Malgré une légère baisse du chômage au deuxième trimestre de 2025, les fragilités structurelles du marché du travail marocain se creusent, en particulier dans le monde rural. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) alerte sur la montée du sous-emploi et la faible participation des femmes à l'activité économique. Le reflux du chômage observé entre le deuxième trimestre de 2024 et celui de 2025 aurait pu être interprété comme un signal positif. Le taux national recule de 13,1 % à 12,8 %, selon les dernières données de l'Enquête nationale sur l'emploi rendues publiques par le Haut-Commissariat au Plan (HCP). En valeur absolue, le nombre de chômeurs baisse de 38 000 personnes, une dynamique principalement portée par les zones rurales. Cependant, ce recul statistique masque une réalité plus nuancée. L'emploi progresse faiblement – seulement 5 000 postes nets créés à l'échelle nationale – et reste profondément tributaire de facteurs climatiques, notamment la sécheresse persistante qui a lourdement affecté le secteur agricole. Le HCP indique ainsi une perte de 108 000 emplois dans l'« Agriculture, forêt et pêche », contre des créations plus limitées dans les BTP (+74 000) ou les services (+35 000). Les dynamiques d'emploi demeurent profondément marquées par l'urbanité. Le milieu urbain enregistre un gain net de 113 000 postes, pendant que le milieu rural en perd 107 000. Selon le HCP, cette géographie asymétrique reflète la concentration croissante des opportunités économiques dans les grands centres urbains, au détriment des zones périphériques. Lire aussi : Marché du travail : le taux de chômage à 12,8% au T2-2025 (HCP) La participation féminine au marché du travail reste dramatiquement basse. Le taux d'activité des femmes chute de 20,1 % à 18,9 %, alors même que celui des hommes reste stable autour de 68,6 %. Le HCP souligne également que les femmes sont désormais davantage touchées par le chômage, leur taux atteignant 19,9 % contre 10,8 % pour les hommes. Un sous-emploi en forte progression Plus inquiétant encore : la montée du sous-emploi, signe d'un marché du travail de plus en plus précaire. Le volume de la population active occupée en situation de sous-emploi passe de 1,04 million à 1,15 million de personnes, d'après le HCP. Cette hausse touche autant les zones urbaines (+83 000) que rurales (+22 000), avec un taux national en progression d'un point, à 10,6 %. Le phénomène touche particulièrement les travailleurs du secteur des BTP, où le taux de sous-emploi grimpe de 18,9 % à 22,2 %. L'« industrie » n'est pas épargnée non plus (hausse de 5 % à 6,7 %), ce qui atteste d'un désajustement croissant entre compétences disponibles et débouchés économiques. Le recul des taux d'activité et d'emploi constitue une autre alerte. Entre les deuxièmes trimestres de 2024 et 2025, le taux d'activité passe de 44,2 % à 43,4 %, avec une baisse notable en milieu rural (de 48 % à 46,4 %). Cette érosion résulte, selon le HCP, d'une croissance de 1,5 % de la population en âge de travailler, alors que la population active diminue légèrement (-0,3 %). Le taux d'emploi, quant à lui, recule de 38,4 % à 37,9 % à l'échelle nationale. Autrement dit, le nombre de personnes qui travaillent ou cherchent un emploi décroît relativement à la population totale, atténuant artificiellement les taux de chômage. Le HCP note par ailleurs que cette baisse touche davantage les femmes (-1,3 point au taux d'emploi) que les hommes (+0,2 point). Une fracture régionale qui se creuse Sur le plan territorial, les écarts sont frappants. La région de Casablanca-Settat concentre à elle seule 25,5 % des chômeurs du pays. À l'opposé, les régions du Drâa-Tafilalet (6,4 %), Marrakech-Safi (7,5 %) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (8,9 %) affichent des taux bien inférieurs à la moyenne nationale, selon le HCP. Le taux de chômage dans les régions du Sud atteint un sommet de 25,7 %, révélant l'insuffisance d'opportunités économiques malgré les efforts d'investissement dans ces provinces. Le cas de l'Oriental, avec un taux de 21,1 %, illustre aussi une économie locale structurellement incapable d'absorber sa main-d'œuvre active. Si l'on se fie aux séries longues du HCP, les tendances actuelles soulignent la nécessité d'un ajustement structurel profond du marché du travail. Les créations d'emplois restent concentrées dans des secteurs cycliques et peu qualifiés, tandis que les jeunes, notamment les diplômés (avec un taux de chômage de 19 %), peinent à s'insérer durablement.