Conflit. Depuis le 13 avril 2010, le bras de fer est amorcé entre les mineurs marocains des ex-Houillères du Nord et l'Agence nationale de Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM), à Noyelles-Sous-Lens. Les travailleurs du charbon exigent leurs droits. Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. Tout a débuté quand d'anciens mineurs marocains ont occupé les locaux de l'Agence nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM) de Noyelles-sous-Lens pour exiger les avantages de logement et de chauffage auxquels ont droit les anciens mineurs français. Jusqu'à la fin des années 80, ces derniers ont travaillé dans les mines de charbon du nord du pays. Mais, au contraire des mineurs français, ils n'ont pas été autorisés à convertir en capital les avantages en nature que les employés des mines percevaient à vie, à savoir notamment la gratuité du logement. Aujourd'hui, ils se retrouvent avec des retraites minuscules qui ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches. Pire encore, après plusieurs années passées dans le noir des houillères de France, les mineurs marocains sont, pour la plupart, menacés d'expulsion, et vivent d'une pension misérable. Gain de cause symbolique Déjà en mars 2010, les prud'hommes de Douai ont condamné les ex-Houillères du Nord-Pas-de-Calais pour discrimination à l'encontre de dix anciens mineurs marocains à qui elles refusaient les mêmes avantages qu'aux “gueules noires” français. Déjà mise en demeure en 2008 par la Haute autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (Halde), l'ANGDM, qui gère les droits et les retraites des mineurs, a été condamnée à verser 40.000 euros à chacun des demandeurs. «Le jugement est symbolique, il nous rend une partie de notre dignité», explique Abdellah Samate, président de l'Association des mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais (AMMN), fondée en 1989. «Ils sont venus nous chercher pour travailler dans les mines mais ils nous ont toujours mis à part. On n'a jamais été considérés comme les autres mineurs», ajoute M. Samate. Après la fermeture des derniers puits dans les années 1980, les travailleurs marocains avaient fait valoir, en vain, leur droit à convertir en capital les avantages en nature que les mineurs perçoivent à vie comme la gratuité du logement et du chauffage, une procédure qui a permis aux mineurs retraités français et européens d'acquérir le logement qu'ils occupaient. Plus d'un millier de mineurs maghrébins, essentiellement marocains, sont concernés. L'ANGDM, créée en 2004, est chargée d'honorer les obligations sociales des anciennes sociétés d'exploitation minière envers leurs salariés retraités, dont celles des Houillères du Nord-Pas-de-Calais et de Charbonnages de France. Elle regroupe aujourd'hui près de 200.000 ayant-droits. Ségrégation et discrimination On comprend aisément le combat des mineurs marocains qui ont payé de leur santé dans les puits de charbon en France. Malades, vieux à quarante ans, leur vie est un sacrifice pour leurs proches. Par contre, l'attitude du gouvernement français, qui a engagé les charbonniers marocains, est pour le moins condamnable. Quand ils étaient en activité, le statut de mineur des Marocains leur conférait logement et chauffage gratuit. Passés à la retraite, leurs collègues des mines, Français, ou ressortissants européens, ont gardé ce droit. Certains ont même pu convertir ces avantages en nature, et se sont vu offrir un capital qui leur a permis de racheter leur logement. Mais pas les mineurs marocains. Pourquoi? si ce n'est pas du racisme, ça y ressemble. Mais cette politique du deux poids, deux mesures est refusée par les mineurs marocains. C'est donc pour protester contre cette injustice et tant d'autres, que ces anciens “gueules noires” occupent les devants de la scène en France et soulèvent un véritable tollé, relayé par la télévision, les journaux et soutenu par de grandes personnalités politiques et de nombreuses associations comme l'Association des mineurs et anciens mineurs du nord (AMMN), l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), l'Association Immigration et Droits des Migrants (IDM), la Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés (FASTI) ou encore l'Association Droit au logement (DAL). Pour l'histoire Il faut savoir que les mineurs marocains représentent la dernière grande vague importante d'immigration venus extraire le charbon dans les années 60 et 70 dans le Nord Pas de Calais. A cette époque, Les Houillères savent qu'il ne reste plus qu'une dizaine d'années à extraire le charbon et chargent à ce titre Félix Mora de recruter de la main d'oeuvre. Pour ce faire, Félix Mora se rend dans les campagnes marocaines à la recherche d'ouvriers avec comme attributions: du muscle, une bonne santé, être analphabète et, surtout, ne pas maîtriser la langue française. En 1985, l'idée de la fermeture des Charbonnages se concrétise par la signature, entre l'ambassade du Maroc et les Houillères, d'un protocole d'accord, portant principalement sur l'aide au retour. En septembre 1987, les premières lettres annonçant la fermeture des mines en fin d'année tombent. Les mineurs bloquent les puits et entament une grève qui durera deux mois, d'octobre à novembre. Manifestations, occupations, meetings: deux mois de grève sans l'appui de leurs collègues français et avec le seul soutien de l'appareil syndical de la CGT. Manipulations en chaîne Une fois de plus, les mineurs résistent malgré les menaces et les convocations au consulat. Les Charbonnages sont contraints de renégocier. Un protocole d'accord est signé, le 1er décembre 1987, entre les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC) et le syndicat des mineurs CGT. Les salariés gagnent le droit de choisir librement entre le retour au pays ou la réinsertion en France. Les Houillères ont financé pendant deux ans les entreprises qui acceptaient d'engager les mineurs à la fermeture des Mines. Concernant les mineurs marocains, la plupart on été orientés hors région et vers les tâches les plus pénibles comme le métro, le tunnel sous la Manche et le bâtiment. Dans ce bras de fer, les Houillères ont profité de cette population fragile pour les forcer à signer l'abandon de leurs droits à vie: les avantages en nature. La plupart des mineurs ont cru signer une prime de licenciement alors qu'il s'agissait tout bonnement de l'abandon de leurs droits aux avantages en nature, le logement et le chauffage gratuit à vie.