Mâalem Majid Bekkas et la formation britannique Waaju ont incontestablement l'art de sublimer le jazz par la musique gnaoua et inversement, jusqu'à en faire un style musical à part entière. Plus qu'une simple fusion, leur collaboration créative a donné lieu à un disque, «Alouane», ainsi que sa version live. Sorti en octobre 2024, il est dévoilé pour la première fois au Maroc, à l'occasion du 18e festival Jazzablanca. Dans son lieu naturel à Casablanca, l'ensemble de virtuoses est bien chez lui, célébrant l'amitié artistique qui a donné lieu à cet opus sonore transcendant. Après un travail collectif de longue haleine avec la formation londonienne de jazz Waaju, Majid Bekkas peut être fier de son grand retour à la maison avec le disque collectif «Alouane», entouré de ses compagnons de musique. Lors de la 18e édition du festival Jazzablanca (du 3 au 12 juillet 2025), le pionnier de l'African-gnaoua blues a présenté pour la première fois au Maroc cet opus musical haut en couleur, cosigné avec le groupe britannique qui mélange polyrythmies latines, blues psychédélique malien et arrangements européens. Sur la Scène 21, les artistes ont bien été accueillis dans leur lieu naturel, acclamés par un public qui a toujours apprécié les découvertes sonores inédites d'un mâalem artisan des sonorités traditionnelles, classiques, locales et internationales revisitées. En effet, chaque prestation de Majid Bekkas avec d'autres artistes prend les allures d'une découverte musicale inédite, qui mérite d'être appréciée. En plus de son talent de multi-instrumentiste, le virtuose de l'art gnaoua dans sa dimension universelle a souvent immortalisé ses amitiés mélomanes par de mémorables créations. Au fil des années, elles ont tissé les liens entre les musiciens locaux et ceux de différents autres pays. En l'espèce, ce concert avec Waaju tient une place particulière dans le cœur du mâalem, qui s'est confié à Yabiladi avant de monter sur scène. «Avec Waaju, nous nous sommes rencontrés lors d'un festival, en Pologne. En échangeant avec les membres du groupe dans ce cadre, j'ai découvert qu'ils connaissaient déjà mon répertoire et qu'ils avaient mes disques. Ils avaient même travaillé sur quelques morceaux !», nous a-t-il déclaré. La formation britannique, dont le nom signifie «inciter, inspirer ou influencer à agir» dans le bambara véhiculaire ouest-africain, a ainsi proposé une collaboration à Majid Bekkas. «Finalement, les membres m'ont invité à Londres. Nous avons joué ensemble, lors d'un festival au cours duquel nous avons enregistré un album live, puis nous nous sommes produits dans ce lieu magnifique qu'est le Jazz Cafe. Nous avons une très belle histoire de travail artistique et nous sommes donc très heureux de la présenter au Maroc, pour la première fois.» Majid Bekkas Ben Brown en concert avec Waaju et Majid Bekkas / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi Jazzablanca 2025 : Emel, une métamorphose artistique fidèle à une démarche humaniste Compositeur et batteur pour le groupe Waaju, Ben Brown s'est confié à Yabiladi sur ses inspirations musicales associées à Majid Bekkas. «J'ai toujours aimé la musique gnaoua, en général. Ce mélange de spiritualité intense et de joie qu'elle procure me fascine, en tant qu'artiste. J'apprécie tout particulièrement l'approche singulière de Majid, plus délicate et plus dynamique. Je chéris donc ses collaborations incroyables qui ont ouvert de nombreuses perspectives pour le genre», nous a déclaré le musicien, avant sa prestation. Waaju sous le charme du gnaoua-jazz Issu de l'apprentissage traditionnel de la musique gnaoua, depuis les années 1970, ainsi que de l'éducation musicale classique au conservatoire, Majid Bekkas se produit à l'étranger depuis la fin des années 1990. Cette carrière internationale est riche de collaborations avec Randy Weston, Omar Sosa, Wessell Anderson, le batteur américain Stephen McCraven, père du batteur Makaya McCraven, Ramon Lopez, mais aussi avec les grands noms des musiques africaines dont Ali Keïta et Bassi Kouyaté entre autres. Durant ces décennies, il a souvent invité ses pairs sur la scène nationale afin de célébrer le gnaoua-jazz sans frontières. Waaju et Majid Bekkas à Jazzablanca 2025 / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi A ce titre, Majid Bekkas nous affirme que cette démarche universelle est singulièrement importante pour lui, encore plus lorsqu'elle trouve toute sa place dans son propre pays : «Durant toute ma vie, j'ai apprécié jouer avec différents musiciens, apprendre des autres et m'ouvrir à différentes cultures. J'aime ce processus qui me définit le mieux, car c'est exactement ce que je suis. C'est ce que je continuerai à faire, jusqu'à la fin de ma vie. Je vais toujours collaborer avec des artistes d'ici et d'ailleurs, car nous parlons tous la même langue qu'est la musique. Je pense que c'est la meilleure chose à pratiquer et la plus belle façon de se comprendre et d'être unis, à travers le monde.» Majid Bekkas De son côté, Ben Brown ne peut qu'être comblé de voir son processus créatif s'inscrire dans une telle dynamique foisonnante, comme il l'affirme à Yabiladi : «Je pense que le fait de rendre possible cette collaboration avec Majid Bekkas a été l'un des plus grands projets de ma vie. J'ai eu l'impression que les choses s'étaient parfaitement mises en place, d'une manière dépassant même ce que j'aurais imaginé. C'était au-delà de mes capacités d'organisation et de réflexion artistique.» Aïta mon amour à Jazzablanca 2025 : «Les Marocains sont de grands fêtards !» [Interview] Waaju et Majid Bekkas à Jazzablanca 2025 / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi «Nous nous sommes laissés inspirer par les tonalités familières de gnaoua, pour faire ressortir différentes couleurs au sein d'une même tonalité et faire ressortir les couleurs rythmiques dans leur diversité. En un mot, «Alouane» a été une expérience incroyable à vivre ensemble.» Ben Brown – Waaju Résolument positif et inspiré par son idole artistique, le batteur de Waaju confie à Yabiladi que même «les défis logistiques pour des artistes vivant sur des continents différents auront finalement rendu si spécial chaque moment de travail sur cette collaboration». «C'est un véritable honneur de jouer avec Majid Bekkas. Je suis très content du son que nous avons trouvé ensemble et qui nous est très authentique», s'est-il exclamé. Le temps de ce concert de haut vol, les deux univers artistiques sur scène n'ont fait qu'un. Le public a bien rendu aux maestros leur générosité et leur joie contagieuse. La magie festive de la musique aura brillamment a opéré. Waaju et Majid Bekkas à Jazzablanca 2025 / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi