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« Un psy dans la cité »
La psychanalyse au Maroc : trois décennies de pratique et de profondes mutations de la société marocaine
Publié dans L'opinion le 09 - 03 - 2013

Un psychanalyste parlant de son travail, de ses patients en abordant différents thèmes sur près de deux cents pages d'un livre d'entretiens, voilà qui n'est pas courant. On dirait le psychanalyste lui-même sur le divan ! C'est pourtant ce que nous donne à voir le livre « Un psy dans la cité » (Editions la Croisée des Chemins). Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste exerçant à Rabat, auteur de plusieurs ouvrages, y répond aux questions d'Ahmed El Amraoui, enseignant et poète. L'ouvrage vient d'être présenté à Casablanca à la Villa des Arts et à Rabat au Café Littéraire Pietri.
On apprend que l'entretien fleuve s'est fait à l'origine en deux langues, arabe et français, les questions étant posées en arabe et les réponses données en français. La langue est fondamentale en matière de psychanalyse. Celle-ci est une discipline curative axée sur la parole avec un patient qui parle selon la technique de l'association libre pour explorer son inconscient et le libérer de ses traumatismes, angoisses, toutes pulsions libidinales et agressives refoulées qui constituent l'écheveau névrotique. D'une langue à l'autre, de l'arabe au français et vice-versa, « certains mots sont intraduisibles. Mots cachés, mots indicibles, mots voilés ».
Les questions-réponses commencent par les définitions, histoire de partir sur des bases solides en faisant la différence entre psychiatrie, psychanalyse et psychologie pour arriver à une description de la pratique de la psychanalyse au quotidien au Maroc, au rapport entre psychanalyse et sexualité, langue, éducation, famille et jeunes, religion, spiritualité, interdits, écriture et création artistique, etc. En abordant toutes les questions d'actualité se rapportant au psychologique et au social, le but est de répondre à une attente dans une société en grande mutation. A la longue, on a une idée de la psychanalyse comme « articulation avec des champs aussi divers que la philosophie, l'anthropologie, la topologie... », selon une conception de grands psychanalystes dont Jacques Lacan.
Conçu pour informer en répondant à toutes sortes de questions qu'on peut se poser, le livre aborde les changements actuels dans la société marocaine à la lumière notamment du « Printemps arabe », du phénomène de la jeunesse qui prend la parole comme jamais auparavant et qu'il s'agit impérativement d'écouter.
Une majorité de femmes
chez le psychanalyste
Des éléments, au fil des pages, sont donnés sur la pratique de la psychanalyse dans la vie quotidienne au Maroc, le genre de troubles pour lesquelles on consulte souvent, à savoir détresse, souffrances psychiques, dépressions. Le genre de clientèle, l'évolution de celle-ci tout au long de trois décennies de pratique. Ce que cherchent les patients dont on découvre qu'il s'agit plutôt d'une majorité de femmes par rapport à des hommes qui seraient plutôt réticents quant aux remises en question personnelles. Et il y a de plus en plus de jeunes qui viennent consulter. La tranche d'âge des patients est loin d'être restrictive étant étirée de 3 à 80 ans. Certes, des enfants de 3 à 10 ans sont plutôt orientés vers le psychologue via l'école notamment. Par contre, on apprend que les jeunes de 13 à 20 ans consultent de plus en plus « et, fait important, souvent c'est eux qui demandent à voir le spécialiste ».
Ceux qui s'adressent au psychanalyste sont généralement des gens aisés. Forcément donc, une minorité capable de payer des honoraire des séances. Mais le plus important, nous précise Jalil Bennani, c'est de noter que cela relève d'un choix qui repose sur « une motivation personnelle et la possibilité d'une remise en question de soi et non seulement sur les moyens matériels ».
Le psychanalyste note par ailleurs : « Tout le monde peut faire une psychanalyse. Ceux qui sont les plus concernés sont des personnes qui ont une souffrance et qui désirent faire un travail sur eux-mêmes »
Une souffrance psychique
Il reste que des personnes désireuses réellement de faire une psychanalyse peuvent ne pas avoir de moyens. Il s'agit, note Jalil Bennani, de cas fréquents parmi les étudiants et autres adultes issus de professions intermédiaires. En somme de clients potentiels du psychanalyste bel et bien frustrés ! Dans le lot, il y a aussi des intellectuels qui ont envie de découvrir la psychanalyse dans la pratique après avoir étudié la théorie en se documentant jusqu'à plus soif dans des ouvrages fondateurs, etc. Là, le désir de toucher à la psychanalyse résulte non pas d'un besoin pressant vital, mais plutôt d'une sorte de luxe pour satisfaire une curiosité.
Généralement et à l'origine, c'est à la souffrance psychique que s'adresse la psychanalyse mais pas seulement :
« Les patients ne consultent pas seulement parce qu'ils ont des troubles psychiques mais aussi parce qu'ils peuvent rechercher un équilibre, une meilleure estime de soi, un désir d'assumer leur choix et l'orientation qu'ils ont prise dans leur vie »
Jalil Bennani parle de la tradition dans la société marocaine où les croyances magico-religieuses ont la vie dure tout en nuançant :
« L'originalité maghrébine réside dans la coexistence entre l'Islam orthodoxe et le soufisme confrérique. Il ne faut pas les opposer à la modernité, mais plutôt voir quels sont les lieux de passage d'une pratique à l'autre qui tiennent souvent au désir de « tout essayer pour guérir » comme disent certains, aux insatisfactions laissées par une pratique ou une autre ».
Il parle aussi de la marche de la modernité et des changements sociaux qui se profilent inexorablement sur un rythme très rapide, vertigineux pour les moins jeunes avec la révolution des technologies de l'information qui chambardent tout, apportant du sans précédent qui crée perplexité dans les strates traditionnelles.
« ...La tristesse ressentie en certains moments lorsque la tradition semble perdue peut alors être le signe, l'annonce d'un renouveau dans le mode de vie, l'annonce de nouvelles richesses culturelles dans la diversité... »
Education des jeunes
A propos de l'éducation des jeunes :
« Le rôle des parents est extrêmement difficile comme l'est celui des enseignants et des éducateurs...éduquer, former, préparer leurs enfants à affronter la vie ne consiste pas à désirer pour eux à leur place. Il ne faut pas être nostalgique du passé, il faut accepter que le groupe soit refondé... ».
Qu'est-ce que la psychanalyse ? Ce n'est surtout pas une science. C'est une technique psychothérapique avec une dimension libératrice. C'est généralement un psychiatre ou un psychologue qui pratique la psychanalyse dans son cabinet comme une cure où, à la place des médicaments, il n'y a que le divan. Le psychanalyste doit obligatoirement se soumettre lui-même à une longue psychanalyse avant de pouvoir la pratiquer sur des patients.
La psychanalyse a été fondée en Occident par Sigmund Freud en 1896 quand il s'est rendu compte que les patients peuvent trouver le chemin de la guérison par l'exploration de l'Inconscient grâce à la libération par la parole, la technique dite de l'association libre. Les rêves et les lapsus constituent des outils pour repérer le refoulé s'agissant des pulsions sexuelles ou agressives. La pratique de la psychanalyse s'est répandue depuis les années vingt du XXème siècle dans le monde tout en restant une technique thérapeutique sans être une science. Elle a marqué profondément le monde de la littérature inspirant aux surréalistes leur « écriture automatique » et de grands textes comme « Nadja » de Breton et des arts plastiques avec de grands peintres et sculpteurs. Elle a fait l'objet aussi de grandes controverses à cause de dérapages et abus. Depuis quelques années, des psychiatres dans le monde et notamment en France tournent le dos à la psychanalyse pour les thérapies cognitives et comportementale qui prône l'usage du médicament (Elisabeth Roudinesco, Nouvel Obs, avril 2012). Cela n'empêche que la psychanalyse garde sa dimension émancipatrice qui explique sa pérennité et la passion qu'elle suscite.
A noter que jusqu'à aujourd'hui, juridiquement, la pratique du métier de psychanalyste n'est pas reconnue en tant que tel. L'activité peut exister en se greffant sur d'autres professions reconnues comme la psychiatrie, la psychologie, etc.
Comme le rappelle Jalil Bennani, la présence de la psychanalyse au Maroc a été favorisée par une pratique dès les années 1950 introduite au sein de l'exercice psychiatrique. Après l'indépendance, il y eut un silence. Il faut attendre les années 1980 pour assister à une activité psychanalytique avec la fondation d'associations et de groupes psychanalytiques qui ont permis le développement d'une pratique de psychanalyse marocaine, à commencer par l'association Texte Freudien créée en 1985 regroupant des psychanalystes, psychiatres, écrivains, artistes. En 1992, il y eut la naissance de l'Association Marocaine de Psychothérapie, en 2001 la Société Psychanalytique Marocaine et en 2009 le Cercle Psychanalytique Marocain. Un grand tournant a été le colloque de Rabat en 2006 sur « La Différence sexuelle ». Jalil Bennani explique que, dans le monde arabe et islamique, trois pays peuvent être considérés comme pionniers de la psychanalyse : l'Egypte où les textes freudiens ont été traduits en arabe à partir des années 1930 par Moustapha Safouan et Sami Ali, le Liban et le Maroc.
Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste à Rabat, habilité à diriger les recherches (Université de Nice Sophia Antipolis) est auteur de plusieurs ouvrages « Le Corps suspect » (Editions Galilée, 1980), « La psychanalyse au pays des saints » (Editions Le Fennec, 1997) « Traces et paroles » avec Mohammed Kacimi » ( Editions Al Manar, 2008).
« Un psy dans la cité » de Jalil Bennani, entretiens avec Ahmed El Amraoui, éditions La Croisée des Chemins, Casablanca


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