Avec l'annonce britannique, ce sont désormais trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU qui s'alignent sur la proposition marocaine d'autonomie pour le Sahara. Après les Etats-Unis en 2020 et la France en début d'année 2024, le Royaume-Uni a officialisé ce dimanche, à Rabat, son appui au plan marocain. Une décision qui, selon Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques, constitue un « tournant majeur » dans un dossier miné par des décennies de blocage et de rivalités régionales. Dans un entretien accordé à RFI, Mohammed Benhammou insiste sur la portée stratégique de ce soutien. « Trois Etats membres sur cinq du Conseil de sécurité soutiennent le plan d'autonomie proposé par le Maroc. C'est un appui de poids à la recherche d'une solution définitive au problème imposé au Maroc par son voisinage », souligne-t-il. Pour le professeur, cette nouvelle donne diplomatique devrait inciter l'Algérie, principale alliée du Front Polisario, à reconsidérer sa posture, jugée « caduque et dépassée ». La réaction algérienne, en effet, ne s'est pas fait attendre. Par un communiqué, Alger a exprimé ses « regrets » face à la position britannique, tout en se consolant de la nuance : Londres, comme Paris, n'a pas explicitement reconnu la « souveraineté marocaine » sur le Sahara. Une position intermédiaire qui permet à la diplomatie britannique de ménager le cadre onusien des négociations tout en soutenant le plan marocain. Pour M. Benhammou, cette réaction algérienne ne saurait masquer les « revers diplomatiques » que subit Alger ces dernières années. « Il faut sortir de l'impasse, revenir à la raison et cesser de persister dans un mauvais choix », martèle-t-il, appelant à dépasser un discours figé pour ouvrir la voie à un règlement durable. Lire aussi : Algérie : Quand la diplomatie devient un vaudeville tragique Le Conseil de sécurité : fracture ou convergence ? Si la reconnaissance du plan d'autonomie par trois puissances majeures marque un jalon important, les deux autres membres permanents du Conseil de sécurité – la Chine et la Russie – campent officiellement sur une ligne qui inclut toujours un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui sous l'égide de l'ONU. Pourtant, Mohammed Benhammou relativise la portée de ce clivage. Selon lui, Pékin et Moscou s'inscrivent également dans « la même logique de recherche d'une solution politique » et n'ignorent pas la nécessité de « sortir de l'impasse ». « Toutes les décisions du Conseil de sécurité, qui sont des résolutions annuelles, parlent de la solution politique », rappelle-t-il, avant de conclure, non sans ironie : « La partie, si on peut la prendre comme une partie d'échecs, se corse de plus en plus. L'Algérie peut encore tenter de sauver sa mise pour éviter l'échec et mat. » Cette avancée diplomatique s'inscrit dans un contexte régional redéfini par les Accords d'Abraham, auxquels le Maroc a souscrit en renouant en 2020 ses relations diplomatiques avec Israël. Cependant, face à la question tendancieuse du journaliste, qui évoquait la guerre à Gaza et les lourdes pertes civiles — 54 000 morts selon les chiffres palestiniens —, il importe de rappeler que le Maroc, tout en maintenant ses engagements bilatéraux, a toujours défendu une paix juste et durable fondée sur la légalité internationale. Le Royaume a constamment plaidé pour un cessez-le-feu immédiat et la protection des civils, et réitère son attachement indéfectible à la cause palestinienne, conformément à la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al-Qods. Cette démarche diplomatique marocaine, loin d'être un alignement aveugle, illustre au contraire la capacité de Rabat à conjuguer dialogue constructif et soutien constant à la paix, à la stabilité et aux droits légitimes des peuples. Mohammed Benhammou insiste sur la dualité de la position marocaine : « Le Maroc est un pays qui soutient toujours la cause palestinienne, une cause nationale. Mais en même temps, il a toujours joué un rôle pour sortir de ce conflit qui n'a que trop duré », explique-t-il. Il dénonce avec force la « politique inacceptable » du gouvernement de Benyamin Netanyahu, « cette punition collective, cette destruction massive » imposée à Gaza. Pour le Maroc, l'appui britannique vient conforter la stratégie d'ouverture diplomatique tous azimuts menée depuis plusieurs années. Sous l'impulsion royale, le Maroc a multiplié les partenariats économiques et sécuritaires, consolidé ses alliances traditionnelles et cherché à imposer son plan d'autonomie comme unique issue réaliste à un conflit qui, depuis cinquante ans, mine la stabilité du Maghreb. À mesure que s'effritent les soutiens au projet indépendantiste sahraoui, la diplomatie marocaine semble engranger des succès, même si la question saharienne reste un terrain miné de rivalités et de ressentiments profonds. Avec cette troisième reconnaissance de son plan d'autonomie par un membre permanent du Conseil de sécurité, le Maroc espère faire bouger les lignes à l'ONU. Mais la prudence reste de mise : ni Moscou ni Pékin ne sont prêts, pour l'heure, à abandonner la ligne officielle de l'autodétermination. Pour Mohammed Benhammou, il s'agit néanmoins d'un « signal fort » en faveur de la stabilité régionale et de la primauté de la solution politique. Reste à savoir si cette dynamique nouvelle saura, à terme, convaincre les derniers récalcitrants et mettre un terme à un conflit qui s'éternise.