L'épreuve de force, sur le terrain, entre l'armée égyptienne et les Frères musulmans est clairement engagée. Le nouveau pouvoir affiche sa fermeté et annonce sa volonté de mettre fin au sit-in des islamistes quel qu'en soit le prix, faisant inscrire son action dans la "lutte contre le terrorisme". De leur côté, les pro Mohamed Morsi s'accrochent à la "légitimité électorale" et ne veulent, ni ne comptent lâcher prise jusqu'à la réhabilitation de leur président. Les positions sont tranchées, le dialogue est supplanté par la logique de la violence, la division de la société égyptienne est consommée. D'aucuns craignent voir l'Egypte sombrer dans une guerre civile. Crainte légitime au regard de la haine qui a pris place et de la violence inouïe qui s'installe. Surtout après que le chef de l'armée soit parvenu à arracher une "délégation de pouvoir populaire" sans toutefois préciser les contours de l'usage qu'il compte en faire. La journée de samedi, la plus meurtrière depuis la chute du président Morsi (des dizaines de morts et des milliers de blessés), en est l'illustration. Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène mais aussi de tirs à balles réelles et l'on craint sérieusement à ce que cette violence n'en appelle d'autres et assister, en fin de compte, à l'installation durable d'une instabilité armée. Le drame en cours, dénoncé déjà à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Egypte, suscite les pires inquiétudes et risque, si les protagonistes ne font pas preuve de retenue, d'avoir un résultat contraire à celui recherché par l'armée. Cette dernière verra sa position fragilisée et les Frères musulmans gagneraient en sympathie auprès des opinions publiques internationale et égyptienne. A présent, tout peut arriver devant la fermeté déclarée de l'armée, la détermination affichée des Frères musulmans et la présence d'autres acteurs qui cherchent à mettre le feu à une situation déjà explosive. Ce qui est fort à craindre est que l'engrenage de la violence en cours ne soit difficile à arrêter, sachant qu'il y a de plus en plus de revanches à prendre, de comptes à régler, et beaucoup d'armes à feu en circulation. Quant à la fameuse révolution, apportée par le non moins fameux "Printemps arabe", faute de la parachever, on préfère l'achever, au même titre que ce qui se passe actuellement en Libye et, à un degré peut-être moindre, en Tunisie.