Le dossier des détenus salafistes est loin d'être clos. La libération, février, des têtes d'affiche de ce courant n'est que l'arbre qui cache la forêt. Il y a encore environ 1000 prisonniers islamistes dont certains sont en grève de la faim depuis le 9 avril. Des ONG sonnent le tocsin. Des ONG des droits de l'Hommes interpellent le gouvernement sur les conditions d'incarcération des salafistes. En vue de les améliorer, une quarantaine de détenus observent, depuis avril, une grève de la faim en signe de protestation. Chose que la Haute délégation de l'administration pénitentiaire et de l'insertion, récuse pour le moment. L'action de ces associations intervient cinq jours après le décès d'un islamiste algérien qui a refusé de s'alimenter pendant deux mois. Des grèves de 45 jours La majorité des grévistes se concentrent à la prison Toulal 2 à Meknès et Salé 2. «Au début ils étaient 48 détenus avant que l'administration ne transfère une bonne partie vers d'autres centres de détentions. Certains d'entre eux sont dans un état très critique, aggravé de négligence médicale et de pression psychologique visant à les contraindre de mettre un terme à leurs actions» nous indique Mme Mousaîd, de la Coordination Al Hakika, également épouse d'un détenu. Et de citer le cas de l'islamiste Noureddine Nafaâ (alias Abou Mouaâd), âgé de 50 ans, «après plus de 45 jours de grève de faim en plus de son refus, depuis lundi, de boire de l'eau, il n'arrive plus à reconnaître les autres détenus. Mardi, il a été transféré à l'hôpital de Meknès, dans état de coma». La santé de Tarik El Yahaoui, selon toujours la même source, n'est guère satisfaisante. «C'est lui qui a joué le médiateur lors de la mutinerie, 2011, entre les islamistes de Salé et l'administration». Dès les premiers jours de sa nomination à la tête du ministère de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid a reçu, dans son bureau, les familles des prisonniers salafistes. Une audience qui avait donné aux proches des raisons d'espoir, vite dissipées par la tournure des évènements. La Haute délégation de l'administration pénitentiaire et de l'insertion campe sur ses positions et refuse de renouer le dialogue avec les détenus ou d'appliquer l'accord du 25 mars 2011, lequel avait mis un terme à une vague de grèves de plusieurs jours. La balle est dans le camp de Benkirane Abdelali Hamieddine, le président du Forum Al Karama, une ONG très proche du PJD, a réitéré sa sempiternelle requête de laisser les associations des droits de l'Homme visiter les prisons et s'enquérir sur place des conditions de détentions des salafsites. Une demande refusée par le délégué général de l'administration pénitentiaire, Hafid Benhachem, sous prétexte qu'il ne peut assurer la sécurité des membres de la société civile. La dernière visite de représentants d'association aux prisons remonte à 2009, c'est-à-dire une année après la nomination de Benhachem à la tête de la délégation des prisons. «Hier nous avons déposé au bureau du chef du gouvernement une lettre afin de nous faciliter l'accès des associations aux prisons et régler définitivement ce problème», nous confie Hamieddine. La Haute délégation est sous la tutelle de Benkirane. «Nous avons appris que cette administration vient d'adresser des lettres à des familles de détenus, les informant de la grève de la faim de leurs proches», indique-t-il Des conséquences de 2003 Le cas des détenus islamistes est la conséquence de la gestion des services de la sûreté marocaine de l'après-attentats terroriste de 2003 à Casablanca. Une politique qui avait mis derrière les barreaux des milliers de personnes sans qu'elles soient réellement impliquées dans ces actes. Les grâces royales à l'occasion de fêtes religieuses ou nationales (2004,2005 et jusqu'au premier semestre de 2006) avaient pour objectif de «redresser» des anomalies relevées par les ONG nationales et internationales que le roi lui même avait reconnu, en 2005, lors d'une interview accordée au quotidien El Pais. L'élan de grâces a été stoppé net avec le démantèlement du réseau dirigé par El Khattab, un ancien détenu gracié en 2005. Il a fallu attendre avril 2011, pour assister à une relance de ce processus avec la libération exceptionnelle de plus de 90 prisonniers salafistes dont notamment Mohamed El Fizazi. Février 2012, c'est autour de trois chioukhs de ce courant de bénéficier de la même mesure. En dépit de ces grâces, il demeure dans les prisons du royaume environ 1000 détenus islamistes. Ces grèves de la faim ou les actes de mutineries ne sont que des manifestations de l'enlisement que connaît ce dossier.