69e anniversaire de la création des FAR. SM le Roi adresse un Ordre du jour aux Forces Armées Royales    L'INPPLC et son homologue sud-coréenne scellent un accord de coopération en matière de probité    Gestion du contentieux de l'Etat : près de 16,2 MMDH épargnés au Trésor en 2024    Revue de presse de ce mercredi 14 mai 2025    Maroc/Espagne: Les villes de Laâyoune et La Oliva renforcent leur coopération    Mauritanie : Le ministre de l'Intérieur reçoit les ambassadeurs du Maroc et de l'Algérie    Guterres appelle à «repenser» toutes les missions maintien de la paix de l'ONU    La filière agrumicole au Maroc face aux défis climatiques    Chambre des représentants: Le projet de loi relatif aux OPCVM présenté en commission    Edelman confie à Stratëus Group la direction de son offre régionale en Afrique du Nord    Etablissements et entreprises publics : L'ANGSPE met de l'ordre dans la gouvernance    Le Maroc réussit une équation difficile : le coût de production automobile le plus bas au monde, avec seulement 106 dollars par travailleur    Automobile : Stellantis assemble désormais la pièce noble de ses véhicules au Maroc    Cours des devises du mercredi 14 mai 2025    Grèce: un séisme de magnitude 6,1 frappe au large de l'île de Kassos    Trump a demandé au président syrien de normaliser la relation avec Israël    Panathinaïkos veut négocier le prix d'Azzedine Ounahi, l'OM étudie d'autres pistes de prêt    FRMF / Beach Soccer : Une session de formation diplômante est en cours    Botola DII / J29 : Le finish est déclenché dès cet après-midi !    Coupe du Trône 23-24 : Marrakech abrite les demi-finales féminines, cet après midi    Les prévisions du mercredi 14 mai    Islamophobie en France : Entre préjugés fréristes et discriminations spécifiques    Leïla Benali annonce l'achèvement des études préparatoires du gazoduc entre le Nigeria et le Maroc    Achraf Hakimi rachète un club de football en Espagne    Analyse économique du décret de Donald Trump visant à réduire les prix des médicaments selon le principe de la « nation la plus favorisée » (NPF)    Marruecos: Soufiane El Bakkali elegido presidente de la comisión de atletas del CNOM [vídeo]    Marruecos: La documentalista franco-marroquí Dalila Ennadre homenajeada en Rabat    Marruecos confirma su participación en la búsqueda del adolescente desaparecido camino a España    Troubles d'attention chez l'enfant: La détresse des familles face à l'indisponibilité des traitements    Entretien-Driss Louaradi : Faire de la culture scientifique un levier du développement durable    Festivals de l'été 2025 au Maroc : Dates, têtes d'affiche et moments forts    Maroc : La documentariste franco-marocaine Dalila Ennadre hommagée à Rabat    Pause'Art: L'Ecole Hassania des Travaux Publics célèbre la richesse des formes artistiques    Scandale de l'enlèvement d'un opposant en France : le régime algérien ébranlé, cinq arrestations et l'enquête remonte jusqu'à Tebboune    La chaîne "France 24" change de ton : une reconnaissance sans précédent de la marocanité du Sahara    Real Sociedad : Nayef Aguerd ne veut pas retourner à West Ham    À Rabat, un dispositif structurant pour l'émergence d'une industrie nationale du jeu vidéo lancé    Trump en Arabie Saoudite. Intensifier les investissements croisés    Rabat : La 24ème édition du Trophée Hassan II de "Tbourida" du 26 mai au 1er juin 2025    Le Gravity Comedy Show revient à Marrakech avec une nouvelle édition mêlant satire, spontanéité et voix montantes du stand-up    La poésie hassanie féminine, présente à la 18e édition de la saison de Tan-Tan 2025    Tan-Tan abrite, le 18 mai 2025, la Green Invest Conference    Fortes averses orageuses avec grêle locale mardi et mercredi dans plusieurs provinces    Les prévisions du mardi 13 mai    Vidéo. African Lion 2025 : Le Maroc au cœur du plus grand exercice militaire d'Afrique    Tensions sécuritaires à Tripoli : un haut responsable tué et appels internationaux à la désescalade    Pékin et Washington s'accordent sur un mécanisme de dialogue économique pour éviter l'escalade    L'Orchestre des Jeunes Mazaya présente «Pierre et le Loup» en darija à Rabat et Casablanca    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Châïbia : Seule représentante féminine de l'art pictural du XXème siècle
Une vie et une œuvre hors du commun
Publié dans L'opinion le 18 - 10 - 2012

Chaïbia est née et a grandi dans la région de Chtouka, au milieu des plaines bordées par l'océan, si verdoyantes et si fleuries à la belle saison. Participe-t-elle, enfant, aux travaux des champs ? En tout cas, elle est très tôt initiée au tissage du tapis. Un tapis aux couleurs vives et aux motifs abstraits, comme on en fait (faisait ?) dans la région.
A peine pubère, Chaïbia est mariée à un minotier d'âge mûr, originaire du pré-Sahara, installé à Casablanca. Vers ses 16-17 ans, elle est veuve, avec, sur les bras, un fils unique. Travailleuse et décidée, elle s'engage comme domestique chez des Français. C'était avant l'indépendance.
Choyé par une mère dont il était le seul souci, le fils, Hossein Tallal, grandit dans un milieu européen. Son brevet technique en poche, il entre dans la vie active tout en s'adonnant sérieusement à la peinture. Tallal ne tarde pas à se faire remarquer dans les salons de la peinture, qui se tenaient alors annuellement à Casablanca et à Marrakech. D'autant qu'avec Hassan El Glaoui et Tayeb Lahlou, ils étaient les seuls Marocains à y être admis.
Des cartons, des restes de Ripolin et ses doigts
A la fin des années 1950, Tallal fait la connaissance de feu Ahmed Cherkaoui dont il devient ami. Cherkaoui est alors le premier peintre marocain à être reconnu dans les milieux artistiques parisiens. En 1961, le critique d'art Pierre Gaudibert, théoricien officiel du mouvement dit de l'Ecole de Paris, décide d'un voyage de reconnaissance, à la découverte de cette toute jeune peinture marocaine dont Cherkaoui lui rebat les oreilles. A Casablanca, Tallal invite son ami, ainsi que son prestigieux compagnon, à un couscous des mains de Chaïbia. Après le repas, au moment du thé à la menthe, cette dernière arrive avec quelques cartons sur lesquels étaient représentés, très grossièrement, des tapis marocains ruraux. Pierre Gaudibert tombe à la renverse devant ce qu'il voit : “Qui a peint ça ?". “C'est moi, Monsieur". Tallal tombe des nues : “Elle avait fait ça dans son coin, sans rien me montrer. Elle avait utilisé mes cartons, les restes de Ripolin avec lequel j'avais fait repeindre l'appartement et ses doigts". La sentence de Gaudibert tombe : “Soit elle s'arrête d'elle-même dans trois mois, soit ce sera un grand peintre. Mais surtout, insiste-t-il auprès de Tallal et Cherkaoui, n'intervenez en rien".
Aux côtés de Picasso, Miro...
En 1966, Chaïbia expose à la Galerie Solstice, dans le quartier du Marais, à Paris. Son premier catalogue est préfacé par la critique d'art Cerès Franco et son compagnon, Corneille, célèbre artiste-peintre apparenté au mouvement Cobra. Chaïbia est entrée dans le monde de l'art international par la grande porte, comme le soulignera un critique français de l'époque. Créé en 1945, le mouvement pictural européen (Copenhague-Amsterdam-Bruxelles-Paris), dit Cobra, préconisait un “art brut", dépouillé de toute influence historique, culturelle, savante ou environnementale. Un art primaire en somme, prenant pour modèles le dessin d'enfant, le graffiti et les peintures d'aliénés mentaux.
Dans le sillage de Corneille, les autres représentants du mouvement, tels Alechinsky, Arp, Appel, etc., adoptent derechef Chaïbia et en font une sorte de madone. Car, outre son œuvre traduisant de manière quasi miraculeuse leur idéal plastique, le personnage même de Chaïbia enchante tout ce beau monde. Qui pouvait, en ces années post-beatnik résister au charme à la fois majestueux et débonnaire de Chaïbia ? Ce corps enveloppé et enveloppant, archétype même de la maternité, cette voix caverneuse et moqueuse à la fois, ce regard perçant mais bienveillant, cette chevelure noire de chef amérindien, ces caftans et ces coiffes, etc. L'ensemble faisait de Chaïbia un personnage charismatique à la limite du chamanique. Cerès Franco, reconvertie en marchande d'art dès le début des années 1970, défend Chaïbia avec acharnement, à partir de sa galerie parisienne L'œil de bœuf. Les expositions personnelles ou collectives se succèdent : New York, Rio, Bogota, Genève, Berlin, Amsterdam, Tokyo, etc. Les articles et les couvertures des magazines les plus prestigieux aussi : L'œil, Connaissance des arts, Artension, L'officiel, Elle, etc. Dans les ventes aux enchères internationales, Chaïbia se retrouve systématiquement dans les mêmes lots que Picasso, Braque, Miro, Appel, Dubuffet et autre Tinguely. Seule représentante féminine de l'art pictural du XXème siècle à la côtoyer dans les catalogues : Sonia Delaunay. En 1971, Chaïbia figure dans le Larousse de L'Art dans le monde. En 1977, elle entre au Bénézit, dictionnaire de référence.
Art naïf, art brut, art contemporain ?
Au Maroc, les choses sont moins simples. Les peintres modernes et les intellectuels sont mal à l'aise face au phénomène Chaïbia. Normal : tout le discours critique plastique du Maroc post-indépendance repose sur la double dichotomie naïf-savant, figuratif-abstrait. Toute peinture dite naïve ou figurative était vouée aux gémonies car folklorisante et aliénante, faisant le jeu des Occidentaux néocolonialistes, supposés ne vouloir voir en nous que de “bons sauvages" ou des “sujets anecdotiques". Seulement, le travail de Chaïbia n'entre dans aucune des catégories de ce schéma. Chaïbia est tout sauf naïve. Rappelons qu'est considéré comme peintre naïf – selon la définition la mieux admise – celui qui s'applique à reproduire une certaine réalité sans connaître les règles essentielles du dessin académique (les valeurs, la perspective, les proportions, etc.), créant ainsi des images dont la maladresse involontaire produit une esthétique séduisante car attendrissante.
Or Chaïbia ne “s'applique" à rien du tout. Son œuvre est d'une spontanéité, d'une cohérence, d'une unicité, d'une originalité prodigieuse. Elle peint d'un seul jet, usant certes d'un trait grossier et de couleurs directement sorties du tube, mais avec quelle science, quelle sûreté dans la composition, le graphisme et les accords chromatiques. Quelle force, quelle vérité, quelle expression dans ces personnages (masques et /ou poupées animés) qui nous “regardent" et nous “parlent" littéralement ! Si ce n'est de l'art naïf, que serait-ce alors ? De l'art brut, nous disent la plupart des critiques autorisés. De l'art contemporain tout simplement, n'hésitent pas à résumer certains d'entre eux. Une nouvelle représentation d'un art millénaire, spécifiquement féminin et propre à cette région du monde, celui-là même qu'on retrouve intact dans le tapis berbère, avancent quelques historiens de l'art. La vérité est certainement un peu dans chacun des partis.
Peintre majeur du XXème siècle
Peu à peu, les ricanements s'éteignent et l'ensemble du milieu culturel marocain est obligé de reconnaître en Chaïbia un des artistes-peintres marocains les plus originaux, les plus féconds et les plus constants, pour ne pas dire le peintre marocain majeur du XXème siècle. Le grand public, quant à lui, apprécie la figure ultra-médiatisée, à la faconde extraordinaire. Il se reconnaît en cette femme obèse mais belle et coquette, aux yeux toujours soulignés de khol, aux mains teints au henné, fière de ses caftans, de ses bijoux et de son wouchame (tatouage). Cette femme qui parle un arabe marocain paysan mais s'exprime librement. Cette analphabète dont tant de grands de ce monde ont baisé la main.
La dernière exposition de Chaïbia a eu lieu en 2004, cinq mois avant sa mort, à Bab Rouah à Rabat. La Galerie nationale y enregistra son record d'affluence?: 300 visiteurs par jour. Les dernières toiles exécutées par Chaïbia font preuve d'une créativité et d'une originalité égales sinon supérieures à celles produites lors de ses années de gloire. Avec une différence troublante : quelques pièces, très fortes, les dernières en date, montrent, au lieu des personnages criant de cette joie de vivre animale à laquelle nous étions habitués, des personnages échevelés, aux grands yeux noirs effrayés et effrayants. L'approche de la mort ? Chaïbia croyait profondément en un au-delà. Lequel a-t-elle trouvé ? Nous autres ici-bas croyons profondément en l'éternité de son talent.
(Source: Magazine « HOT NEWS »)
BIO EXPRESS
1929. Naissance à Chtouka
1961. Le critique d'art français Pierre Gaudibert s'extasie devant quelques cartons peints avec les doigts par Chaïbia.
1966. Exposition à la Galerie Solstice à Paris. Le catalogue est signé de la critique d'art Cerès Franco et du peintre apparenté “Cobra", Corneille.
1971. Figure dans la 6ème édition du Larousse Art dans le monde.
1977. Entre dans le dictionnaire de l'art Bénézite.
1984. Fait la couverture d'un supplément de Connaissance des arts.
1988. Expose à la Galerie Ana Izak à Beverly Hills, USA.
1992. Passe au Cercle de minuit sur France 2 avec Michel Field.
1999. Passe dans Métropolis sur ARTE.
2004. Expose à Bab Rouah à Rabat et décède à Casablanca.
2012. Figure dans Encyclopedia of the Mideast and North Africa ( volume 4) par Indiana University Press.
Figure dans Oxford University Press( New York) : « Dictionary of African Biography » par Osire Glasier( History Department).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.