On dirait que le volcan de l'inspiration avait du mal à respirer pour cracher en direction du ciel ses gaz sulfureux. Du volcan dont le cœur avait brûlé les entrailles de la terre, il n'en reste pas grand-chose, à part quelques boulets noirâtres qui gisent au fond de la vallée et au dessus des collines chauves de Tigrigra. Elles sont certes tristes, les roches volcaniques, mais j'ai envie de prier aux pieds des résidus de l'éternité, je ne suis pas un peintre mais les couleurs des pierres des volcans m'attirent, elles sont pour moi plus belles que les couleurs des premières fleurs du printemps, leurs couleurs éclairent les vieux temps de la genèse, les roches noirâtres finiront par assister à nos funérailles, pas envie de quitter leur berceau pour s'embarquer sur les radeaux de l'émigration. Je tourne à gauche pour échapper à la laideur du village en centreras du monticule de Bouighial Rien d'extraordinaire, à part le nouveau cimetière bâti en catastrophe sur les flancs de Bouighial Rien d'extraordinaire sur les flancs du vieux piton qui domine la vallée dont les eaux vont crever plus loin. Je marche, je marche presque comme un somnambule qui regarde le paysage ravagé par le temps. Le soleil vire vers l'Ouest, les pierres et les arbustes qui résistent à la mort sont éclairés par Néfertiti, la reine solaire de la beauté, épouse d'Akhenaton. Et l'alpiniste sensible aux vertiges des hauteurs de déambuler sur l'autoroute du rêve. Les mollets commencent un peu à perdre de leur souplesse, mais ça ne fait rien quand on est sur le chemin du souvenir Quand on part en pèlerinage sur le chemin du souvenir, on ne fait pas marche arrière, quand on veut atteindre le sommet de l'Himalaya de la jeunesse. Petit virage à gauche sur les seins des collines pour visiter le rucher d'un paysan, ravi de rencontrer un apiculteur, un vieux d'Azrou, j'ouvre les ruches avec douceur avec mon cigare Toscano à la bouche, j'aère les portails secrets des buveuses de rosée, pas la moindre piqure de la part des avocates de la pollinisation, pas la moindre alerte de la part des bestioles fébriles. Adieu Moha ! prends soin de tes abeilles, leur bon miel te permettra de vivre longtemps, ton corps sera à l'abri de la décomposition comme les momies des Pharaons. Après M'Chermou, débarquement au « quartier général » de l'Hôtel Panorama où « l'Etat Major » des lieux accueille, avec les honneurs, le général sans grade...