Né sur les réseaux sociaux, le mouvement « Moroccan Youth Voice » appelle à une protestation nationale les 27 et 28 septembre pour dénoncer les difficultés d'accès à une éducation et une santé de qualité. Derrière cette mobilisation, émergent des interrogations sur la capacité du gouvernement à répondre aux attentes, celle des députés à représenter la population, et sur la confiance affaiblie des citoyens envers les institutions. À la suite de manifestations organisées à Agadir et dans plusieurs villes du Royaume, un nouveau collectif est apparu sur la scène numérique marocaine sous le nom de « Moroccan Youth Voice ». Ses initiateurs ont annoncé l'organisation d'une protestation nationale les 27 et 28 septembre 2025 dans plusieurs villes du pays afin de revendiquer l'amélioration des services publics, principalement dans les secteurs de l'éducation et de la santé. Leur mobilisation s'appuie sur la diffusion de chiffres jugés « alarmants » qui, selon eux, traduisent la nécessité d'une réaction citoyenne. Les revendications mises en avant s'appuient sur une série de données liées aux difficultés structurelles des services publics. En effet, dans le domaine de l'éducation, « Moroccan Youth Voice » souligne que 45 % des classes sont en situation de surcharge et que 30 % des élèves en milieu rural quittent prématurément le système scolaire. Le manque d'enseignants qualifiés, l'état vétuste des infrastructures et l'insuffisance du matériel pédagogique sont également mentionnés comme des facteurs aggravants. Lire aussi : Migration : Le Maroc, troisième bénéficiaire de titres de séjour en Europe En parallèle, le secteur de la santé est également au cœur des revendications, puisque le mouvement estime que le pays compte un médecin pour 1 000 habitants et que 60 % des équipements utilisés sont obsolètes, tout en soulignant le manque de spécialistes et l'insuffisance des centres de santé. La confiance citoyenne en recul En outre, les récentes manifestations dans les secteurs de la santé et de l'éducation au Maroc mettent en lumière un fossé croissant entre les citoyens et le gouvernement, et la participation électorale en est un indicateur. En effet, lors des élections législatives de 2021, le taux officiel de participation s'est établi à 50,18 % des inscrits. En réalité, seuls 8,75 millions de citoyens ont voté, soit un peu plus du tiers de la population adulte. Le désengagement est encore plus marqué parmi les jeunes, puisque seulement 33,6 % des 18-24 ans sont inscrits sur les listes électorales, alors que 94,4 % des plus de 60 ans le sont, selon des données publiées le 10 septembre 2025 par la Friedrich Naumann Foundation dans son article intitulé « Between hope and distance – Morocco's youth and their role in politics ». Cette faible participation s'explique par plusieurs obstacles, notamment la méfiance généralisée envers les institutions publiques et les partis politiques. Une enquête montre que 70 % des jeunes déclarent ne pas faire confiance à ces institutions, estimant que le système fonctionne au bénéfice des responsables plutôt que des citoyens, selon le rapport « Comment les jeunes voient-ils l'engagement citoyen » pour les années 2024-2025 de l'association Citoyens. Par ailleurs, le fonctionnement du Parlement accentue cette perception. Malgré la réforme électorale de 2021, la fragmentation de la Chambre des représentants, qui compte 395 sièges, limite l'efficacité législative. S'ajoute à cela l'absentéisme, lors du vote de la loi sur la grève en février 2025, seuls 104 députés étaient présents. De plus, le décalage entre les priorités des citoyens et l'agenda parlementaire demeure flagrant. Alors que l'enquête du HCP, publiée le 24 avril 2025, indiquait que 53 % des ménages anticipent une dégradation de leur niveau de vie et que 80,9 % constatent une détérioration au cours de l'année écoulée, ces préoccupations majeures ne trouvent toujours pas de traduction concrète dans les travaux parlementaires. Ces mobilisations et protestations traduisent une profonde frustration à l'égard du processus décisionnel public et des limites de la représentation citoyenne. Beaucoup de citoyens estiment qu'au-delà du vote, les canaux pour faire entendre leurs préoccupations demeurent restreints. Le rôle des députés dans la transmission de la voix des électeurs apparaît ainsi affaibli, souvent éclipsé par la primauté donnée aux intérêts partisans ou personnels plutôt qu'aux besoins réels des populations. D'après les observations de nombreux jeunes sur les réseaux sociaux, la distance entre les décideurs et la population, conjuguée à un manque de valorisation des avis citoyens, pousse les jeunes, ainsi que d'autres groupes, à recourir à des formes de mobilisation alternatives pour tenter de peser sur les choix publics et faire entendre des préoccupations souvent ignorées.