Le limogeage présumé d'Imane Belmaati de la direction générale de l'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (Anapec) suscite une vive controverse, alimentée par des déclarations contradictoires et un silence institutionnel troublant. Entre démentis officiels et fuites médiatiques, l'affaire cristallise les tensions autour de la gouvernance des établissements publics et de la gestion des politiques de l'emploi. Alors que plusieurs médias nationaux annonçaient depuis le 20 juin la révocation d'Imane Belmaati à la tête de l'Anapec, cette dernière a tenu à opposer une fin de non-recevoir catégorique. Dans un droit de réponse adressé à la presse samedi 21 juin, elle affirme « n'avoir reçu à ce jour aucun acte mettant fin à ses fonctions », soulignant que sa nomination, intervenue le 25 avril 2024, relève d'une procédure réglementaire encadrée par le décret n° 2.12.412 du 11 octobre 2012. La directrice générale sortante insiste sur le fait que toute décision de retrait doit être formellement motivée et soumise à l'aval du chef du gouvernement. « Je demeure à ce jour légalement investie dans mes fonctions », a-t-elle martelé, affirmant que son action a reçu l'approbation unanime du conseil d'administration, y compris au regard des objectifs atteints au cours de l'exercice 2024. Dans sa déclaration, Imane Belmaati met en avant un redressement tangible des indicateurs de performance de l'Anapec. Elle précise notamment que l'ensemble des réserves précédemment émises par les commissaires aux comptes a été levé, et qu'aucune note d'observation ou avertissement formel n'a été émis à son encontre. « Les résultats de développement ont connu une amélioration visible », soutient-elle. Pourtant, cette version des faits est contestée en coulisses. Plusieurs sources proches du ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, dirigé par Younes Sekkouri, affirment que le départ d'Imane Belmaati aurait été entériné en raison du « retard préoccupant » pris dans le déploiement de la nouvelle feuille de route gouvernementale en faveur des demandeurs d'emploi. Des voix critiques pointent également du doigt les limites opérationnelles de l'agence dans la mise en œuvre des réformes, évoquant « une absence de dynamisation suffisante » du dispositif d'accompagnement des jeunes, notamment dans les régions à fort taux de chômage. Des rapports institutionnels accablants Selon des indiscrétions relayées par plusieurs titres de presse, la Cour des comptes ainsi que l'inspection générale du ministère des finances auraient émis des observations sévères concernant « des carences persistantes non corrigées » dans le fonctionnement de l'Anapec. Ces rapports, encore non rendus publics, constitueraient selon certaines sources un levier décisif dans la décision de mettre fin au mandat d'Imane Belmaati. Cependant, aucun document officiel n'est venu confirmer l'existence d'une telle décision. Le ministère de tutelle n'a pour l'heure émis aucun communiqué, alimentant la confusion et renforçant le sentiment d'opacité entourant cette affaire. Au-delà du cas d'Imane Belmaati, l'épisode en cours met en lumière les fragilités structurelles du pilotage administratif dans certains établissements publics marocains. L'absence de transparence institutionnelle, conjuguée à des décisions perçues comme unilatérales ou précipitées, interroge sur l'efficacité du dialogue entre les différentes strates de gouvernance, ainsi que sur le respect des principes de redevabilité et de continuité de l'action publique. Cet imbroglio intervient dans un contexte où l'exécutif multiplie les réformes pour redéfinir le rôle des agences de l'Etat et renforcer l'employabilité nationale. Il pourrait faire figure de test grandeur nature, et posera à n'en pas douter la question de la cohérence entre les ambitions gouvernementales et les modalités réelles de leur mise en œuvre sur le terrain.