Selon une enquête conjointe de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) et de l'Union européenne (UE), les petites et moyennes entreprises marocaines peinent à s'intégrer aux chaînes de valeur mondiales. En cause : des contraintes financières persistantes, une pression concurrentielle accrue et un environnement logistique encore déficient. La problématique du développement des PME reste toujours une question centrale pour les autorités du Royaume. Dans ce contexte, le Maroc affirme son ambition de devenir une plateforme industrielle intégrée, les PME — qui représentent près de 40 % du PIB national — continuent de faire face à des obstacles structurels entravant leur montée en gamme et leur projection à l'international. C'est ce que révèle l'Enquête BEI/UE 2025 sur le panorama des PME au Maroc, menée auprès de 150 dirigeants opérant dans les filières exportatrices stratégiques : agroalimentaire, automobile et textile. Premier constat : la pression concurrentielle et la saturation des marchés domestiques sont aujourd'hui les freins les plus cités à la croissance. Plus de 60 % des PME interrogées estiment que ces facteurs limitent non seulement leur développement local, mais aussi leur capacité à exporter. Si la diversification des débouchés constitue une nécessité, elle se heurte à une compétitivité encore insuffisante, nourrie par un déficit d'investissement dans la modernisation, l'innovation et la différenciation. Selon les auteurs de l'étude, cette configuration révèle un besoin urgent d'outillage stratégique, à la fois technique et financier, pour repositionner l'offre marocaine sur les standards internationaux. « La qualité, la spécialisation et l'accès à l'information fiable sont devenus les nouveaux vecteurs de compétitivité », commente un dirigeant d'entreprise interrogé. Lire aussi : Les PME marocaines s'inquiètent face aux cyberattaques et la montée de l'IA Second axe structurant : le déficit d'accès au financement reste l'un des principaux freins à l'internationalisation. Près de la moitié des PME interrogées évoquent l'insuffisance de capital comme un obstacle direct à l'export. Seules 33 % d'entre elles déclarent exporter de manière régulière, tandis que 20 % n'ont aucun accès aux marchés extérieurs. La frilosité du système bancaire, les conditions d'octroi de crédit strictes, et le manque de garanties pénalisent les entreprises de taille intermédiaire qui souhaitent franchir le cap de la projection mondiale. Pour répondre à cette problématique, le programme Trade and Competitiveness, déployé par la BEI avec le soutien de l'UE, propose une ingénierie financière adaptée aux besoins des PME. Celle-ci passe par des lignes de crédit dédiées, adossées à des mécanismes de garantie partagée, ainsi qu'un accompagnement individualisé via des institutions financières locales. Objectif : faciliter l'investissement productif et soutenir la transition vers un modèle économique plus compétitif. Un environnement logistique peu adapté à l'exportation Au-delà des problématiques financières, les PME marocaines demeurent confrontées à des défis logistiques et réglementaires majeurs. L'enquête relève que plus de 55 % des dirigeants identifient les coûts logistiques, les lenteurs douanières ou les barrières de conformité comme des freins notables à leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Une entreprise sur deux évoque également la difficulté à établir des partenariats commerciaux à l'international, faute de réseaux structurés et de plateformes d'intermédiation efficaces. Dans ce contexte, le besoin de simplification des procédures d'exportation, de renforcement des outils numériques et de développement d'infrastructures logistiques de qualité devient central. Le programme Trade and Competitiveness met à disposition des modules de formation spécifiques sur les normes internationales, les règles d'origine, ou encore la décarbonation des chaînes de production, afin d'aider les PME à se conformer aux exigences croissantes des marchés mondiaux. Si l'enquête souligne les difficultés structurelles des PME marocaines, elle met aussi en lumière leur résilience entrepreneuriale et le dynamisme croissant de l'entrepreneuriat féminin. Ces signaux positifs doivent être consolidés par une politique industrielle orientée vers la qualité, la spécialisation sectorielle et l'intégration régionale. Le défi pour les autorités et les partenaires techniques est désormais de transformer ce potentiel latent en avantage compétitif durable, en dotant les PME d'un environnement d'affaires plus fluide, plus inclusif et plus connecté aux marchés globaux. Sans cela, le tissu productif national risque de rester en périphérie des grandes chaînes de valeur mondiales.