La Fondation Trois Cultures rejoint le réseau mondial des Centres de Catégorie 2 de l'UNESCO    La FNM, la FRMJE et la Ligue régionale Rabat-Salé-Kénitra des jeux électroniques s'allient pour promouvoir la culture numérique    Amir Richardson fait ses adieux à son père, l'ancienne star de la NBA Michael Ray Richardson    Moroccan Karateka Chaimae El Haiti wins silver at Islamic Solidarity Games    Marine Le Pen absent from trial over public insult as plaintiff Yasmine Ouirhane challenges claims    Sahara: El jefe de la MINURSO recibido por la embajadora de China    Amir Richardson se despide de su padre, el exastro de la NBA Michael Ray Richardson    Sahara : After advocating for a compromise solution, Angola reconnects with the Polisario    Algérie : Avec son homologue somalien, Tebboune prudent sur la question du Sahara    Cinéma : Maryam Touzani reçoit le prix du public du meilleur long-métrage à Denver    Gouvernance opérationnelle de l'eau : où en est le Maroc ?    Deux prestigieuses distinctions pour 2M!    La première partie du projet de loi de finances 2026 adoptée    Emploi des femmes : Talents inexploités, croissance non réalisée    Bourse de Casablanca : ouverture en territoire positif    Inauguration du Centre Dar Al Moukawil à Errachidia    Hammouchi décoré à Madrid de la Grand-Croix de l'Ordre du Mérite de la Garde civile espagnole    L'Allemagne fait plier Alger : une "grâce humanitaire" qui cache une capitulation diplomatique    Le partenariat entre BlueBird Aero Systems et Rabat progresse sur le plan technique, mais le lancement de l'usine marocaine reste un mystère    Le jour où New York a voté pour elle-même    Macron et Abbas conviennent de mettre en place un comité conjoint pour « la consolidation de l'Etat de Palestine »    Tuberculose: Plus de 1,2 million de morts en 2024, avertit l'OMS    Trafic transfrontalier par drones : un réseau sophistiqué neutralisé grâce à une coopération maroco-espagnole    Tebboune "omet" le Sahara lors de sa rencontre avec le président somalien : un tournant diplomatique ?    L'Allemagne admet la plainte du Maroc contre plusieurs journaux pour diffamation dans l'affaire Pegasus    Nigeria : les Super Eagles en grève avant leur barrage décisif face au Gabon    Lions de l'Atlas : Omar El Hilali accepte sa non-convocation et reste concentré sur l'Espanyol    CDM U17 / 16es de finale : répartition, jours et horaires dévoilés    Prépa CDM (F) Futsal : lourde défaite des Lionnes face à l'Espagne à Tolède    Mondial U17 / Afrique : 9 nations qualifiées pour les 16es    Ayoub El Kaabi dans le viseur des Canaris    Abdessamad Ezzalzouli intéresse deux clubs de Premier League    Chambre des Représentants : adoption en commission de la 1ère partie du PLF 2026    Rapport international : progrès du Maroc dans la lutte contre le crime organisé et le blanchiment d'argent    Réforme du pôle public audiovisuel : Lancement d'une étude sur les chaînes publiques    Alerte Météo: Rafales de vent et averses orageuses de mercredi à jeudi    Espagne : Démantèlement en collaboration avec le Maroc d'un réseau de trafic de haschich à l'aide de drones    AKDITAL-El Jadida : Des caravanes médicales au chevet des zones enclavées : plus de 1 200 patients déjà pris en charge    Ancrage de la qualité dans les universités : 79 établissements accompagnés par l'ANEAQ    Le temps qu'il fera ce mercredi 12 novembre 2025    Commission des finances : Lekjaa défend l'exonération fiscale temporaire accordée aux sociétés sportives    Le déficit budgétaire du Maroc atteint 55,5 milliards de dirhams en octobre    Transport aérien : Royal Air Maroc renforce la connectivité nationale    Du nord de l'Europe jusqu'au Maroc : Une carte numérique déterre 300.000 km de routes romaines    Artisanat: Lancement de la 3è édition du programme «Les trésors des arts traditionnels marocains»    Grammy Awards 2026 : Davido, Burna Boy et Ayra Starr en lice    La Fondation du Forum d'Assilah couronnée à Mascate par le prix du sultan Qabous pour la culture, les arts et les lettres    Aminux signe son grand retour avec "AURA", un album double face entre ombre et lumière    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Toumliline, le monastère qui marqua une génération d'intellectuels et de décideurs
Publié dans Yabiladi le 20 - 04 - 2019

De 1952 à 1968, un monastère dans les hauteurs d'Azrou recueillit en son sein des enfants orphelins, issus de milieux pauvres ou d'autres dans le cadre de camps d'estivage. Tous bénéficièrent d'une qualité d'éducation qui marqua à jamais les parcours de leur vie. Le lieu ferma, mais sa mémoire reste vivante.
Au cœur du Moyen-Atlas, un monastère bénédictin vit le jour en octobre 1952, à cinq kilomètres d'Azrou. Au fil des ans, le lieu devint une véritable maison pour les enfants de la région, qui étaient nourris, logés et suivaient un apprentissage jusqu'à leur départ pour les études supérieures.
Il s'agit de Toumliline, signifiant «pierres blanches» en amazighe, qui ouvrit ses portes également aux lecteurs, chercheurs et étudiants désireux de consulter sa bibliothèque – l'une des plus importantes du Maroc de l'époque – ou encore regarder un film dans son espace cinéma. Les moines y donnaient également des cours de langues, de philosophie ou proposaient encore une formation professionnelle.
Plus qu'une maison d'éducation et de formation des enfants, orphelins, issus de milieux pauvres ou bénéficiaires externes, Toumliline mettait à la disposition de tous un dispensaire équipé. Il fut également un lieu de rencontres rassemblant les croyants de différentes confessions, mais aussi des résistants de l'Armée de libération marocaine, auxquels les moines étaient proches.
Une formation de l'esprit et une éducation à la mixité sociale
Toumliline devint ainsi un «carrefour durant les mois d'été pour tous ceux, des quatre coins du monde, que hante le souci d'une action commune, d'une confrontation des idées, d'une mutuelle et sans cesse plus profonde compréhension des hommes», comme le décrivit Marie-Rose Mayeux, dans «Cours internationaux d'été de Toumliline : 1956-1957-1958-1959».
Dans ce sens, le documentaire «Les cloches de Toumliline» du réalisateur Hamid Derrouich, suivit les traces de la naissance de ce monastère et de la centralité qu'il occupa dans la région d'Azrou, devenant une véritable institution où furent formées des élites issues de milieux populaires. Plusieurs parmi eux témoignèrent de cette marque que Toumliline laissa à jamais dans leur vie.
Ce fut dans ce lieu que l'anthropologue marocain Abdellah Hammoudi développa son engouement pour la philosophie, où la diplomate Aïcha Belarbi bénéficia de camps d'estivage, où Hassan Alaoui, directeur de publication de Maroc Diplomatique, découvrit sa passion pour le journalisme, et où l'universitaire Jilali Saïb consacra de grandes parties de ses journées à la lecture. Là-bas, des enfants en situation de rue furent également recueilli, recevant une formation solide pour devenir ensuite cadre des Forces armées royales (FAR) par exemple.
Maroc : Les cloches de Toumliline, histoire d'un vivre-ensemble [Interview]
«La proximité de Fez et de son Université coranique, la célèbre Qaraouyine, l'annuel pèlerinage des Jeunes chrétiens – et des moins jeunes –, la messe du lundi de Pentecôte, font de 'Toum' un haut lieu du Maroc», décrivit de son côté Marie-Rose Mayeux, évoquant la situation qui fit de Toumliline un espace œcuménique du rayonnement du savoir.
«Les 'hauts-lieux' musulmans ne manquent pas sur cette terre des confréries (…) Le paradoxe de Toumliline est d'être devenu un 'haut-lieu' pour tous ceux qui cohabitent dans l'Empire fortuné – pour ceux même qui ont franchi les océans pour assister aux Cours Internationaux d'Eté.»
Marie-Rose Mayeux
Les «Rencontres internationales de Toumliline»
Cette mission de promotion du savoir et de la formation pour tous, en plus de l'adoption discrète des revendications marocaines d'indépendance par le personnel du monastère, eut un écho international. Cependant, au lendemain de l'Indépendance (1956), ce travail se renforça avec la naissance des «Rencontres internationales».
De 1956 à 1968, le lieu accueillit en effet une série de débats et de conférences. Les participants venaient de différentes régions du Maroc et d'autres pays d'Afrique, du monde arabe, d'Asie, d'Europe et d'Amérique. Le premier cycle de ces rencontres se tint sous l'égide du roi Mohammed V. La session de 1957, elle, fut présidée par Hassan II, alors prince héritier, en présence de la princesse Lalla Aïcha. «Toumliline accueillit une expérience qui témoigna de la possibilité d'ouvrir à nouveau des espaces de dialogue sur les affaires de la cité et du citoyen à portée universelle», nota la même source.
Entretien avec le père Gilbert, un des premiers moines du monastère. / Ph. Nicolas Michel
«Ces rencontres sont nées de circonstances assez fortuites», souligna pour sa part Marie-Rose Mayeux. «Dès 1955, une quarantaine d'étudiants venus d'horizons divers : théologiens de la Qaraouyine, lycéens et collégiens de toutes les villes du Maroc, membres de l'Université de France, se réunirent au monastère pour approfondir certaines questions qui leur semblaient mériter une commune attention», écrivit la chercheuse.
A cet effet, il fallut imaginer un cadre dédié, à travers des conférences portant sur différents thèmes, de la littérature à l'astronomie, en passant par les arts, l'histoire et la philosophie. C'est ainsi que naquirent ces rencontres internationales, qui regroupèrent lors de leur première édition 120 sessionnaires venus de 12 pays pour participer à 52 conférences, ce qui fit une partie importante du succès national de Toumliline.
La deuxième édition fut marquée par la participation de 26 Etats et de 200 chercheurs venus de ces pays. Le succès grandit, jusqu'en 1958 où l'organisation fur modifiée, avec la participation de 13 pays et de 175 sessionnaires. Le nombre de conférences fut diminué et des séminaires de travail virent le jour, donnant lieu à un contact plus étroit entre les étudiants et les conférenciers.
«Du 21 au 31 juillet, la session revêtit un caractère inhabituel puisque, roulant sur ´le problème communal', elle s'adressait non plus à des étudiants mais à des spécialistes des questions communales ou à des personnalités susceptibles de s'y intéresser : élus, experts de l'ONU ou de l'UNESCO, fonctionnaires, journalistes, économistes.»
Marie-Rose Mayeux
D'autres sessions furent consacrées au «statut personnel en pays musulman et son évolution», la question du choix entre l'enseignement originel et l'éducation moderne, ou encore les questions de coexistence entre les cultures et les religions.
Les vies multiples de Toumliline
Au fur et à mesure de leur tenue, les «Rencontres internationales de Toumliline» s'adaptèrent aux questions saillantes rattachées aux débats publics nationaux et internationaux. Le rendez-vous, comme toutes les fonctions à caractère social du monastère, fut maintenu jusqu'à la fermeture du lieu en 1968.
La chapelle de Toumliline à Azrou / Ph. Nicolas Michel
Plusieurs explications furent données par les chercheurs à cette décision, dont la faiblesse de la présence chrétienne au Maroc depuis son indépendance, l'institutionnalisation des relation internationales par le gouvernement marocain, ou encore des raisons politiques moins apparentes, telles que certaines pressions exercées sur des préposés chrétiens présents au Maroc.
Ce qui resta sûr, c'est que le retrait de la gestion de Toumliline au personnel de l'Eglise était inéluctable, surtout au vu des contraintes financières auxquelles le lieu fut confronté, dans les dernières années de sa vie.
«Ce que nous savons, c'est que les tentatives du père Denis Martin [à Toumliline] pour trouver des fonds afin de garder en vie le monastère ont été vaines.»
Hamid Derrouich
Ainsi Toumliline fut-elle convertie en centre de formation professionnelle pendant quelques années, avant sa fermeture définitive. Son fond documentaire, lui, ne bénéficia pas à la reprise d'une activité éducative au profit de la région. Ces dernières années, des initiatives furent lancées pour garder la mémoire de ce lieu, notamment par la FMA qui porta le projet «Réinventer Toumliline» à travers la centralisation de photos et de publications à son sujet.
«L'objectif est d'ouvrir, dans un lieu chargé d'histoire, un espace nouveau, s'inspirant d'une démarche antérieure positive et destiné à contribuer à la mise en place et à la déclinaison de l'actuelle stratégie d'ouverture, articulée entre autres autour des problématiques contemporaines de la citoyenneté, de la culture, de l'éducation et de l'environnement».
Fondation mémoires pour l'avenir
Au-delà de la transmission de la mémoire, il s'agit de témoigner de la diversité et de la mixité culturelle qui fut partie de l'ADN de la société marocaine. Autant de valeur qui ne furent pas «de l'ordre de la posture» mais bien une composante historique, que la FMA veut remettre en lumière.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.