Fouzia avait toujours vécu comme si la vie appartenait aux autres. Elle passait sur terre sans bruit, une silhouette qui ne dérange pas l'air qu'elle traverse. Elle parlait peu, et quand ses lèvres s'entrouvraient, c'était comme si chaque mot pesait sur le monde et devait être délivré avec la précaution d'une prière. À l'école, elle était cette élève studieuse que l'on oublie de féliciter parce qu'elle ne trouble jamais la classe. Les professeurs la désignaient en silence comme l'exemple à suivre, mais son nom, lui, s'effaçait aussitôt prononcé. Puis un jour, la vie – cette grande bureaucratie absurde – a décidé de lui adresser une convocation sans appel. Une maladie s'est installée, comme un huissier de justice, prenant place dans ses veines, dans ses nuits, dans son souffle. Fouzia n'a pas protesté. Pas de plainte, pas de révolte. Juste ce regard légèrement surpris, comme si elle s'excusait de déranger le destin. Et pourtant, un matin, le ciel s'est fendu d'une éclaircie inattendue. Dans cette brèche fragile, l'amour est entré, discret, presque timide. Elle se maria. De ce mariage naquit un garçon, une petite braise de chaleur dans cet univers de douleurs. Pendant quelques mois, peut-être quelques années, la vie sembla hésiter : allait-elle enfin se montrer clémente ? Mais la maladie, jalouse, reprit son travail avec une rigueur d'horloger. Nuit et jour, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, elle s'acharna comme si elle avait un compte à régler. Fouzia se fanait lentement, comme une fleur qu'on oublie sur le rebord d'une fenêtre. Chaque matin, elle semblait plus légère, presque transparente, comme si son corps cherchait à se dissoudre dans l'air pour ne plus souffrir. Le jour où elle s'éteignit, ce fut sans bruit. Pas un cri. Pas une révolte. Juste un départ, presque poli, laissant derrière elle un parfum de douceur et un silence qui en disait plus long que mille complaintes. Dans le cœur de ceux qui l'avaient connue, elle reste une silhouette fragile, un murmure d'âme, un souvenir si tendre qu'il fait mal. Fouzia laisse derrière elle ce symbole de l'humanité, Adam et ce serviteur de Dieu " Abdellah", un fils et un mari.