A Casablanca, en Afrique du Nord, certains propriétaires d'appartements ou syndics refusent de louer aux «Africains». Un phénomène qui ne daterait pas d'aujourd'hui au Maroc, où de nombreux migrants subsahariens sont encore victimes de discrimination. «Interdiction de louer des appartements aux Africains». C'est ce qu'affichent actuellement certains immeubles de Casablanca dont les appartements sont destinés à la location. Le scandale a été rapporté hier, jeudi, par France24.com. A en croire une étudiante ivoirienne, résidant au Maroc, interrogée par la chaine d'actualité, le phénomène est récurrent dans la métropole marocaine où de nombreux étudiants, venus d'Afrique subsaharienne, ont souvent du mal à trouver un logement. «En 2012, nous étions trois étudiantes à louer un appartement dans la résidence Areeda, située dans le quartier d'Oulfa. Parce qu'Africains, nous avons rapidement fait l'objet de menaces de la part d'habitants qui ne voulaient pas de nous comme voisins», raconte Nafissa (pseudonyme), étudiante à la faculté des sciences de Casablanca. «Un jour, en rentrant de la faculté, nous sommes tombés sur cette affiche. On n'a pas compris immédiatement qu'elle nous était adressée puis on nous l'a traduite. C'était vraiment choquant», se remémore-t-elle. «La vie est moins agréable quand vous êtes noire» «Puis les menaces se sont faites plus pesantes. Notre propriétaire a essayé jusqu'au bout de nous soutenir mais face à la pression des autres, il a dû céder et nous a demandé de partir, ce que nous avons refusé de faire. Le 1er janvier 2013, la police est venue nous demander de quitter les lieux. Nous leur avons dit que nous connaissions nos droits alors ils ne sont pas entrés dans l'appartement. Nous avons ensuite été emmenés au commissariat. Mon amie a été giflée par un policier. On ne sait toujours pas sur quelle base légale la police a agi», poursuit-elle. «Je ne suis pas retournée sur place depuis mais des amis m'ont confirmé que l'affiche était encore là. J'aimerais dire qu'il s'agit d'un cas isolé mais mon expérience me laisse penser que non». Dès le premier jour passé dans leur nouvel appartement, les trois étudiantes ont eu droit au même traitement. Des voisins de l'immeuble ont demandé au propriétaire de les mettre dehors. «Mais les papiers étaient déjà signés donc le propriétaire a refusé d'annuler la procédure. Les préjugés contre les Africains sont très ancrés. Toutes les relations avec les Marocains ne sont pas conflictuelles, mais la vie est clairement moins agréable quand vous êtes noire», regrette Nafissa. La jeune fille affirme aussi avoir été victime à plusieurs reprises de racisme dans la rue ou encore dans l'administration. «Personnellement, on m'a plusieurs fois jeté des cailloux dans la rue, ou parfois des fruits, ça dépend de l'humeur de la personne… De la même manière, dans l'administration, nous ne sommes pas traités pareils», souligne-elle. Scandaleux Interrogée sur les affiches discriminatoires, interdisant la location aux ressortissants d'Afrique subsaharienne, la propriétaire d'un immeuble, situé dans la résidence d'où a été chassée Nafissa, confirme le phénomène. «J'ai pu personnellement constater ce genre d'affiches dans deux immeubles dont le mien, mais il y en a peut-être d'autres. Je trouve cela scandaleux et je l'ai fait savoir au syndic de l'immeuble. Ces affiches sont parfaitement illégales. Aucune loi ne justifie une telle discrimination. D'ailleurs ça ne m'empêche pas d'avoir comme locataires des étudiants africains en ce moment même. Et tout se passe à merveille», témoigne Mme Benzekri, contactée par la même source. «Certains de mes proches, eux-mêmes propriétaires, ont eu des mauvaises expériences avec des locataires et donc en ont tiré des conclusions concernant tous les Africains. L'un d'entre eux avait loué son appartement à deux étudiants, qui ont ensuite séparé les pièces avec des cloisons, sans autorisation, afin d'en louer des petites parties à des immigrés travaillant comme vendeurs ambulants. Finalement, les deux étudiants sont partis sans prévenir et l'appartement est resté habité pendant des mois par ces personnes qui ne payaient pas. Il a donc du faire venir la police pour les déloger. Les voisins avaient aussi fait pression disant qu'ils étaient 10 à vivre dedans et qu'ils faisaient énormément de bruit», explique-t-elle. Une loi antiraciste au Parlement Et de conclure : «C'est effectivement pas de chance de tomber sur de mauvais locataires mais de là à refuser tous les Africains, c'est absurde. Si on part comme cela, il faut carrément les empêcher d'entrer dans le pays à leur arrivée à l'aéroport ! Or ce n'est pas du tout la politique du roi qui fait tout pour que des étudiants africains viennent au Maroc». Cette affaire intervient tout juste après le dépôt, le 15 juillet dernier, d'une proposition de loi antiraciste devant le parlement par le groupe du Parti authenticité et modernité (PAM). Le texte vise principalement à sanctionner toute forme de racisme, en particulier le racisme anti-noir. Il propose de punir la discrimination d'une peine de 3 mois à 2 ans de prison et/ou d'une amende allant de 10 000 à 100 000 dirhams. Le projet devrait être débattu durant les prochaines semaines devant la Chambre des représentants.