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Les règles relatives à la révision dans la Constitution marocaine de 2011
Publié dans L'opinion le 18 - 06 - 2012

La Constitution marocaine de 2011 - Analyses et commentaires est le titre du nouveau livre initié et réalisé sous la direction du Centre d'Etudes Internationales* (CEI), paru aux éditions LGDJ le 24 avril 2012 et distribué au Maroc depuis le 15 juin 2012 par La Croisée des Chemins.
Dans cet ouvrage collectif, Frédéric Rouvillois** parcourt les formes et les modalités de la révision constitutionnelle découlant de la nouvelle Loi fondamentale.
Ce que l'on note d'emblée, à propos des procédures de révision prévues par les articles 172 à 175 de la Constitution marocaine de 2011, c'est qu'elles sont en parfaite consonance avec l'esprit de cette dernière en ce qu'elles manifestent, tout à la fois, le souci de parachever l'Etat de droit, d'affirmer l'importance des organes élus démocratiquement et de conserver au roi, ou plus exactement, au dialogue noué entre celui-ci et son peuple, la place centrale. En somme, elles traduisent une mutation conforme à la vertu de prudence qui caractérise la nouvelle Constitution, sans céder aux tentations séduisantes mais dangereuses de la rupture.
La consolidation de l'Etat de droit
Leitmotiv de la politique réformiste du roi Mohammed VI depuis son avènement, le thème du « parachèvement de l'Etat de droit » se traduit de façon spectaculaire par l'interdit constitutionnel figurant dans l'article 175. L'article 100 de la mouture constitutionnelle de 1992, devenu l'article 106 du texte de 1996, qui n'était pas sans rappeler l'article 89, alinéa 5, de la Constitution française du 4 octobre 1958, disposait que « La forme monarchique de l'Etat, ainsi que les dispositions relatives à la religion musulmane, ne peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle ». Cette interdiction, commentait à l'époque le professeur Rousset, n'est que la traduction formelle d'une réalité consubstantielle à la société et à l'Etat marocains depuis leurs origines et qui relève de ce que l'on peut appeler la Constitution matérielle. Elle vise « (…) à mettre hors d'atteinte de la révision ce que le constituant originaire estime si fondamental pour la société politique que sa remise en cause n'apparaît pas concevable ». Or, le nouvel article 175, sans bien entendu toucher à ces fondamentaux, y ajoute, innovation capitale, les dispositions « (…) sur le choix démocratique de la Nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution ».
Vu l'extrême généralité de sa formulation, le premier point, qui évoque l'intangibilité du choix démocratique, semble n'avoir, à dire vrai, qu'un sens incertain, et par conséquent, une valeur juridique douteuse. La signification du terme « démocratique » est en effet si large, si vague, qu'une telle disposition, prise au pied de la lettre, suffirait à empêcher à l'avenir toute évolution constitutionnelle, de même que l'article 4 de la Constitution française de 1958, selon lequel les partis et groupements politiques « (…) doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », pourrait permettre d'en interdire un grand nombre. C'est d'ailleurs pourquoi le Conseil constitutionnel français refusa dès l'origine de prêter la main à une telle interprétation.
En revanche, le second point de l'article 175, relatif aux acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux, a pour effet incontestable de sanctuariser ces derniers, de les placer définitivement hors d'atteinte, non seulement du législateur ou du pouvoir réglementaire, mais aussi, du constituant lui-même. Cette disposition, qui fait bénéficier ces droits d'un « effet cliquet », situe le Maroc, au moins sur le papier, dans le peloton de tête des Etats de droit, conformément d'ailleurs à ce que proclamait le roi dans son discours du 17 juin 2011, lorsqu'il affirmait que « (…) la Constitution marocaine sera une Constitution des droits de l'Homme (…) ».
Sur le papier ? Non que l'on puisse faire peser un soupçon quelconque sur la sincérité de ces dispositions, ni sur leur valeur juridique. Ainsi, la Cour constitutionnelle pourra-t-elle en vérifier le respect, notamment dans le cadre de la procédure de révision parlementaire prévue à l'article 174. Tout ce que l'on veut dire par là, c'est que, par définition même, les interdits constitutionnels n'ont qu'une consistance pratique assez limitée, puisqu'il suffit, pour les contourner, de réviser l'article qui les met en place, en l'occurrence, l'article 175, ou encore, de changer de Constitution. Ce qui serait d'autant plus facile qu'au Maroc, la distinction entre révision constitutionnelle et changement de Constitution n'est pas très clairement établie.
Quoi qu'il en soit de cette réserve, on doit reconnaître que l'article 175 est doté d'une très forte charge symbolique, qui en fait l'un des articles clés de la nouvelle Constitution, notamment en ce qu'il montre que « (…) les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux » participent désormais, pour reprendre les termes employés par le roi Mohammed VI dans son discours du 9 mars 2011, de la « sacralité de nos constantes », au même titre que la forme monarchique de l'Etat et les dispositions relatives à la religion musulmane.
L'importance des organes élus
Comme toutes les constitutions marocaines depuis 1962, celle de 2011 accorde au parlement le pouvoir d'initiative. Toutefois, comme c'est le cas depuis la Constitution de 1972, cette prérogative est conçue de façon assez restrictive, comme l'atteste la formulation de l'article 173, alinéas 1 et 2, qui dispose que : « La proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux Chambres du Parlement ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des membres la composant. Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui l'adopte à la même majorité des deux tiers des membres la composant ».
Restrictif, puisque l'article 107 de la Constitution du 7 décembre 1962, alors qu'il prévoyait que la proposition de révision devait être adoptée par un vote de chaque Chambre à la majorité absolue des membres la composant, l'exigence de la majorité renforcée des deux tiers, reprise par le texte de 2011, limite naturellement les pouvoirs du parlement. Pour reprendre une remarque faite par le professeur Rousset en 1993, cette exigence « (…) témoigne de la rigidité que le constituant a (…) voulu conférer au texte constitutionnel mis ainsi à l'abri de modifications que pourraient souhaiter des majorités de rencontre ».
En revanche, la nouvelle Constitution innove, à cet égard, sur deux plans.
D'une part, avec l'institution, à la seule initiative du roi, il est vrai, d'un mode de révision parlementaire prévu par l'article 174, alinéas 3, 4, 5 et 6. Saisi d'un « projet de révision », le parlement est alors convoqué par le roi en chambres réunies pour se prononcer sur ce projet, et le cas échéant, pour l'adopter à la majorité des deux tiers de ses membres. Un procédé qui, outre les pouvoirs inédits qu'il confère aux chambres, peut être considéré comme une amélioration significative en termes de souplesse et d'adaptabilité de la Constitution, dans la mesure où il permet, notamment sur des questions techniques ou mineures, de faire évoluer la norme constitutionnelle sans pour autant recourir aux lourdeurs de la procédure référendaire. D'autre part, la nouvelle Constitution, dans son article 172, attribue au « chef du gouvernement » un droit d'initiative en matière de révision à travers des actes qualifiés de « propositions », seul le roi pouvant en effet formuler des « projets de révision ». Quant aux propositions du chef du gouvernement, elles doivent être, selon l'article 173, soumises « (…) au Conseil des ministres, après délibération en Conseil du gouvernement », avant d'être présentées par dahir au référendum (article 174, alinéa 1), mais sans passer par un vote des chambres. Ce qui signifie que le chef du gouvernement, soutenu par la majorité de la Chambre des représentants, n'a pas à craindre un éventuel blocage de la Chambre des conseillers, à l'instar de ce qui s'est souvent produit en France avec le Sénat.
La primauté royale
On a dit et répété que le premier ministre, devenu chef du gouvernement, était l'un des principaux bénéficiaires de la Constitution adoptée par référendum du 1er juillet 2011. Ce que prouve sa compétence retrouvée en matière de révision. Pourtant, c'est incontestablement le roi qui demeure, dans l'ordre constituant, la « clé de voûte » du système.
Le roi, comme dans la Constitution de 1996, peut donc, et peut seul, en vertu de l'article 172, alinéa 2, « (…) soumettre directement au référendum le projet de révision dont Il prend l'initiative », sans avoir à obtenir au préalable l'approbation des chambres ; ceux qui ne sont en définitive que des représentants de la nation n'ayant pas à interférer dans le dialogue direct et singulier qui s'établit entre celle-ci et le roi, un dialogue caractéristique de cette « démocratie royale » à la marocaine où coexistent les deux légitimités, démocratique et monarchique. Par ailleurs, le monarque conserve un droit de veto sur les propositions de révision émanant du chef du gouvernement, soumises, selon l'article 173, alinéa 3, au Conseil des ministres présidé par le roi, ainsi que sur celles adoptées par le parlement (les propositions de révision, parlementaires ou gouvernementales, devant en toute hypothèse être soumises au référendum) et ne pouvant l'être que par dahir. Ce dernier, comme le précise expressément l'article 42, alinéa 2, demeure un pouvoir propre, non soumis au contreseing, et donc, une compétence discrétionnaire du roi, qui, par suite, n'est pas obligé de soumettre lesdites propositions au peuple.
On observe en outre qu'en vertu de l'article 44, alinéa 1, le droit de révision du «roi mineur» ne peut être exercé par le Conseil de régence. Ce qui signifie en pratique que, durant la période de minorité du roi, toute révision se trouve, juridiquement exclue ; le roi étant en effet amené à intervenir dans les trois hypothèses distinguées par la Constitution. On note en revanche que l'article 59, relatif à l'état d'exception, n'interdit pas expressément de réviser la Constitution au cours de cette période.
Si le roi propose, c'est le peuple souverain qui dispose, puisqu'à part la procédure parlementaire de l'article 174, alinéa 3, « La révision de la Constitution est définitive après avoir été adoptée par voie de référendum », comme le précise l'alinéa 2 du même article. En relation étroite avec son peuple, le roi demeure le meilleur juge et le principal moteur de l'évolution constitutionnelle.
* Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection.
** Frédéric ROUVILLOIS est docteur en droit, professeur agrégé de droit public à l'université Paris Descartes. Il y enseigne le droit constitutionnel ainsi que l'histoire politique et le contentieux constitutionnel. Ses recherches portent notamment sur le droit public, envisagé à la fois sous un angle historique, politique et comparatif.


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