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Jamal Bellakhdar: «L'envie de transmettre, un devoir de mémoire»
«La Montagne rouge des Ouled Mimoun» de Jamal Bellakhdar Un roman historique restituant un siècle et demi d'histoire de l'Oriental
Publié dans L'opinion le 29 - 04 - 2013

«La montagne rouge des Ouled Mimoun, Chronique d'un clan des Beni Snassen pris dans la tourmente des années 1800 à 1930» est un roman historique de Jamal Bellakhdar.
A ce jour, on connaissait l'auteur par ses importants travaux de recherche scientifiques passionnants sur les plantes. Ce livre narratif est quelque chose de différent. Il a pour ambition de parler d'une région déshéritée, l'Oriental au nord-est du Maroc entre Oujda et Figuig où vécurent les tribus imazighen de la montagne des Beni Iznassen et les tribus arabes Angad de la plaine. La période choisie, c'est presque un siècle et demi d'histoire, de 1800 à 1930, soit une période marquée par les guerres intestines mais aussi les guerres contre le colonialisme français avec des étapes marquantes comme la Bataille d'Isly, la résistance de l'Emir Amdelkader, l'équipée de Bou Hmara etc. Il y a certes beaucoup de travail sur l'histoire mais il y a aussi l'histoire des gens simples.
Entre la grande histoire et la petite histoire, il y a la vie des pasteurs et des agriculteurs et l'évocation du destin des personnes et de familles qui ont réellement vécu, très attachées à leur terre malgré la pauvreté, la pénurie, la rudesse du climat aride. L'auteur fait preuve d'une grande érudition en décrivant différentes tribus, divers clans, les alliances, les valeurs culturelles ancestrales et restitue son histoire à toute une région souvent victime d'abandon. Un travail que l'auteur semble mettre sur le compte de revanche sur l'oubli qui est une des facettes injustes de cet abandon d'une population qui n'a que sa culture, ses valeurs, sa foi profonde pour survivre.
Pharmacien de formation, docteurs en sciences de la vie, Jamal Bellakhdar est chercheur en ethnobotanique arabe, ethnopharmacologie, ayant parcouru les régions du Maroc mais aussi d'Algérie et Tunisie pour étudier les plantes. Vivant à Metz (France), il a mené un travail passionnant ponctué par des ouvrages publiés dont «Médecine traditionnelle et toxicologie ouest-saharienne» paru en 1978 (Prix du Maroc en 1979 des sciences et des mathématiques), «Substances naturelles à usages pharmaceutiques et développement économique au Maghreb» (1989), «Tissint, une oasis du Maroc présaharien-monographie d'une palmeraie de Moyen Draa» (1992), «Maghreb, artisans de la terre» (2002), «Le Maghreb à travers les plantes» (2004).
Jamal Bellakhdar avait reçu le Prix du Maroc de 1997 pour «La pharmacopée marocaine traditionnelle - médecine arabe populaire et savoir populaire». Dans l'entretien suivant, il a bien voulu nous parler des tenants et aboutissant de cette nouvelle œuvre romanesque dédiée à sa région natale, l'Oriental. Entretien.
L'Opinion: Quand exactement avez-vous commencé à nourrir le projet d'écrire sur votre région d'origine ?
Jamal Bellakhdar: L'envie d'écrire sur ma région d'origine a commencé à me travailler quand j'ai atteint la quarantaine, c'est-à-dire à l'âge où l'on commence généralement à regarder le passé différemment. C'est vrai que lorsqu'on devient papa et que l'on commence à réaliser que vos propres parents ne sont pas éternels, il se passe quelque chose en vous qui vous pousse à revenir sur le sens de la vie, sur votre jeunesse, sur vos racines, et à chercher à en savoir un peu plus que les petites bribes d'histoire familiale que vous avez engrangées jusque-là, sans l'avoir voulu vraiment, presque par hasard, simplement parce que vous étiez là lorsque les Anciens se racontaient entre eux la dure existence qu'ils ont eue, avec son lot de bonheurs, de drames, de tribulations personnelles, d'événements majeurs ou purement anecdotiques et de péripéties de tout genre.
Eh bien, cette chose qui commence à vous tarauder quand vous êtes à mi-chemin de la vie, cette flamme intérieure qui vous amène à regarder désormais derrière vous autant que devant vous, je crois que c'est en réalité l'envie de transmettre, une envie qui s'impose dès lors à vous comme un vrai devoir de mémoire.
En ce qui me concerne, 40 ans c'était aussi l'âge où je commençais à renouer avec les Beni Snassen, ma région d'origine, d'une part parce que mes parents m'en parlaient de plus en plus, d'autre part parce que mes travaux de terrain en ethnobotanique m'avaient conduit plusieurs fois à enquêter sur place et donc à acquérir une bonne connaissance naturaliste et anthropologique de la région.
Mais entre l'envie d'écrire et le passage à l'acte, il faut du temps, car pour raconter l'histoire d'une région ou l'histoire des gens, qu'ils soient exceptionnels ou ordinaires, il faut d'abord accumuler des données de terrain ou d'archives, des matériaux à caractère ethnographique, des récits de vie ou des impressions personnelles. Et puis, une fois que ce travail de collecte et d'analyse a été fait, que l'ensemble a lentement décanté pour que vous puissiez vous l'approprier intimement comme si c'était votre propre histoire et pas seulement celle des autres, vient le temps de l'écriture.
Pour moi, ce temps d'investigation, d'incubation, d'appropriation puis de restitution sous la forme d'un récit, ce temps-là a duré 15 ans.
L'Opinion: Quelles difficultés de quête de données rencontrées pour colmater les brèches dans la mémoire orale qui se perd si vite et quelle démarche de recherche dont on sent la trace dans la bibliographie et les notes de bas de page?
Jamal Bellakhdar: Les difficultés que j'ai eu à résoudre sont les mêmes que celles que rencontrent tous les chercheurs qui enquêtent sur l'histoire des gens: disposer de suffisamment de données fiables sur le passé provenant soit de témoignages soit de documents d'archives. Personnellement, je n'étais tenu par aucune obligation particulière d'échéance pour livrer le fruit de mon travail, en dehors de celle du temps qui passe, ce chronomètre inexorable qui entraîne la perte irrémédiable de précieux témoignages oraux et l'effacement de la mémoire des événements passés emportée par les Anciens, quand ils nous quittent.
J'ai donc pris le temps de trouver de bonnes personnes ressources, notamment quelques centenaires à l'esprit encore éveillé qui m'ont raconté l'époque qu'ils ont vécue ou les récits qu'ils tenaient eux-mêmes de leurs parents. J'ai aussi pris le temps de réunir une abondante documentation sur la région. J'ai enfin consulté quelques archives familiales et interrogé les gens de ma famille et de mon clan, du côté de mon père, natif des Beni Snassen, et du côté de ma mère, originaire de Tlemcen mais née à Oujda. Les deux familles ont été très impliquées dans les événements qui ont agité la région. Du côté de mon père, de manière plutôt subie ; du côté de ma mère, de manière plus active car ma famille maternelle a vécu de près les exactions du colonialisme français en Algérie, a soutenu les luttes de la résistance algérienne dès l'époque d'Abdelqader, un de mes oncles maternels ayant même rejoint le maquis où il a été blessé au cours d'une opération de l'armée française quelques jours avant les accords d'Evian puis arrêté et interné dans un camp administratif.
Au final, en prenant le temps de faire les choses bien, je crois que j'ai réussi à disposer des meilleures sources, orales ou écrites. Il est clair qu'on peut encore faire mieux, car le sujet que j'ai traité est inépuisable, mais à chacun sa part de peine ; avant moi, plusieurs chercheurs avaient déjà livré des études sur l'Oriental, d'autres viendront et continueront le travail.
L'Opinion: Bien que vous ayez déjà évoqué le sujet dans le préambule qu'est-ce que représente pour vous la mémoire et dans quelle mesure elle permet de redresser un tort pour une région comme l'Oriental injustement oubliée et marginalisée ?
Jamal Bellakhdar: La mémoire collective n'est rien d'autre que ce qu'on appelle le patrimoine immatériel. Que nous reste-t-il pour connaître notre histoire quand nous ne disposons pas d'écrits, pas de vestiges historiques ou archéologiques pour nous renseigner sur notre passé, quoi d'autre sinon les souvenirs qu'ont gardés les Anciens de leur époque et qui se transmettent au sein des familles et des clans comme un fil précieux qui relie entre elles les générations. Au Maroc, nous appartenons à une société de l'oralité et les supports de l'oral c'est bien évidemment les hommes. Ces hommes ont la charge et le devoir de transmettre, et c'est ainsi que nos vieux voyaient les choses, car si un seul maillon venait à faire défaut, la longue chaîne qui nous vient du fond des âges s'interromprait. Et alors, quel avenir auraient les hommes sans la connaissance de leur passé ? Je crois que nous devenons tous, à un moment ou à un autre de notre vie, conscients de l'importance de renouer avec nos racines, de nous trouver un ancrage historique. Voilà pourquoi chacun de nous finit par être rattrapé par le besoin de savoir.
L'Opinion: Quel rapport aviez-vous entretenu avec votre région natale étant donné que vous aviez dû vivre l'exil ? Y a-t-il eu de longues périodes d'éloignement et comment s'est effectué le retour ?
Jamal Bellakhdar: Mon rapport avec ma région natale a d'abord été indirect et vécu en quelque sorte par procuration, à travers mes souvenirs d'enfance et les récits que mes parents m'en faisaient. Je n'y suis en effet pas né et je n'y ai pas grandi. De plus, il y a eu une phase dans ma vie où le régionalisme était plutôt perçu comme un archaïsme et même comme quelque chose de contre-productif sur le plan intellectuel. La seule entité identitaire qui me semblait alors acceptable et revendicable, à moi comme à beaucoup d'intellectuels engagés, c'était la nation. Depuis, nous avons appris à relativiser les choses et à ne pas tout appréhender en termes de contraires irréductibles et inconciliables. L'attachement à sa région natale et à son pays se nourrissent en réalité l'un l'autre.
En ce qui me concerne, le travail de terrain que j'ai fait pendant des années au contact de la nature et des populations rurales a révélé chez moi un sentiment de «terrien» que je ne me connaissais pas. Je me suis longtemps cru citadin indécrottable, et je me suis découvert paysan dans l'âme. C'était tout simplement mon identité profonde qui se réveillait. Et il est certain que vos démons ne vous lâchent pas, où que vous soyez, même si vous vous exilez au pôle nord.


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