Le président de la Cour des Comptes Driss Jettou présentait ce mercredi 4 mai le bilan 2014 établi par son institution. Il a essentiellement mis en garde contre l'augmentation inquiétante à ses yeux de l'endettement public, à travers toutes ses composantes. Jettou a également évoqué la question aussi épineuse que cruciale de la réforme des retraites, entre autres sujets d'importance et qui grèvent la bonne marche du pays. L'endettement L'ancien premier ministre de 2002 à 2007 a expliqué que pour l'année 2015, cet endettement a représenté 81,3% du PIB, soit 807 milliards de DH alors qu'en 2014, il était à « seulement » 743 milliards DH. La plus grande partie de cette dette est intérieure, sur le Trésor. Elle a significativement cru en 2014 et 2015, passant de 584,2 à 626,6 milliards, soit dans une proportion de plus de 63% par rapport au PIB. Driss Jettou a donc tout à fait raison de tirer la sonnette d'alarme. Les retraites Driss Jettou a expliqué aux parlementaires que le retard de réforme des régimes de retraite depuis 2007 (sa sortie du gouvernement…) a donné la crise actuelle, qui ne saurait d'ailleurs être résorbée par la seule réforme paramétrique que propose le gouvernement, et que les syndicats refusent. Pour le président de la Cour des Comptes, le train de réformes soumises au parlement par le gouvernement Benkirane n'évitera pas un épuisement des réserves dès 2028, soit dans 8 ans. Donnant des chiffres sur la faiblesse de la réforme de la seule Caisse marocaine des retraites, Driss Jettou a affirmé que si le déficit de 6,8 milliards de DH baissera grâce aux mesures proposés à 3,2 milliards de 2017, il remontera à 4,1 milliards dès 2020 et poursuivra sa hausse régulière jusqu'à épuisement total des réserves à l'horizon 2028. Pourquoi ? Parce que la démographie change, la population vieillit et le niveau actuel du remplacement des générations aboutit à un taux de 2,5 cotisants par retraité. De plus, il y a également le problème des retraites anticipées. Si, explique Jettou, 30.000 personnes en age de faire valoir leurs droits à la retraite le font maintenant, les réserves seront épuisées en 2024, et non en 2028. De quoi faire réfléchir le gouvernement sur la qualité profonde de sa réforme et les syndicats sur leur refus systématique des solutions proposées… Entreprises publiques en difficulté en raison des retards de paiements de l'Etat L'ancien premier ministre a compté que les 250 entreprises publiques de toutes natures que compte le Maroc totalisent un endettement de 245,8 milliards de DH, soit 25% du PIB, et en croissance de 64,4% entre 2010 et 2015. Et au niveau du retard de paiement de la TVA, ces mêmes entreprises publiques enregistrent un montant de plus de 25 milliards de DH à fin 2015, contre 8,7 milliards en 2010. Les entreprises les plus concernées sont l'OCP, ADM, l'ONEE, l'ONCF et la RAM. Le président de la Cour des comptes a rappelé que le non traitement de ces dettes impactera la capacité de ces entreprises à faire face à leurs engagements financiers.
Le point positif relevé par Jettou est toutefois la possibilité pour l'ONEE et l'ONCF de contracter des crédits bancaires afin de faire face à une partie des dettes vis-à-vis de leurs partenaires. Par ailleurs, pour réduire l'endettement de l'ONCF, il a recommandé l'application d'une TVA de 20% sur les voyages par train, une décision figurant dans la loi de Finances 2016, mais rejetée par les usagers. Une masse salariale publique inquiétante Driss Jettou a également abordé la question des effectifs de la fonction publique, passés en 2015 à 585.500 pour les seuls secteurs de l'Education nationale, l'Intérieur, la Santé, la Justice et les Finances. Pour le président de la Cour des Comptes, il y a sureffectif dans les académies, 7.683 personnes, et dans les 63 délégations de l'enseignement, avec 2.364 fonctionnaires. En 2015, la masse salariale publique s'est donc, en toute logique, élevée à 102,7 milliards de DH, en augmentation de 47% par rapport à 2008, avec une augmentation des effectifs de 8,5% .