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PCNS: Le Paradoxe de la croissance africaine
Publié dans PanoraPost le 09 - 07 - 2021

Les quinze dernières années de croissance économique impressionnante en Afrique étaient témoins d'une situation paradoxale dans le sens où cette croissance n'a pas été accompagnée par une réduction conséquente des taux de chômage. Une revue non exhaustive des problèmes propres au marché du travail en Afrique Subsaharienne a permis d'alerter sur cinq maux qui inquiètent. Il s'agit de la nécessité de développer et de promouvoir de nouveaux moteurs de croissance afin de remédier à l'incidence de la structure de production et de l'importance des secteurs reposant sur les matières premières sur le marché du travail.
De même, le monitoring des changements et des prolongements au niveau de la demande du travail a apporté des éléments de réplique dont le point de convergence est l'inadéquation entre offre et demande d'emploi.
Egalement, l'encouragement des pratiques favorables à l'efficience des marchés du travail, notamment au niveau de l'embauche et du licenciement. Enfin, nous rappelons l'importance de penser des scénarios d'incorporation du secteur informel.
Pendant environ deux décennies, l'Afrique, surtout subsaharienne (ASS), a connu des rythmes de croissance qu'elle n'en avait plus connus depuis le milieu des années 1970. Comparée à d'autres régions et/ou blocs régionaux, cette croissance économique moyenne d'environ 4,1% par an entre 2000 à 2015 (4,7 entre 2000 et 2018) n'était surperformée que par celles observées en Asie (7,2% en Asie de l'Est et 5,7% en Asie du Sud-Est).
Aussi, le continent a témoigné d'une croissance solide en dépit des bouleversements et des décadences qui ont touché plusieurs économies et régions économiques au cours de cette dernière décennie. Et malgré sa décélération dans la région à partir de 2015, à cause de la baisse généralisée des prix des commodités et des épidémies qui ont envahi une bonne partie de la région, la croissance est restée positive. En fait, le taux de croissance de l'ASS, prise dans son ensemble, qui a été de 3,4% en 2015, est tombé pour se situer autour de 1,4% en 2016, le taux le plus bas en une quinzaine d'années, avant d'enregistrer un rebond à 2,9% en 2017 et continuer de s'améliorer en 2018 pour atteindre 3%.
Cette reprise de la croissance devrait se confirmer en 2019 et 2020 alors que les analystes tablent sur un taux de croissance d'environ 3,5% et 3,7%, respectivement (selon les statistiques du Fonds monétaire international).
Figure 1 : Comparaison de la croissance du PIB en Afrique avec d'autres régions (en %)
Or, le paradoxe de ces quinze dernières années de croissance économique en Afrique est qu'elle n'a pas été accompagnée par des créations conséquentes d'emplois, notamment décents. Ceci s'est traduit par une faible réactivité des taux de chômage à la croissance, comme illustré par les figures ci-dessous. Le coefficient d'Okun, communément utilisé pour mesurer l'ajustement du chômage à la croissance, n'est que de - 0,18 en Afrique, signifiant qu'une augmentation de la croissance économique de 1 point de pourcentage entraînerait une baisse du taux de chômage de 0,18 point en Afrique. De plus, le coefficient peine à expliquer l'essentiel des variations des taux de chômage en Afrique, et reste largement inférieur à celui enregistré dans la plupart des pays d'Europe et d'Amérique du Nord.
Figure 3 : Coefficients d'Okun pour les pays en développement
Figure 4 : Coefficients d'Okun pour les pays développés
Ce dernier constat est d'autant plus défiant si l'on prend en compte la taille actuelle de la population en âge de travailler ainsi que la pression démographique future sur les marchés du travail en Afrique subsaharienne. En effet, l'ASS a compté, en 2015, plus de 518 millions de personnes en âge de travail dont 190 millions jeunes âgés entre 15 et 24, et 374 millions qui cherchent activement du travail, soit un taux d'activité d'environ 70%.
Avec de tels chiffres, l'ASS a compté pour 10,7% de la population mondiale en âge de travailler en 2015. Cette part devrait croitre dans les quinze prochaines années pour atteindre 14,6% en 2030, selon les Nations unies. Il s'agit d'une croissance que nous irons constater aussi bien au niveau des parts qu'au niveau absolu. En d'autres termes, les projections des Nations unies laissent prévoir une croissance de 54,8% de la population en âge de travailler en ASS, soit une augmentation de 284 millions de personnes. Cette augmentation serait le résultat d'une augmentation de la fertilité dans la région et une baisse de la mortalité qui feraient situer le taux de croissance annuelle moyenne de la population en âge du travail au-dessus de 2%.
Le tableau 1 indique clairement que la population en âge de travailler devrait reculer en Europe (-8%) et croitrait de moins de 2% en Amérique du Nord entre 2015 et 2030. Par conséquent, la croissance de la main-d'œuvre mondiale viendrait essentiellement de l'Asie (10,6%), l'Amérique latine (14%) et de l'Afrique subsaharienne (54,8%). Ceci dit, l'ASS devrait connaitre une croissance impressionnante de la population en âge de travailler, qui la placerait au deuxième rang, derrière l'Asie. Cela se traduirait par une forte augmentation de main- d'œuvre en ASS, pour atteindre 802 millions en 2030, soit une augmentation de 17,7 millions de personnes en moyenne par an, entre 2015 et 2025, et de 21,3 millions de personnes en moyenne par an, entre 2025 et 2030 (tableau 1).
Tableau 1 : Population en âge de travailler (Millions)

Si les tendances prévoient un défi de grande taille en matière d'emplois à assurer, la situation actuelle des travailleurs africains amplifie ce challenge et le rend plus délicat. La qualité des emplois occupés en Afrique subsaharienne pose un grand défi. L'emploi informel représente environ 65% de l'emploi non agricole total, et 240 millions de personnes occupent actuellement un emploi vulnérable. À titre indicatif, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a souligné, en 2011, que 82% des travailleurs africains sont pauvres, parce qu'ils sont « coincés » dans le secteur informel et l'auto-emploi précaire. Ils n'ont pas de bons emplois salariés rémunérés.
Tableau 2 : aperçu du marché du travail subsaharien
Pour saisir ces défis, il faut tout d'abord comprendre les mécanismes derrière la formulation de la relation emploi/ croissance en ASS ; se demander pourquoi la croissance de l'emploi est-elle si faible en Afrique à l'encontre de sa croissance économique ? Pourquoi cette croissance n'a- t-elle pas abouti à plus d'emplois décents, notamment dans le secteur formel ?
A ce titre, nous allons présenter cinq réalités qui décrivent la situation au regard de la relation emploi/croissance, et conclure avec quelques explications possibles de ce que nous observons en Afrique subsaharienne.
I - Les secteurs porteurs de la croissance ne génèrent pas suffisamment d'emplois
Tout d'abord, il faut souligner qu'une grande partie de la croissance économique « robuste » que l'ASS a pu réaliser tout au long des deux dernières décennies a été tirée par l'exportation de matières premières ou de ressources naturelles. L'OCDE-Organisation de Coopération et de Développement économiques (2013) estime que les ressources naturelles et l'amélioration des termes de l'échange, grâce au boom des prix, ont représenté un tiers de la croissance africaine depuis 2000.
Ce type de croissance tirée par des ressources naturelles reste caractérisé par une forte intensité en capital et un faible impact sur l'emploi domestique.
De même, les progrès réalisés en Afrique ont reposé en grande partie sur la productivité. En plus des ressources naturelles, les indicateurs fournis dans le rapport des « perspectives économiques en Afrique » (2013) montrent une croissance de près de 3 % de la productivité du travail en Afrique dans les années 2000. Ce facteur mérite donc d'être considéré comme facteur explicatif du recul des emplois en Afrique subsaharienne.
Si les ressources naturelles et le progrès de la productivité sont essentiels pour la croissance au continent, le développement de nouveaux moteurs plus intensifs en main-d'œuvre est nécessaire, à l'image du secteur manufacturier, afin de faire face à la problématique de l'emploi. La figure 5 montre que la configuration actuelle des structures des économies de l'ASS ne favorise pas les secteurs les plus dynamiques en matière de création d'emplois. En effet, les secteurs qui sont qualifiés de locomotives de l'emploi en ASS ne sont pas nécessairement ceux qui créent le plus de croissance. A titre d'exemple, l'agriculture, qui ne représente que 15 à 20% du PIB, est le principal secteur pourvoyeur d'emplois, avec plus de 80% du total d'emplois dans certains pays.
Figure 5 : moteurs de l'emploi et structure de la valeur ajoutée en ASS
II - Le financement, la gouvernance et le défi de l'investissement
Les écrits économiques ne manquent pas d'arguments en faveur de l'effet positif de l'investissement sur l'emploi1. Partant de là, il faut que des investissements s'installent en ASS pour que de nouveaux postes d'emplois voient le jour. C'est pour cela que l'ASS s'est engagée ces dernières années à faciliter le lancement de business. Cet engagement s'est accompagné d'une constante progression de l'environnement des affaires, au point de doter la région du deuxième meilleur taux de progression vers les meilleurs standards mondiaux entre 2005 et 2015 (Doing Business, 2017). Cependant, des défis persistent, d'autant plus que l'on sait que la région est la moins compétitive, selon le Forum économique mondial (figure 6).
Figure 6 : comparaison de la compétitivité régionale selon l'indice mondial de compétitivité
L'amélioration du climat des affaires est une condition sine qua non pour réussir le pari de l'investissement, de l'entrepreneuriat et de l'emploi en ASS. Cependant, la réalité de la région montre que les investissements y sont freinés par un certain nombre d'entraves, aux premiers rangs desquels, les difficultés d'accès au financement, la corruption, la fiscalité, les infrastructures inadéquates et l'approvisionnement insuffisant et discontinu en électricité, ainsi que la faiblesse de la gouvernance publique et des institutions, ce qui introduit de l'incertitude dans le calcul économique des investisseurs (Forum économique mondial, 2017). Le tableau 3 reporte les facteurs majeurs qui affectent le climat des affaires en ASS selon leur degré d'importance.
Tableau 3 : principaux obstacles au développement des affaires en ASS (Poids des contraintes en %)
Par ailleurs, s'il est certes que le crédit au secteur privé s'est accru en ASS, sa part dans le PIB reste en-deçà des niveaux observés dans d'autres régions économiques, surtout les économies à revenu faible ou moyen. L'accès au financement semble donc être le principal obstacle à l'investissement en ASS. Les entreprises sont nombreuses à se plaindre de ne pas avoir accès à un système bancaire intégrant la logique de l'investissement qui appelle des financements à long terme.
Figure 7 : crédit au secteur privé en ASS (en %)


Au même temps, les problématiques liées au climat des affaires et à la bonne gouvernance continuent de peser lourdement sur les économies des pays de l'ASS (tableau 3). En effet, la corruption arrive en deuxième position des obstacles majeurs au développement des affaires en ASS. De plus, la région a besoin de réformer son administration afin d'augmenter le niveau de l'efficacité de la bureaucratie publique. Vient, ensuite, le besoin d'investir dans le secteur des infrastructures qui est essentiel pour le progrès économique de l'ASS.
La mauvaise qualité des infrastructures africaines (approvisionnement énergétique non fiable, réseau routier urbain–rural peu performant et ports inefficients) est l'un des principaux obstacles à la croissance. Bien que depuis quelques années, les investissements dans les infrastructures ont progressé, les pays de l'ASS sont toujours à la traîne par rapport au reste des pays en développement au niveau de certains indicateurs de couverture, tels que l'accès à l'eau, au transport routier et à l'électricité (figure 8 et tableau 4).
Tableau 4 : gap infrastructurel en ASS
Figure 8 : déficit infrastructurel en ASS
En dépit des déficits constatés par rapport aux infrastructures à l'intérieur des pays, force est de constater un manque considérable au niveau des infrastructures transfrontalières. En plus de leur rôle vis- à-vis de l'intégration régionale des économies enclavées et de la facilitation des échanges de biens et de services, les infrastructures transfrontalières peuvent constituer un levier important de création d'emplois au niveau africain à travers, d'une part, leur effet direct en termes d'emplois à créer pendant les phases de préparation, de construction, d'exploitation et d'entretien de ces infrastructures et, d'autre part, leur effet indirect par l'intermédiaire des biens et services nécessaires à la réalisation de ces infrastructures, en particulier leur effet d'entraînement potentiel sur l'économie régionale.
III - Le manque de compétences pratiques : un gap entre offre et demande de compétences
L'inadéquation entre les systèmes éducatifs et de formation et les besoins en compétences des marchés du travail est considérée comme l'une des explications de la problématique de l'emploi en ASS. Ceci touche principalement les jeunes, vu les taux élevés de chômage et de sous-emploi. L'inadéquation, ou le décalage entre les compétences offertes et celles requises par les marchés du travail en ASS, est le plus souvent un problème de manque d'éducation en nombre d'années et en qualité dans un contexte marqué par une croissance démographique impressionnante. Un rapport publié par la Banque mondiale 2 en 2015 indiquait un nombre de 89 millions de jeunes non scolarisés et déscolarisés, soit près de la moitié de tous les jeunes non scolarisés et déscolarisés, soit près de la moitié de tous les jeunes de l'ASS.
Figure 9 : l'accès à l'enseignement supérieur en ASS
Figure 10 : situation scolaire des jeunes de 12 à 24 ans
Aussi, le nouvel indice du capital humain de la Banque mondiale indique une contribution sous-optimale du facteur humain à la croissance. Un enfant né aujourd'hui au Tchad, selon cet indice, ne produirait en âge de travail que 29% de ce qu'il aurait pu produire s'il avait reçu une éducation de qualité (14 ans d'éducation de qualité) et des services de santé à même de lui permettre de bien vivre (60 ans de vie en bonne santé). Aux Seychelles, cette contribution est estimée à 68%. Aux côtés de ce pays, seuls le Kenya et l'Île Maurice ont des contributions supérieures à 50%.
Indice du capital humain en Afrique subsaharienne
Les figures ci-dessus indiquent une situation problématique en matière d'employabilité et de croissance économique en ASS. Premièrement, il est largement reconnu que la croissance économique à long terme ne peut être atteinte que par l'investissement dans une main-d'œuvre hautement qualifiée. Deuxièmement, les perspectives économiques et sociales d'une population sans compétences pratiques sont angoissantes. Cette population s'exposerait probablement à de longues périodes de chômage, et ne pourrait avoir accès à des emplois décents et suffisamment rémunérés, ce qui se traduirait par la précarité de ses revenus et impacterait probablement les conditions de vie de ses propres enfants du fait de leur propre instabilité économique.
IV - La réglementation du marché du travail : une contrainte aussi importante
Le retour d'expérience internationale en matière de réglementation du marché du travail montre que celle-ci pourrait jouer un rôle déterminant dans la création d'emplois dans un pays. Le défi est d'adopter une réglementation qui tient compte, d'une part, des spécificités économiques et socioculturelles de chaque pays et, d'autre part, de la protection des travailleurs tout en encourageant la croissance de l'emploi et la productivité.
Il est de plus en plus évident que la rigidité des règlements de travail a des conséquences négatives dépassant les avantages liés à ces dispositions. La figure 11 montre clairement que la majorité des pays de l'ASS se dotent d'une réglementation restrictive à l'embauche et au licenciement comparativement à des pays ayant des marchés dynamiques à l'image des Etats-Unis.
Figure 11 : difficulté de l'embauche et du licenciement (100 = rigidité excessive des règlements)
De tels règlements -très rigides- réduisent la capacité des entreprises à s'adapter aux cycles de production, et entrainent un sureffectif en période de ralentissement de l'activité et, par conséquent, une demande d'emplois moins que ce qu'elle devrait être en période de reprise. Pour les pays de l'ASS qui ont bénéficié de deux décennies de croissance économique, un deuxième constat mérite d'être signalé : la progression positive des activités économiques n'a pas été accompagnée d'une création conséquente d'emplois dans le secteur formel.

V - Impact de l'informel sur la croissance et l'emploi
Le secteur informel est le principal secteur pourvoyeur d'emplois en ASS ; il contribue à près des trois quarts de l'emploi total non agricole et plus de 90% des emplois nouvellement créés dans les pays de l'ASS. Ses effets sont donc importants sur les opportunités d'emplois, la productivité et, par conséquent, sur la croissance économique. Ce secteur s'est développé à la marge d'un ensemble de distorsions caractérisant les économies subsahariennes, notamment la rigidité des réglementations des marchés du travail, les pressions fiscales vis-à-vis des entreprises, les lourdeurs administratives, etc.
Figure 12 : part des personnes employées dans le secteur informel (%)


Ainsi, le secteur formel pose d'énormes risques en matière de croissance et d'emploi. En effet, le principal risque réside dans le fait que les personnes travaillant dans ce secteur ont tendance à gagner moins, dans des conditions défavorables avec peu ou sans prestations ou/et de protection sociale. Ce qui nous importe, dans le contexte d'une croissance créatrice d'emplois, est que l'informalité pourrait avoir un impact négatif sur la croissance et l'emploi, qui pourrait s'exercer essentiellement via quatre canaux. Tout d'abord, les personnes qui travaillent dans le secteur informel gagnent moins et bénéficient de peu de sécurité et de protection sociale. Ce fait tend à engendrer des pertes en matière de croissance via la compression de la dépense de consommation ainsi que la détérioration du capital humain. Deuxièmement, la productivité dans le secteur informel est plus faible que celle du secteur formel. Troisièmement, le secteur informel représente une perte fiscale pour les pays de l'ASS. Donc, c'est un manque à gagner qui impacte négativement la capacité financière des Etats, et l'incidence de celle-ci sur l'emploi dans le secteur formel (via infrastructures, politique active d'emplois…). Finalement, le secteur informel pratique une concurrence déloyale envers les entreprises du secteur formel. Cette concurrence déloyale, liée particulièrement aux avantages de coûts dont disposent les entreprises du secteur informel, limite la rentabilité des entreprises formelles et peut donc nuire à la capacité du secteur formel à croître et à créer plus d'emplois de qualité.
Conclusion
Les différentes analyses menées dans cette revue ont permis d'apporter des éclairages sur certaines problématiques propres aux marchés du travail subsahariens, notamment celles liées à la relation entre la croissance économique et l'emploi. Les principaux traits ayant caractérisé ces marchés du travail sont résumés dans les points suivants :
- Une forte pression démographique sur les marchés du travail de l'ASS dans les années à venir, en raison de l'élan démographique issu des années passées caractérisées par une forte augmentation de la fertilité dans la région et une baisse de la mortalité ;
- Une faible réactivité du chômage à la croissance économique en ASS, accompagnée d'un faible niveau d'ajustement et de co-mouvement entre les deux variables ;
- Un défi majeur en matière d'emplois à créer tant en termes de quantité que de qualité, dont la plupart des pays subsahariens restent confrontés à la problématique d'emplois décents ;
- La configuration actuelle des structures des économies des pays de l'ASS ne favorise pas les secteurs les plus dynamiques en matière de création d'emplois;
- Les investissements en ASS sont freinés par un certain nombre d'entraves, dont les difficultés d'accès au financement, la corruption, la fiscalité, les infrastructures inadéquates ainsi que la faiblesse de la gouvernance publique et des institutions, etc ;
- Le manque de compétences pratiques sur les marchés du travail subsahariens, lié principalement au problème d'inadéquation entre les dispositifs d'éducation et de formation et les besoins des marchés du travail ;
- Les marchés du travail subsahariens sont fortement caractérisés par la rigidité des règlements de travail, ce qui impacte de façon négative l'investissement, l'emploi et la croissance économique dans cette partie du continent ;
- La prédominance du secteur informel dans l'économie subsaharienne constitue un frein au développement et à la croissance économie et, par conséquent, à la création d'emplois décents.
Au terme de l'analyse menée dans cette revue, il s'avère nécessaire de mener des actions coordonnées, précises et, surtout, basées sur les réalités existantes en vue de réduire le chômage et d'améliorer les conditions de travail dans les pays de l'ASS. Il s'agit notamment de développer de nouveaux moteurs de croissance afin de soigner la structure de production et dynamiser les secteurs reposant sur les matières premières. Ensuite, le monitoring des changements et des prolongements au niveau de la demande de travail pourrait apporter des éléments de réponse à l'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi et, par conséquent, l'augmentation de l'efficience des marchés du travail. Enfin, la mise à niveau du secteur informel doit être perçue comme la voie obligée pour la promotion du travail décent, le développement inclusif et l'éradication de la pauvreté dans les pays de l'ASS.


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