Entre héritage ancestral et exigences scientifiques, la médecine traditionnelle trouve une nouvelle reconnaissance internationale, un équilibre que le Maroc cherche à consolider. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a réuni, mercredi 17 décembre 2025 à New Delhi, plus de cent pays pour le deuxième Sommet mondial consacré à la médecine traditionnelle. Cette rencontre d'envergure internationale a réuni experts médicaux, chercheurs et responsables politiques afin de définir un cadre permettant de concilier héritage ancestral et exigences scientifiques contemporaines. La question centrale reste la place des pratiques traditionnelles dans les systèmes de santé modernes et leur sécurité pour les patients. « Le recours aux remèdes traditionnels est une réalité planétaire », a rappelé Shyama Kuruvilla, responsable au sein de l'OMS, soulignant que « entre 40 et 90 % des habitants de 90 % des Etats membres y ont recours ». Pour l'organisation, il s'agit désormais de dépasser l'opposition entre médecine moderne et médecine traditionnelle afin de garantir une intégration équitable et fondée sur des preuves. L'OMS a ainsi annoncé la création du plus grand répertoire numérique mondial de recherches sur la médecine traditionnelle, réunissant 1,6 million de références scientifiques. Ce projet vise à renforcer la recherche, à évaluer l'efficacité réelle de certaines pratiques et à en garantir la sécurité. Les discussions ont également porté sur le potentiel de la médecine traditionnelle pour améliorer l'accès aux soins, notamment dans les pays où les infrastructures médicales demeurent limitées. Mais l'OMS a insisté sur la nécessité de lutter contre les traitements non contrôlés, dont certaines vertus ne sont pas scientifiquement établies et peuvent représenter un risque pour la santé publique. Les organisations environnementales ont également alerté sur la demande croissante de certains produits traditionnels, accusée d'alimenter le trafic d'espèces menacées. Lire aussi : Province d'Al Haouz : une femme transférée en urgence par hélicoptère de la Gendarmerie Royale La médecine traditionnelle reste un pilier culturel et sanitaire au Maroc Au Maroc, la médecine traditionnelle, souvent appelée Tibb Al-Aâchab ou Tibb Al-Baldi, reste profondément ancrée dans la culture et le système de soins. Elle repose sur un mélange de savoirs berbères, de médecine arabo-islamique et d'influences andalouses. Malgré l'expansion du système de santé moderne, 75 à 80 % de la population utilise régulièrement les plantes médicinales et autres thérapies traditionnelles, que ce soit pour des affections bénignes ou des maladies chroniques, selon Pan African Medical Journal. L'accessibilité, le coût et la proximité géographique avec les herboristes en font un recours majeur, notamment en milieu rural. Le Maroc dispose d'une biodiversité exceptionnelle avec plus de 4 200 espèces végétales, dont 600 plantes médicinales, selon le portail agricole fellah-trade. Parmi elles, l'arganier, le safran, la nigelle et le thym occupent une place centrale dans les pratiques phytothérapeutiques. D'autres méthodes, comme la hijama ou le hammam thérapeutique, complètent ces soins traditionnels, tandis que la diététique joue un rôle essentiel, conformément à l'adage « ton aliment est ton premier remède ». Cependant, la médecine traditionnelle n'est pas exempte de risques. Les intoxications, interactions médicamenteuses et erreurs de dosage demeurent des problématiques récurrentes. Selon le Centre antipoison du Maroc, certaines plantes comme le chardon à glu ou le ricin ont provoqué des intoxications graves, parfois mortelles. Les experts insistent sur le fait que « naturel » ne signifie pas « inoffensif » et rappellent l'importance d'un encadrement scientifique et réglementaire strict. Les autorités marocaines ont amorcé un travail de régulation à travers l'Agence Nationale des Plantes Médicinales et Aromatiques, favorisant la recherche, la formation des praticiens et la sécurité des produits. Des initiatives d'intégration de l'intelligence artificielle visent également à cartographier les savoirs ancestraux et à détecter les interactions toxiques potentielles. Les spécialistes soulignent que l'utilisation de ces pratiques devrait compléter, et non remplacer, la médecine moderne, surtout pour les maladies graves. Le sommet de New Delhi et les efforts marocains convergent vers une même ambition : reconnaître et valoriser un patrimoine millénaire tout en assurant la sécurité et l'efficacité des soins. L'avenir de la médecine traditionnelle au Maroc dépendra de la capacité des institutions à articuler tradition, science et innovation technologique pour répondre aux besoins de la population dans un cadre sûr et moderne.