Face à la croissance des énergies renouvelables, le stockage par batteries devient un enjeu stratégique. Le Maroc mise sur les technologies lithium-fer-phosphate pour stabiliser son réseau, tester de nouvelles solutions et bâtir une industrie locale, soutenue par des projets publics et des investissements industriels d'envergure. Avec l'essor des énergies renouvelables, le besoin en solutions de stockage d'électricité devient crucial. En 2024, la capacité mondiale des systèmes de stockage par batteries (BESS) a atteint 200 gigawattheures (GWh), soit une progression de 53 % par rapport à l'année précédente, d'après le cabinet Rho Motion. Cette tendance devrait se poursuivre, la capacité globale étant attendue à 400 GWh d'ici la fin 2025. Les systèmes BESS sont principalement déployés aux côtés de centrales solaires et éoliennes, afin de stocker l'énergie produite en surplus et de la réinjecter dans le réseau lors des pics de consommation. Ils répondent ainsi à l'enjeu majeur de l'intermittence des énergies renouvelables, en assurant une alimentation électrique stable et continue. Dans ce contexte, le Maroc renforce sa stratégie de transition énergétique. Le 20 mai 2025, l'Agence Marocaine pour l'Energie Durable (Masen) a annoncé l'approbation par la Banque Mondiale du plan de passation de marchés pour le projet expérimental baptisé « Morocco Energy Storage Testbed Project ». Ce projet, qui sera mené sur le site du complexe solaire Noor à Ouarzazate, vise à tester des technologies de stockage innovantes, afin d'accroître la flexibilité et la fiabilité du système électrique national. Lire aussi : Lithium : le Maroc entre dans la compétition mondiale pour les batteries Le programme sera mis en œuvre en deux étapes : une première phase consacrée à l'acquisition d'équipements techniques, à hauteur de 3,25 millions de dollars, et une seconde phase dotée d'un budget de 200.000 dollars pour la conception et la gestion de la plateforme expérimentale, confiées à un cabinet de conseil international. Par ailleurs, l'Office National de l'Electricité et de l'Eau potable (ONEE) a lancé, en avril 2025, un projet visant à installer des systèmes de stockage d'une capacité totale de 1.600 MWh sur dix sites stratégiques. Ces installations seront basées sur la technologie des batteries lithium-fer-phosphate (LFP), reconnue pour sa stabilité, sa longue durée de vie (plus de 20 ans), et sa disponibilité élevée, estimée à 98 %. Les batteries LFP s'imposent aujourd'hui comme la technologie de référence dans le domaine du stockage stationnaire. En 2024, elles représentaient 87 % des capacités installées à l'échelle mondiale. Leur coût réduit — environ 30 % inférieur à celui des batteries NMC — et l'utilisation de matières premières abondantes comme le fer et le phosphate en font une solution privilégiée, notamment dans les pays émergents. Le Maroc entend tirer parti de ses ressources pour se positionner dans cette filière. Le groupe OCP prévoit de produire 30.000 tonnes de matériaux intermédiaires pour batteries LFP d'ici 2027. Sa filiale Mera Batteries ambitionne de fabriquer 1 GWh de batteries au Maroc dès 2026. D'autres projets industriels soutiennent cette dynamique, dont l'usine de Jorf Lasfar, exploitée par Al Mada et le chinois CNGR, qui vise une production annuelle de 60.000 tonnes de LFP. S'y ajoutent les investissements de LG Chem et Huayou (50.000 tonnes) ainsi que la future gigafactory de Gotion High-Tech à Kénitra. Ces initiatives devraient permettre au Maroc de développer une industrie locale du stockage énergétique, compétitive et adaptée aux besoins de son réseau électrique en pleine évolution.