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De l'inégalité des sexes au Maroc
Publié dans Yabiladi le 30 - 11 - 2012

Je tiens d'emblée à préciser - à toutes fins utiles - que je crois fermement à l'égalité entre les sexes, que le 12 mars 2000 je manifestais avec mon papa du côté des gentils (à Rabat donc), que je suis fondamentalement opposée au principe du sdaq, et qu'à quatorze ans j'avais déjà survécu aux descriptions trash de Nawal Saâdaoui. Maintenant que j'ai religieusement récité mon catéchisme progressiste et montré patte blanche, je pense que je peux me lancer. Lundi dernier donc, le désœuvrement post-partiels et le mal du pays aidant, j'ai échoué sur un enregistrement de Moubacharatan Maâkoum qui traitait du harcèlement sexuel dans la rue marocaine. Je dois avouer que malgré mes réticences du départ, l'émission se révéla être extrêmement intéressante. Non pas en raison de ce qu'il y était dit, mais précisément à cause de ce qu'il ne s'y disait pas.
Marx est mort, vive 2M!
Je tiens d'emblée à préciser - à toutes fins utiles - que je crois fermement à l'égalité entre les sexes, que le 12 mars 2000 je manifestais avec mon papa du côté des gentils (à Rabat donc), que je suis fondamentalement opposée au principe du sdaq, et qu'à quatorze ans j'avais déjà survécu aux descriptions trash de Nawal Saâdaoui. Maintenant que j'ai religieusement récité mon catéchisme progressiste et montré patte blanche, je pense que je peux me lancer. Lundi dernier donc, le désœuvrement post-partiels et le mal du pays aidant, j'ai échoué sur un enregistrement de Moubacharatan Maâkoum qui traitait du harcèlement sexuel dans la rue marocaine. Je dois avouer que malgré mes réticences du départ, l'émission se révéla être extrêmement intéressante. Non pas en raison de ce qu'il y était dit, mais précisément à cause de ce qu'il ne s'y disait pas.
Outre Mme. Sanaa El Aji, chercheuse en sociologie, étaient présents à l'émission en question le psychologue M. Houcine Benichou, une avocate et une militante féministe. De manière générale, il n'y a rien de plus agaçant que de discuter avec un chercheur en sciences humaines. Ces individus peuvent soutenir avec tout l'aplomb du monde que votre aversion aux figues de Barbarie est due à votre peur de leurs épines/phallus, elle-même due à votre peur de la pénétration, elle-même due à votre Œdipe mal réglé. Ou alors que c'est une réaction typique du troisième décile de la classe moyenne supérieure essayant de renier une ascendance plus modeste.
Seulement voilà : pour une fois que les grilles de lecture de la sociologie et de la psychologie sociale n'étaient pas trop fantaisistes, la sociologue et l'auguste praticien choisirent de botter en touche et de se réfugier dans un conformisme intellectuel affligeant. C'est ainsi que là où on aurait pu espérer une analyse et un diagnostic objectifs, on a eu droit à l'habituel cortège de lamentations. En vrac : la misogynie ambiante au Maroc, la mise sous tutelle de la femme, l'intraduisible et inévitable نظرة دونية للمرأة , la privation du droit à disposer de son corps et à l'accès à l'espace public. Je ne dis pas que ce constat soit faux ou exagéré, mais il me semble qu'on est en droit d'exiger de nos intellectuels un peu plus de rigueur que le militant de base.
Or, Mme. El Aji -avec son prêt-à-penser commode- est allée jusqu'à nous expliquer que lorsque le Marocain se comporte comme un priape sournois et lubrique, il se destitue de son humanité et devient de facto un animal (sic) ne pouvant contrôler ses bas instincts. On comprend donc mieux sa légèreté et son minimalisme méthodologiques, l'étude du harcèlement sexuel relevant -du coup- moins du fait social que de l'élevage de lapins. Je vous félicite Madame la chercheuse en sciences sociales pour avoir balayé d'un revers de la main deux siècles de tentatives de formalisation de votre discipline. Emile, Pierre et Marcel doivent être fiers de vous. Je pense sincèrement qu'il s'agit là du plus grand saut épistémologique jamais effectué en sciences sociales. Vous avez du mal à modéliser tel phénomène social ? Ne vous inquiétez pas, vous pourrez toujours escamoter la difficulté et affirmer qu'en fait votre population n'est pas humaine mais animale. Ou qu'elle a muté. Vous n'entendez rien à l'effet condensateur ? Ce n'est pas grave, vous pouvez toujours recourir à la même prestidigitation conceptuelle et invoquer l'intervention des Dieux pour expliquer la foudre.
Pourquoi diable s'embarrasser de modèles et de cadres, étudier les conditions matérielles de vie des jeunes hommes marocains et leurs névroses sexuelles lorsqu'on peut tout expliquer par la misogynie originelle du Marocain ? Fournir une explication simpliste et essentialiste («de toutes façons, le Marocain ne respecte pas la loi !») à un comportement qui trahit un mal-être social et psychologique aussi grand est non seulement injuste, mais indigne d'un chercheur en sciences humaines. Ces explications sont le cache-sexe de l'inconsistance et de la paresse intellectuelles, mais surtout un dangereux écran de fumée qui occulte la question politique de l'exclusion sociale et du chômage.
Si ces messieurs-dames avaient accepté de sortir de leur comfort-zone intellectuelle et d'enlever leurs œillères idéologiques, ils auraient peut-être pu soulever les conditions objectives qui font que nos rues sont devenues des champs de mines pour les femmes. Ils auraient peut être pu évoquer la frustration et la misère sexuelles (corollaire immédiat de la misère tout court), ainsi que les difficultés auxquelles font face les jeunes marocains pour trouver un logement, un emploi, en un mot : pour devenir indépendants.
Bien sûr que notre situation en tant que femmes marocaines est tout sauf facile. Bien sûr que la pauvreté et la précarité sociale n'excusent en rien les obsessions maladives de nos concitoyens. Elles sont loin de ne serait-ce que les expliquer d'ailleurs. Cet affreux bonhomme qui avait pour habitude de nous suivre à la sortie du lycée par exemple (une main sur le volant de sa BMW rutilante, l'autre s'affairant autour de son membre turgescent) n'avait pas spécialement l'air d'être pauvre (du moins matériellement).
Mais la misogynie existe presque partout dans le monde et les femmes sont encore minoritaires dans les centres de décision politique et économique, même dans les pays les plus avancés sur les questions d'égalité. Mais si la domination masculine est malheureusement encore la norme, le harcèlement de rue systématique et massif dont sont victimes les femmes arabes me semble être un cas unique. Ce qui tendrait bien à indiquer que les véritables raisons de ce phénomène ne sont pas seulement la misogynie, mais également l'échec des politiques d'intégration économique des jeunes.
Combien sont-ils les jeunes marocains qui peuvent objectivement accéder à une vie sexuelle décente, que ce soit dans le cadre du mariage ou non ? Tous les «manifestes pour la liberté et la tolérance» du monde ne changeront rien à cette banale réalité : au Maroc, il faut un toll financier significatif pour accéder à la sexualité, que ce soit pour régler les 3issaoua ou pour accéder à un logement où pourra s'exprimer une intimité moins orthodoxe. Est-il besoin de rappeler que la libération sexuelle en Occident a été concomitante à un renversement démographique, à une croissance économique inouïe, et (surtout) au plein emploi ?
Je suis peut être victime du syndrome de Stockholm. Ou alors comme le diraient Marine et Jean-François dans leur sagesse infinie, ma réaction est typique de la gauche germanopratine victimaire et déconnectée du vrai peuple, qui cherche des excuses aux délinquants. Soit. Seulement, il n'y a rien de plus fallacieux que cette posture de révolutionnaire de salon qui a pour unique projet politique la défense de ses libertés étroitement individualistes, tout en faisant semblant de ne pas voir la pauvreté et le chômage. Parce que oui, prétendre que la lutte contre le harcèlement sexuel dans la rue marocaine devrait obéir à seule la logique sécuritaire et judiciaire revient à en négliger la dimension sociale et politique sous-jacente.
Il est sidérant de constater qu'un lien aussi évident entre la précarité financière et sexuelle des jeunes et le harcèlement de rue ne soit que rarement mis en avant au Maroc, alors que c'est une explication banale en Egypte. Peut-être est-ce parce que les dynamiques qui ont permis que nous, femmes marocaines, jouissions d'un minium de droits sont celles-là mêmes qui s'opposent à une (vraie) redistribution des richesses ?
Il est grand temps que nos intellectuels modernistes cessent de claironner que la seule fracture digne d'intérêt serait celle entre les valeureux progressistes et les exécrables misogynes. En attendant, ils passent sous silence les questions qui fâchent et qui demandent un vrai courage politique. La justice redistributive et l'indépendance financière des jeunes par exemple. Bon. C'est vrai que la lutte des classes a perdu de sa sexiness et est devenue hors zeitgeist (mis à part dans les congrès d'Annahj Addimocrati). Mais de grâce, ce n'est pas une raison pour nous faire croire que nos problèmes en tant que femmes marocaines ne sont pas (aussi) dus à l'exclusion socio-économique.
Visiter le site de l'auteur: http://www.etats-dame-dune-marocaine.com/


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