Face à la multiplication des intrusions de conseillers communaux dans le travail des fonctionnaires, le ministère de l'Intérieur a lancé une offensive discrète mais ferme. L'administration centrale exige désormais des walis et gouverneurs qu'ils mettent un terme à des pratiques jugées illégales et perturbatrices du service public. Les remous qui agitent plusieurs communes du Royaume depuis des mois n'auront finalement pas été ignorés par la tutelle. Selon des sources bien informées de Hespress, la Direction générale des collectivités territoriales (DGCT) a adressé des instructions strictes aux représentants de l'Etat dans les régions et provinces pour « rétablir l'ordre administratif » et désamorcer les conflits provoqués par certains élus s'immisçant dans les prérogatives des fonctionnaires. Ces directives surviennent après une série de rapports et de plaintes décrivant un climat de tension dans plusieurs services communaux, notamment ceux liés aux licences commerciales, à l'urbanisme ou aux taxes locales. Dans certains cas, des conseillers, majorité et opposition confondues, se rendent quasi quotidiennement dans les bureaux communaux, tentant d'influer sur des décisions administratives ou de hâter des dossiers d'administrés de leurs circonscriptions. Une pratique contraire à l'article 66 de la loi organique 113.14, qui cantonne les élus à un rôle délibératif et non exécutif. De plus, des fonctionnaires, sous pression, ont dénoncé également des déplacements répétés d'élus entre annexes et sièges communaux pour régler des dossiers « par procuration », en violation des règles de confidentialité et de présence personnelle des usagers. Alertées par ces dérapages, les autorités provinciales ont reçu pour consigne de prendre la situation en main. Des chefs de cercle et pachas ont été mandatés pour organiser des séances d'écoute et de médiation entre fonctionnaires et élus. Un cas a particulièrement retenu l'attention, celui d'un chef de service de la commune de Deroua (province de Berrechid) qui, pour avoir appliqué la procédure sans accorder un traitement de faveur à un conseiller, s'est vu infliger insultes et pressions. Le pacha est alors intervenu pour apaiser la situation et rappeler le cadre légal. D'après nos informations, des situations similaires ont émergé dans plusieurs collectivités de la région Casablanca-Settat, notamment à Médiouna, Nouaceur et Mohammedia. La DGCT suit désormais ces incidents de près. En outre, certains dossiers ont pris une tournure judiciaire. Des fonctionnaires victimes d'agressions verbales ou physiques ont déposé plainte pour insultes, menaces, coups et blessures. D'autres ont demandé à leurs supérieurs d'alerter officiellement les présidents de communes, ou se sont directement adressés aux gouverneurs afin d'obtenir une protection institutionnelle contre ce qu'ils qualifient d' « ingérence systématique ». Pour la tutelle, ces pratiques constituent une violation explicite des règles encadrant la gouvernance locale. L'article 66 de la loi organique est sans ambiguïté, seul le président du conseil communal, et ses vice-présidents, exercent des attributions administratives. Les autres élus n'ont aucun droit d'intervenir dans les décisions ou dans la gestion quotidienne des services.