Les investissements croissants dans les infrastructures hospitalières et la dépendance persistante aux importations médicales positionnent le Maroc comme un marché stratégique en Afrique, dans un contexte régional en mutation. L'Afrique du Nord se détache nettement du reste du continent en matière de santé et de dispositifs médicaux. D'après un rapport de Fitch Solutions publié fin juillet 2025, les marchés nord-africains continueront d'afficher une attractivité nettement supérieure à ceux d'Afrique subsaharienne à l'horizon 2034. Le Maroc, aux côtés de l'Egypte et de la Tunisie, s'impose comme un acteur central de cette dynamique, porté par la modernisation des infrastructures, une hausse continue des dépenses publiques et privées, et une volonté politique affirmée d'améliorer la qualité des soins. Les ventes de dispositifs médicaux au Maroc devraient atteindre 504,2 millions de dollars en 2024, selon Fitch Solutions, un chiffre qui surpasse largement celui de pays d'Afrique subsaharienne plus peuplés comme le Kenya (137,4 M USD), la Tanzanie (150,2 M USD) ou le Ghana (92,3 M USD). Cette performance s'explique notamment par la croissance soutenue des investissements dans le système de santé. Le ministère marocain de la Santé et de la Protection sociale a lancé en juillet 2025 un vaste programme de réhabilitation de 83 hôpitaux et la construction de cinq nouveaux centres hospitaliers universitaires d'ici 2030. Cette stratégie vise à renforcer les capacités d'accueil, à élargir l'offre de soins spécialisés et à créer des conditions favorables à l'introduction de technologies médicales de pointe. Malgré cette dynamique positive, le rapport souligne la forte dépendance du Maroc aux importations de dispositifs médicaux, qui représenteraient plus de 90 % du marché national. Le tissu industriel local demeure limité à la production de consommables à faible valeur ajoutée, tels que les pansements, les gants chirurgicaux ou les seringues. Les équipements sophistiqués — imagerie diagnostique, dispositifs dentaires ou orthopédiques — proviennent essentiellement d'Europe, d'Amérique du Nord ou d'Asie. Cette dépendance structurelle constitue un facteur de vulnérabilité majeur, accentué par les tensions géopolitiques mondiales et les perturbations de la chaîne logistique, à l'image des retards engendrés par la crise de la mer Rouge en 2023. Lire aussi : Plus de 734.000 dossiers de prise en charge médicale ont été traités jusqu'à juin dernier Des dépenses de santé plus élevées qu'en Afrique subsaharienne Comparativement à l'Afrique subsaharienne, le Maroc bénéficie d'une capacité financière accrue pour investir dans la santé. Les dépenses de santé par habitant y sont significativement plus élevées que dans des économies comparables du continent. Même si le Maroc reste encore en deçà de la moyenne des pays émergents, cette avance lui permet d'adopter plus rapidement des technologies innovantes : dispositifs d'imagerie médicale, outils de diagnostic dopés à l'intelligence artificielle, systèmes de télésurveillance, etc. Cette configuration rend le marché marocain particulièrement attractif pour les multinationales du secteur, en quête de débouchés dans un environnement médical en transformation. L'évolution démographique constitue un autre moteur de transformation structurelle. Le vieillissement rapide de la population marocaine, couplé à une urbanisation soutenue et à l'explosion des maladies chroniques, va générer une demande accrue en soins complexes et de longue durée. À l'image de ses voisins, le Royaume est confronté à une montée en flèche des pathologies non transmissibles — diabète, maladies cardiovasculaires, cancers — qui grèvent déjà lourdement les dépenses publiques. Dans ce contexte, le rapport de Fitch Solutions estime que les autorités devront maintenir un rythme d'investissement élevé dans les équipements de santé, la formation du personnel médical et l'innovation thérapeutique pour répondre à la pression croissante sur les services hospitaliers. Fitch Solutions anticipe qu'au-delà de la taille absolue des marchés, l'Afrique du Nord — Maroc et Egypte en tête — continuera de jouer un rôle moteur sur le continent en matière de modernisation hospitalière et d'adoption de normes de qualité plus strictes. Si l'Afrique du Sud conserve encore une longueur d'avance, aucun autre pays d'Afrique subsaharienne ne rivalise individuellement avec les marchés nord-africains. Cette dynamique pourrait faire du Maroc un hub régional pour les soins spécialisés et un terrain propice à l'expérimentation de technologies médicales avancées.