Le Maroc a choisi la tribune des Nations unies pour rappeler son rôle singulier dans la gouvernance migratoire. À l'occasion d'un dialogue de haut niveau organisé en marge de la 80e Assemblée générale de l'ONU, le ministre des affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, M. Nasser Bourita, a défendu lundi à New York une stratégie nationale qu'il présente comme « cohérente et globale ». Sous la Haute Orientation du de S.M. le Roi Mohammed VI, désigné par l'Union africaine « Leader africain sur la question migratoire », le Royaume se positionne à la fois comme pays d'origine, de transit et de destination. L'intervention du chef de la diplomatie s'est inscrite dans un contexte où les chiffres soulignent l'ampleur du phénomène migratoire à l'échelle mondiale et africaine. Selon les Nations unies, près de 281 millions de personnes vivaient en 2020 hors de leur pays d'origine, soit 3,6 % de la population mondiale. Sur le continent africain, la dynamique est encore plus frappante : le nombre de travailleurs migrants est passé de 9,5 millions en 2010 à 14,5 millions en 2019, traduisant une croissance annuelle de 4,8 %. Les flux intra-africains se sont eux aussi intensifiés, avec environ 21 millions de personnes vivant dans un autre pays du continent en 2020, soit trois millions de plus qu'en 2015. Dans ce cadre, M. Nasser Bourita a mis en avant les initiatives portées par le Maroc, citant notamment l'Agenda africain sur les migrations adopté comme cadre de référence continental, ainsi que l'Observatoire africain des migrations, installé à Rabat, qui collecte et analyse des données pour éclairer les politiques publiques. Le ministre a également rappelé l'implication du Royaume dans le Pacte mondial pour les migrations, adopté à Marrakech en 2018, et dans le partenariat structurant avec l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Le Maroc cherche ainsi à illustrer par l'exemple une approche pragmatique, en soulignant les résultats obtenus dans le cadre de la coopération bilatérale. Le partenariat maroco-espagnol a été présenté comme un modèle efficace de gestion concertée des flux migratoires, combinant contrôle des frontières, lutte contre les réseaux criminels et ouverture de voies de migration légale. Selon le Maroc, cette démarche reflète la nécessité de dépasser les discours pour privilégier des solutions concrètes et équilibrées. Lire aussi : AG de l'ONU : Ouverture du débat général à New York avec la participation du Maroc Toutefois, la gouvernance migratoire reste marquée par des contradictions profondes. Comme l'a relevé le ministre, le sujet est trop souvent « surpolitisé et réduit à des slogans », ce qui freine une gestion sereine et concertée. Le système multilatéral, malgré son mandat ambitieux, demeure fragilisé par le manque de ressources, tandis que le suivi du Pacte mondial risque de se limiter à un exercice procédural, loin des attentes de terrain. Les données récentes sur le Maroc confirment par ailleurs les défis auxquels le pays est confronté. Selon l'Enquête nationale sur la migration, les migrants présents sur le territoire se répartissent à 59,3 % d'hommes et 40,7 % de femmes en 2021, avec une part croissante de jeunes. Le nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile a atteint environ 20 000 personnes, doublant en deux ans seulement. Ces tendances mettent en évidence la nécessité de politiques inclusives, capables de répondre à des situations de grande vulnérabilité, qu'il s'agisse de mineurs non accompagnés ou de personnes en situation irrégulière. Face à cette réalité, le Royaume plaide pour une gouvernance crédible et efficace reposant sur trois piliers : des observatoires interconnectés permettant un meilleur partage de données, la valorisation des expériences réussies à l'échelle nationale ou régionale, et une mobilisation accrue des ressources financières. L'objectif affiché est de transformer la migration en un levier de solidarité et de prospérité partagée, plutôt qu'en facteur de division. À moyen terme, plusieurs défis demeurent. La progression des migrations de main-d'œuvre en Afrique mettra inévitablement sous tension les structures d'accueil et les capacités administratives des Etats. Les déplacements liés au changement climatique, déjà identifiés comme une source croissante de migration, exigeront une anticipation renforcée. Enfin, la crédibilité des engagements internationaux dépendra de la capacité des pays à ouvrir davantage de voies de migration légale et sécurisée, tout en protégeant les droits fondamentaux des migrants.