Un congrès sera organisé le 18 novembre à Rabat, réunissant les minorités religieuses. Les organisateurs ne prétendent aucunement être pionniers dans le domaine, mais ils estiment que ceux qui les ont précédés limitaient leurs débats dans des cénacles fermés, alors qu'eux le feront publiquement. Le congrès, organisé par le Comité marocain des minorités, se donne comme objectif de sortir de cette tradition de discrétion, pour s'ouvrir sur la société et sur l'opinion publique. Pour ce faire, les organisateurs ont adressé des invitations aux médias nationaux et internationaux. Mais la question qui se pose est de savoir s'il existe au Maroc assez de minorités religieuses pour organiser un congrès sur leurs cas… Réponse du président du Comité Jawad el Hamidi : « Le Maroc abrite un grand nombre de minorités religieuses, comme les Bahaïs, les chrétiens, les chiites, ou encore les ahmadis », précisant que les chiffres précis des effectifs des Marocains non musulmans ne sont pas disponibles. « Ils sont des milliers », ajoute M. el Hamidi, rappelant les statistiques, anciennes à ses yeux, du Département d'Etat américain sur le nombre des chrétiens au Maroc, que la diplomatie US estime à quelques 150.000 individus. Dans un entretien passé avec notre confrère Mowatine.com, un Marocain chrétien avait affirmé qu' « il n'existe pas de statistiques fiables, et personne ne peut avancer de chiffres précis sur les effectifs de chrétiens marocains...et cela est dû au fait que mes coreligionnaires craignent la réaction de la société, de leur famille et de leurs collègues au travail ». Pour Jawad el Hamidi, la situation des minorités religieuses au Maroc est rude, et c'est la raison pour laquelle cette rencontre est organisée dans le royaume qui, bien qu'il assure la sécurité aux adeptes d'autres croyances, comparativement à d'autres Etats connaissant des conflits et heurts confessionnels, la question de la reconnaissance y reste posée, afin de permettre à tous de coexister. Les organisateurs de ce congrès à venir pensent que les minorités sont marginalisées et endurent des existences difficiles, car non reconnues. Et Jawad el Hamidi d'apporter l'exemple de cette soirée que devaient organiser dernièrement des bahaïs à Meknès pour célébrer leur fondateur Bahaeddine, sauf qu'au dernier moment, le propriétaire de la salle où ils devaient se rencontrer les a avisés qu'ils ne pouvaient venir du fait que le ministère de l'Intérieur lui avait signifié l'interdiction de la rencontre. Et le même de signaler cette appréhension qui entourent les chiites marocains, accusés d'alignement sur l'Iran alors même que cette accusation n'est rien d'autre que de la politique. Pour M. el Hamidi, les chrétiens ne vivent pas mieux que les bahaïs car ils ont tenté d'obtenir des droits tels que les leur dicte leur religion, et ils ont même écrit aux autorités concernées pour se plaindre des tracas que leur font subir les autorités. Les chrétiens marocains ont adressé une lettre au chef du gouvernement et au président du Conseil national des droits de l'Homme, leur demandant de pouvoir disposer de lieux de culte à eux dédiés, de même que des cimetières consacrés, que leurs mariages deviennent civils, avec la possibilité de célébrer des messes religieuses de noces pour ceux qui le voudraient, qu'ils puissent donner des prénoms chrétiens à leurs progénitures et que l'éducation islamique dans les écoles soit facultative pour leurs enfants. Les chrétiens récusent toute accusation de prosélytisme, qu'ils distinguent, eux, de l'évangélisme. En effet, disait ce Marocain chrétien à Mowatine, « il faut distinguer l'évangélisation et le prosélytisme. L'évangélisation est le fait de porter une bonne nouvelle à quelqu'un, et cette bonne nouvelle n'a pas particulièrement besoin d'être dite, car il suffit de se comporter d'une manière morale et d'avoir de bonnes mœurs et valeurs. Et sur ce plan de la morale et de la vertu, cela ne concerne bien évidemment pas que les chrétiens, mais les adeptes des autres religions aussi. L'évangélisation ne conduit pas nécessairement à changer sa religion. Nous ne faisons par ailleurs aucun prosélytisme, et il est très important de distinguer les deux concepts ». Bien que l'Etat ne reconnaisse pas les minorités religieuses, Jawad el Hamidi estime que rien ne les empêche, objectivement, de célébrer leurs cultes dans le royaume. En effet, argumente-t-il, la constitution garantit le libre culte et le code pénal ne réprime pas le fait d'embrasser une autre religion que l'islam. C'est là que réside la dimension juridique et l'approche légale de la question. Et c'est donc lors de ce congrès du 18 novembre que tout cela sera discuté, sous le thème « la liberté de conscience et de culte entre la reconnaissance et la tolérance », un congrès à large portée intellectuelle car il y verra la présence de théologiens et autres penseurs spécialisés dans la question des minorités religieuses, qui défendront l'idée que « la dimension sécuritaire » ne saurait de toutes les façons pas occulter l'existence de minorités religieuses dans le royaume. Mustapha Azougah (Mowatine.com)