en possèdent pas, de louer une voiture dans une agence de location pour aller au bled avec les enfants, on est plus libre de s'arrêter à volonté et on a moins de désagrément, car moi j'allais avec toute ma famille, ma femme, mes enfants, mais depuis que mes parents sont morts au bled je n'y vais plus, il n'y a plus de raison, donc je fête l'Aïd à Casablanca ».
Brahim, garçon de café originaire de Chichawa, révèle lui qu'il ne fait plus le déplacement au bled à l'occasion de l'Aïd El Kébir depuis qu'il a fait venir toute sa famille à Casablanca.
« Depuis le déménagement de toute la famille, je ne fais plus le déplacement au bled, question de budget, ça coûte cher de se déplacer quand on est garçon de café et qu'on a trois gosses, maintenant ce déplacement est effectué tous les deux ou trois ans ».
Fatima, jeune mère de famille cadre dans l'administration d'une entreprises privée, se souvient qu'il y a longtemps ses parents l'emmenaient au bled pour fêter l'Aïd :
« C'était il y a longtemps, c'étaient des moments de bonheur quand on fêtait l'Aïd du mouton au village, mais pour ma petite famille, mon mari et mes enfants, un pareil déplacement est inimaginable. Je fais partie de celles et ceux qui constatent le départ des voyageurs. Au lendemain de l'Aïd, c'est un autre Casablanca que je découvre, dépeuplée avec peu de voitures et surtout je constate les voies complètement dégagées et l'absence des « ferracha ».


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