Alors que le gouvernement prépare une réforme en profondeur de l'enseignement supérieur, les ambitions affichées se heurtent à une réalité complexe. Entre volonté de moderniser la gouvernance et de placer la recherche au cœur des priorités, les universités marocaines continuent de souffrir de surpopulation, de déficit d'encadrement et de fortes disparités régionales. Près d'un quart de siècle après l'adoption du cadre légal actuel, le Maroc engage une refonte profonde de son système universitaire. À l'approche de la rentrée 2025-2026, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation, M. Azzedine El Midaoui, a présenté un projet de loi qui ambitionne de moderniser la gouvernance, diversifier l'offre de formation et faire de la recherche scientifique une priorité nationale. D'après les experts, l'enjeu est de taille puisque la réussite de cette transformation dépendra de la capacité à traduire dans la vie quotidienne des campus les principes d'autonomie, de transparence et de bonne gouvernance, alors que persistent des difficultés structurelles majeures. Lire aussi : Calendrier scolaire 2025-2026 : Le ministère fixe les grandes échéances En effet, la réforme annoncée prévoit d'abord l'unification de l'enseignement supérieur dans toutes ses composantes, publiques comme privées, afin de créer une cohérence d'ensemble. De nouvelles catégories d'établissements verront le jour, telles que les universités numériques et les institutions à but non lucratif reconnues d'utilité publique. Par ailleurs, l'Etat entend maintenir son rôle de supervision tout en renforçant l'autonomie des universités, avec une gouvernance participative incarnée par la création d'un Conseil des gouverneurs dans chaque établissement. Présidé par le ministre ou son représentant, il associera des acteurs institutionnels, économiques et académiques afin de rapprocher l'université de son environnement socio-économique. Dans le même esprit, le projet introduit un cadre spécifique pour les centres de recherche, avec pour objectif de stimuler l'innovation et de renforcer la coopération avec le secteur privé. Une stratégie nationale de la recherche et de l'innovation est prévue, basée sur un financement diversifié et un suivi par indicateurs de performance. De même, le texte ouvre également la voie à l'implantation de filiales d'universités étrangères et encourage des modèles pédagogiques modernisés, intégrant la formation à distance, l'alternance et l'adaptation des contenus aux réalités du marché de l'emploi. Enseignement supérieur à bout de souffle Toutefois, la concrétisation de ces ambitions se heurte à des obstacles structurels persistants. Le système universitaire accueille désormais au titre de l'année universitaire 2024-2025, 1,3 million d'étudiants, en hausse de 5,9% par rapport à l'année précédente, selon des chiffres présentés par l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur, M. Abdellatif Miraoui, dans un exposé devant le Conseil de gouvernement. La massification accentue la surcharge des amphithéâtres, déjà utilisés à 258% de leur capacité théorique, selon le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) daté du 21 octobre 2024. En parallèle, dans les facultés de sciences juridiques, économiques et sociales, le ratio atteint 217 étudiants pour un seul enseignant, contre une moyenne de 69 dans le public et seulement 10 dans le privé. Avec 15 830 enseignants permanents, les besoins dépassent largement l'offre actuelle, d'autant que le nombre de nouveaux postes budgétaires a été réduit cette année à 1 759, selon des données relayées par les médias. En outre, selon les mêmes sources, sur le plan financier, le budget 2025 du ministère s'élève à 16,43 milliards de dirhams, mais près des deux tiers sont absorbés par les salaires. Le coût moyen par étudiant, fixé à 24 890 dirhams en 2023, reste en deçà des standards internationaux. Si un effort notable est enregistré avec le lancement du Programme national d'appui à la recherche et à l'innovation, doté d'un milliard de dirhams sur quatre ans, les investissements dans ce domaine plafonnent à 0,75% du PIB, loin de la recommandation de l'UNESCO fixée à 1%. À ces contraintes s'ajoutent les disparités régionales. Les grands pôles universitaires de Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech concentrent l'essentiel des moyens, obligeant des milliers d'étudiants des régions périphériques à migrer vers ces centres, ce qui accentue la pression sur des infrastructures déjà saturées. Malgré la construction de nouveaux amphithéâtres et de projets structurants comme la cité universitaire de Tamesna ou le complexe d'Al Hoceima, l'offre reste insuffisante face à la croissance démographique étudiante.