Les habitants de Rabat et Salé ont découvert les odeurs nauséabondes du Bouregreg ce week-end. Des associatifs ainsi que des élus pointent du doigt les lixiviats qui émaneraient de la décharge d'Oum Azza. La capitale Rabat et sa jumelle Salé étouffent ces derniers jours, à cause d'odeurs nauséabondes provenant de l'Oued Bouregreg. Une situation qui a poussé les élus locaux de la Fédération de la Gauche démocratique (FGD) à alerter sur la gravité de la situation à la lumière du silence officiel. Ses conseillers à la mairie de Rabat pointent «une grande vague de pollution qui s'est déversée dans la vallée du Bouregreg, accompagnée d'une odeur désagréable». Ils ont ajouté, dans un communiqué, que les informations préliminaires indiquent que «la source de la pollution est la décharge d'Oum Azza», à partir de laquelle le lixiviat, liquide issu de la fermentation naturelle des déchets stockés dans la décharge pendant des années. Ils dénoncent ainsi les autorités responsables de la décharge qui n'ont pas mis en place de solution pour sécher et traiter ces déchets en faisant appel à des technologies disponibles dans le monde entier. Un «silence officiel» face aux miasmes Située à 30 kilomètres à l'est de Rabat, ladite décharge traite chaque année environ 850 000 tonnes de déchets collectés auprès de 17 communes de Rabat et Salé. Dans ce sens, les élus de la FGD estiment que l'Etablissement de coopération intercommunal Al Assima (ECI) est «responsable de cette catastrophe écologique majeure» et exigent qu'une «enquête judiciaire soit ouverte». Contacté par Yabiladi ce lundi, Omar El Hayani, conseiller de la FGD rappelle que la décharge Oum Azza «souffre depuis des années de ce problème». «Les lixiviats sont stockés dans des bassins dans l'optique de les traiter, sans que cela ne se produise», dénonce-t-il. La collecte des déchets s'est poursuivie sans traitement. «Mais en 2019, nous avons appris que l'ECI Al Assima a refusé de résoudre le problème. Ils ont aussi voulu verser ces lixiviats dans la mer, ce à quoi nous nous sommes opposés, en expliquant que ces produits sont très toxiques et très concentrés et tueront la vie marine», souligne-t-il. «La semaine dernière, l'un des bassins servant à stocker les lixiviats a été détruit, permettant à ce produit toxique et à l'odeur insoutenable de cheminer vers l'Oued Akrach, l'un des affluents du Bouregreg. L'odeur est nauséabonde dans les quartiers de Hassan, la médina de Rabat, la médina de Salé, les quartiers Bouregreg et Al-Farah.» Omar El Hayani L'élu de la FGD ne cache pas sa surprise face à «l'absence de réponse officielle». «Ni la commune ni l'Etat ne communiquent, bien que la population ne parle que de ce problème» depuis plusieurs jours, dénonce-t-il. Confirmé : la pollution du Bouregreg provient d'un bassin de lixiviat de la décharge d'Oum Azza, qui a cédé et s'est deversée dans l'oued Akrach, un des affluents du Bouregreg ? pic.twitter.com/yudQ63t39G — Omar H. ?? (@Omar_H_) March 13, 2021 Une problématique écologique vieille de deux ans déjà Pour sa part, Abdellatif Soudou, vice-président de la ville de Salé s'est exprimé samedi sur cette catastrophe écologique, après avoir effectué une visite de terrain. Il a ainsi émis «deux hypothèses», en n'écartant pas une fuite de lixiviats, mais en évoquant aussi la possibilité d'une «fuite depuis l'un des canaux d'eaux usées». «Je ne me précipiterai pas pour analyser. Il y a un service permanent à l'Etablissement de coopération intercommunale qui fait cela avec les autorités et diverses agences spécialisées», ajoute-t-il. Abdellatif Soudou L'élu saletin qui a tenté de blanchir l'ECI et le maire de Salé de toute responsabilité, a rappelé que le dossier a été hérité d'une «entreprise ayant échoué à gérer la décharge et qui a laissé le lixiviat sans traitement». Le vice-président rappelle qu'«en octobre 2019, l'ECI a proposé de résilier le contrat à l'amiable, d'introduire un cahier des charges pour lancer un appel d'offres mais la pandémie a empêché cela. La décharge est l'un des dossiers lourds qui ne peut être traité en deux ans». Toutefois, le 6ème vice-président de la ville de Salé considère, en tant qu'ingénieur spécialisé en génie hydraulique, que «l'arrivée du lixiviat jusqu'à l'Oued Bouregreg de cette manière est exclue». Les origines et les causes d'une catastrophe écologique «L'entreprise chargée de la gestion de cette décharge est à pointer du doigt, car elle ne procédait pas à leur traitement immédiat. Ce produit, en grande quantité, a été déversé dans l'oued Bouregreg, provoquant sa pollution», regrette, pour sa part, le président de l'Alliance marocaine des amis de l'environnement et du développement durable (AMAEDD), basée à Rabat. Abdellatif Soualem pointe aussi du doigt la responsabilité de l'ECU Al Assima. «La commune de Salé a promis d'enquêter mais on s'attendait à des explications de la part de l'ECI Al Assima (présidé par le maire de Salé, Jamaâ Mouâtassim), responsable du dossier car plusieurs communes sont concernées et non pas seulement celle de Salé», explique-t-il. Pour l'associatif, le problème réside dans le suivi des dossiers environnementaux dans les communes et collectivités locales. «Dans toutes ces circonscriptions, le dossier est partagé, sans jamais avoir un responsable unique. Le service de la Santé en prend une partie, l'urbanisation une autre,…», critique-t-il. Abdellatif Soualem rappelle que la décharge Oum Azza était sous la responsabilité d'une entreprise de gestion déléguée. «Il faut revoir le cahier des charges sur la base duquel cette société gérait cette infrastructure», plaide-t-il, appelant à une reddition des comptes. Mais dans le cadre des dossiers liés à l'environnement, les citoyens ne font pas assez pression, pour le président de l'Alliance marocaine des amis de l'environnement et du développement durable. «Quand un lampadaire cesse de fonctionner, les citoyens en parlent mais pour l'environnement, l'impact n'est pas constaté sur place», regrette encore l'associatif. «Il aurait fallu attendre cette catastrophe naturelle pour que le citoyen en prenne conscience, sachant que c'est le résultat de plusieurs années de cumul. Nos élus s'intéressent malheureusement plus aux problèmes visibles que ceux invisibles.» Abdellatif Soualem Un problème environnemental qui ne concerne pas que l'Oued Bouregreg, car dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, celui de Sebou, près de Kénitra, serait également impacté. «La décharge d'Oulad Berrjal déverse des lexiviats dans le Sebou et la nappe phréatique», nous rappelle pour sa part Musatpha Addah, membre de l'Association du Gharb pour la protection de l'environnement, basée à Kénitra.