Fragilisée par une posture étrangère rigide et des tensions persistantes avec ses voisins immédiats, l'Algérie tente de relancer sa diplomatie en multipliant les gestes de rapprochement avec certains pays africains. Une manœuvre qui révèle moins une ambition continentale assumée qu'un isolement croissant sur les scènes euro-méditerranéenne et maghrébine. Le ballet diplomatique orchestré ces derniers mois par Alger, marqué par la visite du président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa les 19 et 20 juillet, s'inscrit dans une stratégie de repositionnement sur le continent africain. Louée par la presse officielle comme une « convergence totale » entre les deux Etats, cette rencontre a surtout donné lieu à la signature de protocoles d'accord à portée limitée. Le discours officiel se veut rassurant : Abdelmadjid Tebboune a salué une « avancée précieuse » dans la coopération bilatérale, comme pour mieux masquer la perte d'influence qui fragilise aujourd'hui la diplomatie algérienne sur ses axes traditionnels. Ce retour vers l'Afrique intervient dans un contexte d'isolement croissant. Les relations d'Alger avec ses partenaires européens — notamment Paris et Bruxelles — sont dans une impasse, plombées par une rhétorique accusatoire et un refus persistant d'engager des réformes structurelles internes. Le désaccord ouvert avec la France sur les questions mémorielles et migratoires, les tensions énergétiques avec l'Espagne à la suite du repositionnement de Madrid sur la question du Sahara, et le gel de plusieurs coopérations stratégiques avec l'Union européenne témoignent de ce désengagement mutuel. À cela s'ajoute un paradoxe révélateur : malgré sa proximité historique avec Moscou, Alger s'oppose à l'installation du groupe Wagner à sa frontière méridionale au Mali, redoutant des conséquences sécuritaires sur ses propres provinces sahariennes. Cette méfiance témoigne d'un isolement qui ne s'explique plus uniquement par des oppositions idéologiques, mais aussi par une absence de ligne cohérente dans les rapports bilatéraux et multilatéraux. Lire aussi : Passeports algériens : la France vise le consulat, l'Algérie crie à l'humiliation Sur le plan régional, l'Algérie entretient des rapports profondément conflictuels avec ses voisins immédiats. La rupture unilatérale de ses relations diplomatiques avec le Maroc en 2021 a envenimé un climat déjà tendu, tandis que les velléités d'ingérence dans le dossier libyen, sous couvert de médiation, ne font qu'aggraver la méfiance de Tripoli. À l'est, les échanges avec la Tunisie, bien que officiellement cordiaux, sont traversés par des malentendus sur les questions de sécurité frontalière et de coopération économique. Le cas libyen illustre les limites d'une diplomatie algérienne qui prétend jouer les médiateurs sans en avoir les leviers. Malgré des initiatives récentes pour relancer le dialogue inter-libyen depuis Alger, aucune reconnaissance tangible de son rôle ne s'est concrétisée, ni de la part des factions libyennes, ni des puissances impliquées dans le dossier. Le poids diplomatique algérien semble s'effriter à mesure que se renforce celui de nouveaux acteurs plus offensifs, comme le Maroc, la Turquie ou les Emirats arabes unis. Une stratégie d'ouverture en trompe-l'œil Face à ces blocages, l'Algérie tente de redessiner ses alliances. Outre le Zimbabwe, les présidents du Rwanda et d'Afrique du Sud ont été reçus à Alger ces derniers mois. Des visites qui relèvent davantage du symbole que d'un basculement stratégique. Aucun projet d'envergure n'a été concrétisé à ce jour, et les accords signés restent génériques : partenariats énergétiques, coopération universitaire, ou échanges culturels. Dans un continent africain en profonde mutation géoéconomique, cette diplomatie de contacts peine à rivaliser avec les investissements structurels chinois, les initiatives marocaines en matière de co-développement, ou encore la présence américaine sur le terrain sécuritaire. Par ailleurs, la tournée africaine du président Tebboune, censée relancer les fondamentaux panafricains de la diplomatie algérienne, révèle des contradictions : se rendre en Egypte, en Tunisie, en Mauritanie ou en Ethiopie ne suffit pas à masquer l'absence de relais durables ni de projets communs concrets. Les gestes d'ouverture masquent mal un repli stratégique. Cette frénésie diplomatique révèle in fine une Algérie en quête de souffle, confrontée à une crise d'image et à une perte d'influence. Dans un contexte où l'Afrique redéfinit ses alliances avec pragmatisme, Alger semble davantage subir les dynamiques régionales qu'y participer. L'absence d'intégration au sein de grands projets africains, qu'ils soient économiques (zone de libre-échange continentale, corridors logistiques) ou sécuritaires (initiatives régionales au Sahel), traduit une marginalisation progressive. Le continent africain n'est plus le terrain d'influence passif qu'Alger connaissait autrefois. Les Etats y choisissent aujourd'hui leurs partenariats à l'aune de leur valeur ajoutée, de leur capacité d'investissement, et de leur vision partagée du développement. À cet égard, l'Algérie souffre d'un déficit d'agilité diplomatique et d'une difficulté persistante à proposer des solutions innovantes.