La diplomatie marocaine expliquée au Monde Monsieur Le Monde, Je vais vous expliquer la diplomatie marocaine que vous semblez vouloir déprécier au mépris de la vérité et de l'honnêteté journalistique. Deux concepts que vous aviez pourtant proclamés comme principes de conduite, à votre naissance, en 1944, en pleine guerre mondiale. Vous persistez à présenter le Maroc comme une nation dépendante, oscillant au gré des humeurs des chancelleries occidentales, prisonnière de ses alliances et incapable de tracer sa propre voie. Cette lecture, qui trahit une vision profondément néocoloniale, est démentie par les réalités les plus élémentaires de la diplomatie contemporaine. La diplomatie marocaine est ancienne et enracinée dans l'histoire. Elle ne date pas d'hier. Car dès le 16e siècle, le Maroc indépendant nouait des relations directes avec les grandes puissances de l'époque — Espagne, France, Angleterre, mais aussi les Etats-Unis naissants, dont le Maroc fut le premier pays au monde à reconnaitre leur indépendance. Cet héritage prouve que la politique extérieure du Maroc n'a jamais été dictée de l'extérieur, mais qu'elle a toujours obéi à une logique souveraine de préservation et de rayonnement. Contrairement à certains pays voisins nés artificiellement de la colonisation, le Maroc a toujours eu une continuité diplomatique, reflet de sa continuité historique. Sous le règne de Mohammed VI, cette indépendance réelle dans les choix stratégiques s'est renforcée, à la faveur d'une diplomatie de vision et non de suivisme. Dans le cadre de cette politique étrangère fondamentale et constante, le Maroc a choisi de diversifier ses partenariats, aussi bilatéralement que multilatéralement. Une diversification qui n'est pas opportuniste mais le fruit d'une doctrine claire : « ne dépendre de personne, mais dialoguer avec tous ». J'y reviendrai plus loin. D'ici là, accordez-moi votre attention sur les axes essentiels de la diplomatie marocaine. Sur la première cause nationale : le Sahara occidental marocain. Sur cette question « d'existence » pour le Royaume du Maroc et non de « frontières » comme l'a souligné SM le Roi Mohammed VI, vous avez minimisé, sinon déformé, la portée de la diplomatie marocaine. Or, c'est l'axe majeur de la politique étrangère du Royaume. Le plan d'autonomie, proposé par le Maroc, est reconnu internationalement comme sérieux, crédible et réaliste (ONU, Conseil de sécurité). Mieux encore, la marocanité du Sahara occidental est reconnu directement ou indirectement par la majorité des Etats de la communauté internationale. Je vous en donne, ci-après, un résumé global, incluant l'évolution de la courbe descendante des reconnaissances de la pseudo république arabe sahraouie démocratique (RASD), soit l'augmentation du nombre des Etats retirant leurs reconnaissances. En effet, La diplomatie marocaine a, au cours des deux dernières décennies, converti une partie notable de l'arène internationale à l'idée d'une solution fondée sur l'autonomie sous souveraineté marocaine — posture rappelée dès la présentation officielle du projet d'autonomie au Conseil de sécurité en avril 2007. Plusieurs Etats de poids ont explicitement soutenu ou reconnu cette approche : les Etats-Unis (reconnaissance américaine de 2020 appuyant la proposition d'autonomie) et, plus récemment, la France qui a formellement exprimé son soutien à la proposition marocaine (juillet 2024) ; d'autres capitales européennes et africaines ont adopté des prises de position convergentes. Sur le terrain diplomatique concret, le nombre de consulats généraux/consulats ouverts dans les villes sahraouies de Laâyoune et Dakhla s'est sensiblement accru : 29 pays, selon un décompte médiatique récent, ont inauguré des représentations consulaires dans ces villes (signal fort de reconnaissance de l'administration marocaine sur place). Concernant la « RASD » proclamée par le Polisario en 1976. D'abord, 84 Etats l'ont reconnue à un moment donné depuis sa création ; parmi eux, un nombre important (environ 38 selon les recensions publiques) ont ensuite gelé ou retiré leur reconnaissance, de sorte qu'environ 46 Etats reconnaîtraient encore formellement la RASD aujourd'hui. Ces chiffres illustrent l'érosion relative des reconnaissances internationales en faveur de la RASD au profit d'appuis (directs ou circonstanciels) à la position marocaine. Au plan onusien, le Conseil de sécurité a maintenu MINURSO et réaffirmé la nécessité d'un règlement politique ; la présentation marocaine d'un plan d'autonomie a été explicitement prise en compte dans les délibérations et résolutions (notamment S/RES/1754 en avril 2007) et les renouvellements successifs du mandat (y compris les textes récents) témoignent du cadre multilatéral dans lequel s'inscrit désormais l'effort marocain. En synthèse : la diplomatie marocaine a consolidé sa présence institutionnelle sur le terrain en obtenant des reconnaissances ou appuis de pays majeurs, tandis que la carte des reconnaissances de la RASD s'est significativement réduite depuis 1976. Le Polisario, quant à lui, s'enferme dans une posture figée, instrumentalisée par Alger, et coupée des réalités du terrain. Pendant ce temps, le Maroc développe ses provinces du Sud, investit dans des projets structurants et en fait un hub africain. La diplomatie africaine du Maroc. Dans le même esprit de déni, vous semblez méconnaître dans la diplomatie africaine du Royaume Maroc ses caractéristiques agissantes et ses fruits déjà cueillis et recueillis, tout en refusant de voir la place qu'il occupe aujourd'hui dans le Jeune continent. Et pourtant, il est devenu une nation incontournable, honorée et suivie. Je vais également vous l'expliquer à travers trois projets essentiels, étroitement liés, où la diplomatie marocaine n'a jamais été aussi socialement et économiquement prometteuse, au sein de la communauté internationale en général, et celle de l'Afrique en particulier. Primo, l'Initiative atlantique. Lancée en novembre 2023 sous l'égide du Roi du Maroc, elle représente une vision stratégique du Royaume du Maroc pour promouvoir une intégration régionale renforcée entre les 23 pays africains bordant l'océan Atlantique. Elle vise à transformer cette façade atlantique en un espace de connectivité économique, de sécurité partagée et de développement durable. En d'autres termes, l'Initiative atlantique, vise une croissance inclusive et durable, en mettant l'accent sur le développement humain, la sécurité alimentaire, l'éducation et la santé. Secundo, le Gazoduc Maroc–Nigéria. Il s'agit d'un projet stratégique de gazoduc sous-marin reliant les pays ouest-africains au Maroc, facilitant l'accès à l'énergie pour les pays enclavés. Le Gazoduc Nigeria–Maroc (également nommé African-Atlantic Gas Pipeline) est prévu pour desservir 13 pays africains le long de son tracé ; incluant les 11 pays côtiers traversés, et 3 pays enclavés pour la distribution du gaz. Il reliera ainsi le Nigeria au Maroc en passant par : a) Pays de la côte atlantique : Bénin, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Libéria, Sierra Leone, Guinée, Guinée-Bissau, Gambie, Sénégal, et Mauritanie. b) Pays enclavés également concernés : le gaz sera acheminé vers le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Les estimations les plus récentes évoquent une population bénéficiaire totale de plus de 400 millions d'habitants répartie dans ces pays. N'est-ce pas grandiose, Monsieur Le Monde ? Tercio, le désenclavement du Sahel. Le projet marocain de désenclavement du Sahel, lancé sous l'impulsion de SM le Roi Mohammed VI en 2023, s'inscrit dans l'Initiative atlantique précitée. Il vise à offrir aux pays sahéliens enclavés — notamment le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad — un accès stratégique à l'océan Atlantique par les infrastructures marocaines, en particulier le port en eau profonde de Dakhla Atlantique et les corridors routiers et ferroviaires en cours de développement. Ce projet ambitionne de transformer le Maroc en pont logistique et énergétique reliant le Sahel aux marchés mondiaux, tout en garantissant un partage équitable des opportunités (commerce, énergie, sécurité alimentaire). Il constitue une réponse à l'isolement géographique et économique du Sahel, en renforçant la coopération Sud-Sud et en consolidant la stabilité régionale. Il s'agit d'une « vision royale stratégique » pour faire du littoral atlantique africain un « moteur de prospérité collective, en intégrant le Sahel dans les dynamiques économiques globales ». En définitive, le Roi Mohammed VI, par sa vision diplomatique globalisante, aussi géopolitique que géostratégique, accorde une importance particulière à l'Afrique. Ses périples et voyages officiels dans ce continent ont battu le record par rapport aux autres continents. Voici des chiffres éloquents pour vous fixer les idées : Le Roi a effectué plus de 50 visites dans différents pays africains durant ses 25 ans de règne, selon le North Africa Post (juillet 2024). Et dans 32 pays africains en 20 ans nous précise le site The Business & Financial Times. Un autre type d'indicateurs nous confirme la particularité de l'Afrique dans la diplomatie marocaine à savoir : le nombre d'accords/conventions signés « sous l'égide » du Roi Mohammed VI avec des pays africains pendant les 50 visites royales dans le continent. Les sources crédibles et récentes pointent un ordre de grandeur situé entre 900 et 1 000 accords depuis 1999/2000. C'est l'estimation la plus soutenue par la documentation publique. Diplomatie arabo-islamique du Maroc sous Mohammed VI (1999–2025) Monsieur Le Monde, Depuis vingt-cinq ans, le Maroc a consolidé une diplomatie arabo-islamique proactive, fondée sur la modération religieuse, la solidarité et la coopération régionale. a) Dans le domaine politique: le Royaume a renforcé ses relations bilatérales avec les pays du Golfe (Conseil de coopération du Golfe, alliance stratégique 2011), joué un rôle actif au sein de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), et défendu la cause palestinienne à travers le Comité Al-Qods présidé par le Roi. b) Dans le domaine économique:multiplication d'investissements croisés avec les monarchies du Golfe (énergie, infrastructures, finance), dans le cadre d'un sommet exceptionnel Maroc-pays du Golfe à Ryad (avril 2016), ainsi que le développement d'accords de coopération avec plusieurs pays arabes et islamiques, et mise en avant du Maroc comme hub africain et passerelle vers l'Europe. c) Dans les domaine social et culturel: Promotion du modèle religieux marocain basé sur le rite malékite et le soufisme modéré ; formation d'imams issus de pays africains et arabes ; valorisation du patrimoine spirituel et culturel islamique. d) Dans le domaine sécuritaire:partenaire clé dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme, le Maroc coopère étroitement avec de nombreux pays arabes et islamiques dans le renseignement et la sécurité régionale. e) Au niveau multilatéral: Acteur reconnu dans l'OCI, le Maroc a initié et accueilli plusieurs forums de dialogue interreligieux et interculturel, tout en défendant les causes communes du monde islamique, notamment la Palestine, le développement durable et la lutte contre l'islamophobie. En somme, en un quart de siècle, la diplomatie marocaine s'est affirmée comme un pont entre l'Orient et l'Occident, entre l'Afrique et le monde arabo-islamique, combinant réalisme politique, engagement religieux et ouverture économique et culturelle. Diplomatie occidentale et européenne du Maroc (1999–2025) Monsieur Le Monde, C'est aussi la diplomatie occidentale et européenne du Maroc que je vais vous expliquer, d'une manière concise et précise. Je vous en épargnerai des efforts cérébraux considérables en vous faisant l'économie du temps. Sachez alors, qu'en 25 ans de règne, la diplomatie marocaine a consolidé une présence stratégique dans le monde occidental, particulièrement en Europe, pivot naturel du Royaume. a) Dans le domaine politique :le Maroc a renforcé son partenariat avancé avec l'Union européenne (2008), multiplié les accords bilatéraux stratégiques (France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal), et obtenu des soutiens croissants à son plan d'autonomie pour le Sahara. b) Dans le domaine économique:l'UE reste le premier partenaire commercial et investisseur du Maroc ; les accords agricoles et de pêche ont consolidé l'intégration des territoires du Sud ; le Maroc a diversifié ses relations avec les Etats-Unis (ALE 2006) et le Canada. c) Dans les domaines social et culturel: la diplomatie marocaine a favorisé la valorisation de la diaspora (loi sur le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger), et la diffusion du patrimoine et du modèle religieux modéré dans plusieurs pays européens et américains. d) Dans le domaine sécuritaire: coopération exemplaire avec les pays occidentaux dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale et la gestion migratoire, le Maroc étant reconnu comme un partenaire fiable par l'UE, l'OTAN et les Etats-Unis. e) Au niveau multilatéral,enfin : le Maroc a joué un rôle moteur dans le dialogue euro-méditerranéen, l'Union pour la Méditerranée, et dans des forums mondiaux sur le climat (COP22 à Marrakech), la migration (Pacte de Marrakech 2018) et le développement durable. En somme, la diplomatie de Mohammed VI a permis au Maroc d'être perçu comme une puissance régionale maghrébine inéluctable, stable et crédible, reliant l'Europe, l'Afrique et le monde atlantique, avec une reconnaissance croissante de ses positions stratégiques. Diplomatie religieuse et spirituelle a) rôle fondamental du Maroc dans la diplomatie spirituelle en Afrique. Une diplomatie qui s'appuie sur l'héritage soufi des grandes zaouïas (Tijaniya, Qadiriyya, Boutchichiyya, etc.) pour promouvoir un islam tolérant et modéré. Sous l'égide de SM le Roi Mohammed VI, Amir Al-Mouminine, elle se traduit par la formation d'imams africains à Rabat et la consolidation de réseaux religieux historiques. Elle vise à contrer l'extrémisme en renforçant les liens spirituels, culturels et sociaux entre le Maroc et les pays africains. Cette stratégie confère au Royaume un rôle d'autorité morale et un leadership religieux reconnu sur le continent. b) le rôle du Maroc dans le dialogue interreligieux. Qu'il me suffise de vous rappeler ici la visite apostolique historique au Maroc du Pape François en mars 2019, dont les objectifs principaux étaient l'instauration d'un dialogue interreligieux et interculturel, soutien à la communauté catholique au Maroc, rencontre avec la société civile marocaine. Bref, la coexistence pacifique entre les religions. Monsieur Le Monde, Des cinq niveaux de la diplomatie marocaine que nous venons de passer en revue, le Maroc opère sagement une diversification diplomatique savante. C'est-à-dire des relations pragmatiques renforcées avec des pôles géopolitiques, dans le cadre d'un équilibre multipolaire rationnel, couronnées par la signature d'accords et de conventions de partenariats stratégiques, hautement scellées par des visites royales officielles ou de travail : avec l'Inde (octobre 2015) les relations sont renforcées autour des engrais, de la formation et des technologies. Avec la Russie (mars 2016), le partenariat stratégique met l'accent sur l'énergie, la pêche et la sécurité. Avec la Chine (mai 2016), le Maroc a établi un partenariat stratégique global, marqué par la coopération économique, les infrastructures et la « Belt and Road Initiative ». Avec le Japon, la coopération repose sur l'investissement industriel, l'automobile et l'aide au développement, consolidant le Maroc comme passerelle Afrique–Asie. A la lumière de ce qui précède, le Maroc n'est pas un spectateur mais un moteur de l'intégration africaine, soutenu par une diplomatie proactive, visionnaire et pragmatique. Il n'est pas assis sur les gradins pour applaudir ou critiquer le torero dans la corrida. Acteur géopolitique respecté et puissance régionale émergente, il est lui-même matador en affrontant le taureau par les cornes. Ne voyez-vous pas dans le royaume une puissance d'équilibre dans une région instable ? Car son rôle ne se réduit pas à défendre ses intérêts. Il agit comme pôle de stabilité dans une région minée par les crises. Vous le savez. En Afrique de l'Ouest et au Sahel, la coopération sécuritaire marocaine est reconnue pour son efficacité. Dans le monde arabe, Rabat s'est souvent positionné comme médiateur — que ce soit sur la Libye, le conflit israélo-palestinien ou encore les tensions intra-golfe. Cette capacité d'arbitrage vient du fait que le Maroc n'est inféodé à aucun bloc, mais qu'il jouit d'une crédibilité héritée de son indépendance et de son islam du juste milieu. Par conséquent, votre gêne, Monsieur Le Monde, est évidente : Vous auriez préféré un Maroc aligné, dépendant, incapable d'exister hors du giron français. Or, c'est tout le contraire qui s'est produit. En diversifiant ses alliances, le Maroc a réduit la centralité de Paris dans sa politique étrangère. C'est un académicien qui vous le dit. Je ne suis ni diplomate ni politicien. J'interroge les sources les données crédibles, les sources internationales officielles et les études de références. En s'imposant en Afrique comme investisseur numéro un, il a court-circuité des positions françaises en perte de vitesse. En consolidant son partenariat stratégique avec Washington, il a rendu obsolète la vieille idée d'un Maghreb sous tutelle diplomatique européenne. Autrement dit, si certains de vos confrères dénigrent la diplomatie marocaine, ce n'est pas parce qu'elle serait faible, mais au contraire parce qu'elle est forte, autonome et respectée. Cette autonomie diplomatique marocaine n'est pas un slogan. Elle est jouit d'une reconnaissance internationale indéniable. En voulez-vous quelques indices. Quelques indices seulement ? Outre la question du Sahara que je vous ai expliquée d'entrée de jeu notamment au niveau du Conseil de sécurité, l'Union Africaine a intégré le Maroc comme acteur central dans ses projets structurants. L'Union européenne et les Etats-Unis considèrent le Maroc comme un partenaire stratégique et non comme un simple allié circonstanciel. Pour conclure, Monsieur Le Monde, votre analyse occulte un fait majeur : le Maroc n'est pas un Etat client, mais un Etat partenaire. Ce n'est pas une diplomatie de succursale, mais une diplomatie de projection et d'équilibre. Et c'est précisément cette autonomie souveraine et révolutionnaire de la diplomatie marocaine – rare dans le monde arabe et en Afrique – qui explique vos critiques récurrentes, nostalgiques d'une époque révolue. *Politologue, Historien