Le refus catégorique affiché par le Front Polisario masque mal les tiraillements internes provoqués par la résolution 2797. Entre la crainte de sanctions américaines et la pression d'Alger, les dirigeants du mouvement indépendantiste cherchent une sortie de crise sans renier publiquement leur discours de résistance. Deux heures seulement après l'adoption de la résolution 2797, le Front Polisario s'est empressé de la rejeter, la qualifiant de «déviation dangereuse et sans précédent». Le Front a notamment affirmé qu'il «ne participera à aucun processus politique ni à aucune négociation fondée sur des "propositions" visant à "légitimer" l'occupation militaire illégale du Sahara». Le lendemain, Brahim Ghali a justifié cette position lors d'une réunion restreinte avec ses fidèles. Cependant, les révélations de Said Zarwal, un membre du Polisario résidant en Suède et fervent défenseur de l'indépendance du territoire, mettent à nue un discours interne bien différent sur la résolution 2797. «Les discussions ont porté sur la manière de gérer les répercussions de cette résolution. Plusieurs propositions ont été avancées, y compris une escalade militaire, mais cette option n'a pas fait l'unanimité», a-t-il confié. Zarwal a indiqué que les débats se sont focalisés sur la réponse à adopter si Donald Trump invitait le Front à participer à de futures négociations. «Sur cette question, les avis divergeaient : certains cadres étaient favorables à une participation, estimant que celle-ci était nécessaire pour éviter d'éventuelles "sanctions américaines" en cas de refus de prendre part à des pourparlers fondés sur le plan marocain d'autonomie.» En revanche, une minorité a appelé à décliner l'offre du président Trump, conformément au communiqué du 31 octobre. Cet avis n'a pas remporté l'adhésion de la majorité des membres de la direction. Entre équilibre interne et pression d'Alger La réunion a également abordé la question de la communication interne, notamment «la manière de convaincre les militants qui s'interrogeraient sur la contradiction entre le discours politique officiel, fondé sur le boycott, et une participation à des négociations parrainées par les Etats-Unis». À l'issue de cette rencontre, le «ministre des Affaires étrangères» du Polisario, Mohamed Yeslem Beissat, s'est envolé pour Alger afin de préparer les prochaines échéances politiques et diplomatiques du dossier du Sahara avec le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf. Car au-delà des équilibres internes, le Polisario doit aussi prendre en compte les pressions d'Alger qui s'inquiète de l'isolement croissant sur la scène internationale. Pour rappel, Said Zarwal avait déjà fait parler de lui en janvier, lorsqu'il avait révélé que les Forces armées royales (FAR) avaient repris le contrôle de 40 km² de terres situées à l'Est du Mur des Sables, que le Polisario considérait comme «territoires libérés». Ce n'est qu'en octobre dernier que Brahim Ghali a reconnu officiellement cette vérité dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU.