Le Maroc mobilise son arsenal juridique pour contrer une criminalité numérique qui cible massivement les enfants et qui a pris, ces dernières années, une ampleur telle que les outils juridiques traditionnels ne suffisaient plus à la contenir. L'entrée en vigueur, le 8 décembre 2025, du nouveau Code de procédure pénale et l'élargissement des prérogatives d'enquête prévues par l'article 108 s'inscrivent désormais dans une démarche nationale qui place la protection des mineurs au cœur des priorités publiques. La montée rapide des infractions commises dans l'espace numérique a poussé les autorités marocaines à opérer une révision profonde de leurs mécanismes d'enquête. Le nouveau dispositif législatif permet désormais l'utilisation encadrée de l'interception et de la captation des communications électroniques lorsque les investigations l'exigent. Les services compétents peuvent ainsi solliciter l'autorisation de surveiller des échanges téléphoniques ou numériques, qu'il s'agisse de conversations sur les applications de messagerie, de plateformes sociales ou de systèmes de communication modernes. Selon des experts, cette faculté renforcée répond à un besoin devenu urgent dans la lutte contre des crimes opérés dans un environnement digital où la rapidité d'exécution et la disparition immédiate des traces compliquent les procédures classiques. Le texte élargit en particulier les pouvoirs du procureur général du Roi. Celui-ci peut demander au premier président de la Cour d'appel l'autorisation d'intercepter des communications dans les affaires les plus graves liées à la sûreté de l'Etat, au terrorisme, aux réseaux criminels, aux homicides, aux enlèvements, au trafic de stupéfiants, aux armes, au blanchiment, à la corruption et à l'ensemble des infractions cybernétiques. Les crimes de traite humaine, d'exploitation sexuelle des enfants, de diffusion de contenus visant les mineurs, ainsi que les infractions électorales font également partie du périmètre d'application élargi. En situation d'urgence, lorsque le risque de disparition rapide des preuves est avéré, le procureur général du Roi peut ordonner lui-même l'interception immédiate pour préserver les éléments indispensables à la procédure judiciaire. Ce tournant juridique intervient au moment où la criminalité numérique visant les enfants s'intensifie au Maroc. En effet, les données nationales et internationales montrent que les mineurs sont de plus en plus exposés à un environnement digital qui leur offre de vastes possibilités, mais qui les rend également vulnérables à des formes de prédation d'une ampleur inédite. Lire aussi : L'émergence d'un titan numérique : CDG Invest et Helios ancrent la souveraineté digitale du Maroc Fléau des cyberattaques ciblant les enfants Les chiffres les plus récents du Conseil économique, social et environnemental (CESE) présenté le 30 janvier 2025, indiquent que près de la totalité des mineurs (97%) utilisent aujourd'hui les réseaux sociaux, avec une augmentation continue des connexions et une présence massive sur les plateformes numériques. Au Maroc, une enquête menée par Kaspersky en 2022 auprès des parents, révèle que les enfants disposent majoritairement d'un smartphone personnel, tandis que l'immense majorité des familles n'utilise pas d'outils de contrôle ou de filtrage. Le phénomène le plus préoccupant concerne l'exploitation sexuelle en ligne. Les prédateurs utilisent des techniques sophistiquées destinées à tromper les mineurs pour obtenir leur confiance. Selon des experts, le grooming s'installe progressivement dans les interactions numériques et s'appuie sur des procédés psychologiques permettant de manipuler les enfants. Les jeux en ligne sont devenus des espaces particulièrement exposés. Des profils usurpés et de faux comptes permettent à des individus mal intentionnés d'entrer en contact avec des mineurs pour ensuite les pousser vers l'échange de contenus compromettants. Les études disponibles montrent que beaucoup d'enfants partagent leurs données personnelles avec des inconnus sans connaître les risques de ces pratiques. Une proportion importante ne maîtrise pas les paramètres de confidentialité, ce qui ouvre la voie à l'usurpation d'identité et à la fraude numérique. Les plateformes en ligne exposent aussi les mineurs à du contenu dangereux lié à l'automutilation, à la violence ou à des images inappropriées. Ces phénomènes génèrent des conséquences profondes sur le bien-être mental et social des jeunes. Face à ces menaces, le Maroc renforce son cadre institutionnel. Des initiatives telles que la plateforme de signalement nationale, les actions du Centre marocain de recherches polytechniques et les campagnes de prévention menées sur tout le territoire montrent une volonté claire d'agir. En renforçant l'article 108 et en adaptant son arsenal législatif, le Maroc confirme sa détermination à protéger ses enfants contre une criminalité numérique en pleine expansion. Cette évolution juridique s'inscrit dans une vision globale qui vise à garantir la sécurité des mineurs dans un espace numérique où la vigilance, la régulation et la coopération institutionnelle constituent aujourd'hui des impératifs nationaux.