Malgré un contexte lourd de tensions régionales, le Général Sadam Haftar, fils du maréchal Khalifa Haftar et figure montante de l'est libyen, a entamé une visite officielle remarquée à Niamey. Accueilli par le ministre nigérien de l'Intérieur, le Général Mohamed Tumba, ce déplacement marque une inflexion stratégique dans les relations entre la Libye orientale et le Niger, deux territoires confrontés à une instabilité chronique aux frontières du Sahel. Commandant de la puissante brigade Tariq Ben Zeyad, Sadam Haftar incarne l'extension du pouvoir militaire de Benghazi au-delà des confins libyens. Sa venue à Niamey n'a rien d'anodin : elle s'inscrit dans une dynamique de renforcement des convergences sécuritaires entre des Etats confrontés aux mêmes menaces — trafics transsahariens, insurrections djihadistes, prolifération des armes et effondrement des systèmes de contrôle territorial. L'accueil réservé à Sadam Haftar par le ministre Tumba ne s'est pas limité à une simple cérémonie protocolaire. Il traduit la volonté des autorités nigériennes de nouer un dialogue opérationnel avec une entité militaire libyenne qui, bien que non reconnue internationalement comme gouvernement central, détient un levier sécuritaire décisif dans l'est du pays. Dans cette configuration, la coopération ne passe plus uniquement par Tripoli ou les circuits diplomatiques classiques : elle se tisse sur le terrain, entre chefs de guerre stabilisateurs, souvent plus efficaces que des institutions fragiles ou déconnectées des réalités du désert. Lire aussi : Service militaire 2025 : Formation approfondie dans les domaines de spécialisation au profit des conscrits qualifiés Pour le clan Haftar, ce rapprochement avec Niamey s'inscrit dans une stratégie d'élargissement de l'influence au sud de la Libye, dans la bande frontalière qui s'étend jusqu'au nord du Niger. La région est depuis longtemps une zone grise, poreuse à tous les trafics et refuge de groupes armés en quête de sanctuaire. La présence active de la brigade Tariq Ben Zeyad dans cette zone vise à projeter l'autorité de l'Armée Nationale Libyenne au-delà de la Cyrénaïque, en s'insérant dans les dynamiques sécuritaires du Sahel. Dans ce contexte, Niamey apparaît comme un partenaire de choix. Depuis son retrait de la CEDEAO avec le Mali et le Burkina Faso, le Niger cherche de nouveaux ancrages régionaux pour renforcer ses capacités de résilience face aux menaces asymétriques. L'axe Niamey-Benghazi pourrait ainsi prendre la forme d'une coopération militaro-technique, centrée sur le partage de renseignements, la sécurisation des corridors migratoires et la lutte contre les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique. La stabilisation par la force ? Cette visite, bien que passée relativement inaperçue sur la scène internationale, pourrait marquer un tournant discret dans la cartographie des alliances sécuritaires au Sahel. Elle reflète une tendance croissante à l'informalisation des partenariats militaires dans une région où les institutions multilatérales peinent à répondre aux urgences du terrain. Sadam Haftar, à la fois héritier et stratège, joue une partition personnelle dans la reconfiguration des équilibres au sud de la Méditerranée. Sa visite à Niamey confirme la montée en puissance d'une diplomatie parallèle fondée sur les liens de commandement, les intérêts convergents et les urgences tactiques. À l'heure où la présence occidentale recule et où les acteurs traditionnels de la coopération sécuritaire — ONU, Union européenne, France — perdent du terrain, ce type d'initiative illustre un glissement vers une realpolitik du désert. Niamey, en accueillant un acteur militaire aussi controversé que central, semble faire le pari du pragmatisme dans un Sahel en quête de stabilité.