Le secrétaire général des Nations unies a présenté, la semaine dernière aux membres du Conseil de sécurité, un nouveau rapport sur le Sahara. Un document qui marque un «tournant», affirme Mohamed Elghet Malainine, vice-président du Centre marocain pour la diplomatie parallèle et le dialogue des civilisations (CMDPDC). Interview. Le nouveau rapport du secrétaire général de l'ONU marque-t-il un véritable tournant dans la gestion onusienne de la question du Sahara occidental, après cinq décennies de statu quo ? Ce rapport représente bien plus qu'un simple changement de ton : c'est un véritable changement de cap. Le secrétaire général de l'ONU semble désormais privilégier une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine, se détachant d'une attitude d'attente pour adopter une approche plus concrète. Cette évolution s'inscrit dans la continuité des résolutions du Conseil de sécurité depuis 2018, notamment la résolution 2440, qui a marqué un tournant décisif. La MINURSO a ainsi évolué d'une mission de «référendum» vers un rôle d'accompagnement pour une solution réaliste, pragmatique et durable. Le langage onusien s'aligne désormais sur le réalisme, privilégiant les faits tangibles aux postures idéologiques. Ce rapport semble donc favorable aux intérêts du Maroc... Absolument ! Il décrit une réalité indéniable sur le terrain : le Sahara marocain est présenté comme un espace de stabilité, de gouvernance et de développement durable. Le rapport mentionne, sans critique ni réserve, l'achèvement du corridor routier de 93 kilomètres reliant Es-Smara à la frontière mauritanienne, qualifié de passage civil. Dans le langage onusien, cette neutralité équivaut à une forme de reconnaissance implicite. Sur le plan institutionnel également, la mention récurrente des commissions régionales du CNDH (Conseil national des droits de l'Homme) à Laâyoune et Dakhla confirme que la crédibilité des mécanismes nationaux marocains de suivi des droits humains est pleinement intégrée dans la vision onusienne. Enfin, le secrétaire général appelle explicitement le Maroc et l'Algérie à renouer le dialogue, reprenant ainsi l'appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour une solution «sans vainqueur ni vaincu». Le Secrétariat général cautionne et amplifie ainsi la dynamique d'apaisement initiée par le Maroc. Sur la question des droits de l'Homme, Antonio Guterres semble indulgent envers le Polisario et plus exigeant avec le Maroc. Pourquoi cette différence de traitement ? Le Maroc exerce pleinement sa souveraineté sur son territoire et dispose d'une architecture nationale crédible à travers les commissions régionales du CNDH, reconnues par le Conseil de sécurité lui-même. Elles assurent un suivi constant et transparent. Le royaume reste toutefois vigilant à ce qu'aucune institution internationale ne soit instrumentalisée pour étendre le mandat de la MINURSO à des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence. En revanche, dans les camps de Tindouf, les violations persistent : absence d'enregistrement des populations, détournement de l'aide humanitaire, et taux alarmants de malnutrition et d'anémie… Droits de l'Homme : Guterres se focalise sur le Sahara, oubliant les camps de Tindouf Le secrétaire général de l'ONU n'a-t-il pas passé sous silence ces violations ? En mentionnant simplement les chiffres de la malnutrition dans les camps, le rapport 2025 envoie un message clair : le statu quo humanitaire n'est plus tolérable. En juxtaposant l'expansion des infrastructures marocaines — corridors, port atlantique de Dakhla — et la détresse humanitaire des camps de Tindouf, le rapport dresse un véritable diagnostic politique. Le Maroc bâtit, relie et investit, illustrant une légitimité fondée sur le développement et l'intégration régionale. Les camps de Tindouf incarnent à l'inverse un modèle d'immobilisme et de dépendance. L'ONU sait que la solution ne peut émerger de la précarité : ce rapport montre clairement où se situe la dynamique de vie et où persiste l'impasse. Pensez-vous que la MINURSO poursuivra son mandat actuel dans les années à venir ? Oui, mais son rôle a profondément évolué. Depuis la résolution 2440, la MINURSO n'est plus chargée d'un référendum hypothétique : elle sert désormais de garant de stabilité et d'accompagnateur du processus politique, et non plus de simple observateur. Le rapport 2025 lie d'ailleurs explicitement la prolongation de son mandat à sa capacité à préserver un climat propice au dialogue politique. C'est désormais une mission de consolidation du réel, non de neutralisation du changement. Le rapport 2025 prend en compte de manière plus affirmée les transformations en cours — économiques, politiques ou géostratégiques — autrement dit, une reconnaissance même implicite des avancées marocaines. Et c'est précisément ce qui le distingue des précédents. Il prend acte, sans la moindre connotation négative, de l'achèvement du nouveau corridor vers la Mauritanie et du renforcement des investissements civils. Avant 2018, ce type d'initiatives était systématiquement qualifié d'«unilatéral». Aujourd'hui, elles sont citées comme des facteurs de stabilité. C'est la preuve que la diplomatie onusienne suit la logique du réalisme et de la continuité. Tout laisse penser que les prochains rapports du secrétaire général — et surtout les résolutions à venir du Conseil de sécurité — devraient consolider cette approche réaliste et consacrer l'Initiative marocaine d'autonomie comme cadre unique du règlement politique.