C'est un air de déjà-vu qui flotte sur Casablanca. Devant un parterre d'entrepreneurs et de responsables patronaux réunis sous la bannière de la CGEM, le ministre de l'Inclusion économique, Younes Sekkouri, a dévoilé jeudi une nouvelle promesse gouvernementale : un programme de soutien d'un milliard de dirhams censé bénéficier à 110 000 très petites entreprises (TPE) dans tout le Royaume. Mais à douze mois d'une échéance électorale décisive, l'annonce a tout d'un baroud d'honneur pour un gouvernement longtemps accusé d'avoir laissé les TPE en marge de ses priorités économiques. En affichant cet objectif chiffré et en promettant un déploiement « dans les prochaines semaines », l'exécutif semble chercher à recoller les morceaux d'un dialogue social fragilisé. Depuis le lancement de programmes comme Intelaka et Forsa, dont l'écho s'est progressivement estompé faute d'accompagnement structurant, les très petites entreprises – qui forment pourtant l'épine dorsale de l'économie marocaine – se disent oubliées, reléguées au second plan d'une politique largement tournée vers les grands groupes. La scène, pourtant solennelle, a rapidement été rattrapée par la réalité. Cependant, le président de la Confédération des TPE-PME, Abdellah El Fergui, a toujours alerté. « Depuis toujours, les programmes destinés aux TPE sont élaborés sans nous », a-t-il dénoncé, fustigeant une démarche où seuls les grands patrons de la CGEM semblent être consultés, même pour des dispositifs censés cibler les plus petits acteurs économiques. « On se retrouve à observer des plans conçus pour nous... mais sans nous », a-t-il ajouté, amer. Dans sa présentation, Sekkouri a promis un accompagnement ciblé : aide au loyer, comptabilité, acquisition de matériel... le tout sur la base d'un cahier des charges en cours d'élaboration. Mais pour les entrepreneurs, le scepticisme reste entier. Beaucoup rappellent que les programmes antérieurs, lancés en grande pompe, se sont souvent heurtés à des lourdeurs administratives, à une frilosité bancaire persistante et à un manque d'écoute des réalités du terrain. Lire aussi : Droit de grève : après l'attentisme, la précipitation de Sekkouri interroge Le ministre lui-même a concédé les limites des dispositifs actuels. Les mécanismes de garantie censés faciliter l'accès au crédit se heurtent encore à la méfiance des banques. « Il faut aller plus loin dans la médiation et la détection rapide des difficultés », a-t-il plaidé, annonçant la mise en place d'une commission mixte avec le ministère des Finances pour tenter, une fois de plus, de faire tomber les barrières. À l'évidence, le gouvernement est désormais dans une course contre la montre. Outre ce nouveau programme, Sekkouri a promis une refonte des services de l'ANAPEC, notamment pour les jeunes sans diplôme, et a assuré que le nouveau Code du travail – incluant, pour la première fois, des dispositions sur le télétravail et le travail à temps partiel – serait finalisé d'ici la fin de l'année. Mais derrière les annonces, une question reste en suspens : pourquoi avoir attendu si longtemps ? Le mandat du gouvernement, démarré sous le signe d'ambitions affichées pour l'entrepreneuriat, a été marqué par des retards voire une mise en œuvre laborieuse des réformes. À un an du scrutin, la majorité tente visiblement de relancer une dynamique en panne. Les TPE et PME, qui concentrent plus de 90 % du tissu entrepreneurial, pourraient peser lourd dans la balance électorale. « Il ne s'agit plus seulement de chiffres, mais de crédibilité », souffle un observateur du monde patronal. « Le gouvernement joue ici une dernière carte pour sauver ce qui peut encore l'être de son image sociale ». Cependant, si cette opération de reconquête convaincra une base entrepreneuriale lassée d'attendre des mesures concrètes et durables. Car entre les promesses répétées et leur exécution sur le terrain, les TPE, elles, n'ont plus le luxe d'attendre.