La vaste panne électrique qui a plongé l'Espagne, le Portugal et une partie du sud de la France dans le noir a suscité une vague d'interrogations au Maroc. Nombreux sont ceux qui se sont demandé si cette perturbation de grande ampleur pouvait traverser la Méditerranée et affecter le réseau national. Pourtant, comme l'explique Amin Bennouna, expert en énergie, « la configuration technique de l'interconnexion Maroc-Espagne rend pratiquement nul tout risque de contagion ». En effet, le Maroc et l'Espagne sont reliés par une ligne HVDC (High Voltage Direct Current), c'est-à-dire une liaison à courant continu haute tension. Cette spécificité technique est déterminante. « Contrairement aux interconnexions en courant alternatif, qui imposent une synchronisation permanente entre les réseaux des deux pays, la liaison en courant continu assure une totale indépendance opérationnelle », précise Amin Bennouna. Ainsi, le réseau électrique marocain n'est ni synchronisé avec celui de l'Espagne, ni avec l'ensemble du réseau européen, ce qui coupe toute possibilité de transmission directe d'une panne. Cette indépendance repose sur un dispositif technique sophistiqué. De part et d'autre de la ligne sous-marine reliant les deux rives, un onduleur et un redresseur assurent la conversion du courant alternatif en courant continu, puis son retour en courant alternatif compatible avec le réseau de destination. « Le système fonctionne un peu comme une batterie géante », illustre Amin Bennouna. « Cette transformation agit comme un véritable mur filtrant, étanche à toute perturbation électrique provenant du réseau espagnol ». En clair, même en cas de défaillance massive dans la péninsule ibérique, le système électrique marocain reste isolé et protégé. Lire aussi : Black-out historique : l'Espagne, le Portugal et le sud-ouest de la France plongés dans le noir Cependant, cette isolation a un prix immédiat. L'interruption de la connexion suspend automatiquement les échanges commerciaux d'électricité entre les deux pays. Au moment où la panne a éclaté, vers 12h30, le Maroc importait plusieurs centaines de mégawatts en provenance d'Espagne. Cette coupure brutale a nécessité une adaptation instantanée du système électrique marocain pour éviter toute instabilité. Face à cette situation, le Maroc a su mobiliser rapidement ses ressources internes. L'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) dispose, en effet, de plusieurs mécanismes pour garantir la continuité d'alimentation. Le recours aux capacités de production de secours — telles que les turbines à gaz et les groupes électrogènes — constitue une première réponse. « Le Maroc possède une réserve stratégique pour ce type de situations critiques », confirme Amin Bennouna. « Ces unités de production, souvent en veille, peuvent être activées en quelques minutes pour compenser les déficits ». Parallèlement, les autorités peuvent également activer des mesures de gestion de la demande. Cela passe par des appels à la réduction volontaire de la consommation électrique, voire, en dernier recours, par des délestages ciblés sur certaines zones pour préserver l'équilibre général du réseau. Selon les premières informations disponibles, le déficit énergétique provoqué par la coupure aurait été rapidement résorbé. Grâce à une montée en puissance accélérée de la production locale et, au besoin, à quelques délestages maîtrisés, la situation a été stabilisée sur l'ensemble du territoire marocain en quelques heures. « L'incident européen n'a eu qu'un impact temporaire sur l'importation d'énergie, sans conséquence majeure pour la sécurité d'alimentation du pays« , conclut Amin Bennouna.