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Enquête sur l'industrialisation de la justice et la privatisation du tribunal de Casablanca
Publié dans Yabiladi le 05 - 03 - 2020

Au tribunal de première instance de Casablanca, plusieurs milliers de dossiers de recouvrement sont jugés dès la première audience, à l'insu des consommateurs et de leur défense. Pour cause, les convocations sont envoyées à de fausses adresses. Derrière cette pratique en vigueur depuis 2017 au moins, on retrouve les mêmes juges, avocats, huissiers de justice, clercs et entreprises plaignantes créancières. La Fédération marocaine des droits du consommateur a d'ailleurs été saisie.
Il est 11 heures, un 12 décembre 2019 au tribunal civil de première instance de Casablanca. La sixième chambre chargée des affaires commerciales traite 1077 dossiers d'un coup. Une performance record pour la justice marocaine et peut-être même au niveau mondial. Il s'agit principalement d'actions en paiement déposées par de grands groupes de banques, d'assurances, de sociétés de crédit, d'entreprises de télécommunication et autres grandes entreprises publiques. Dès la première audience, les verdicts concernant 1000 de ces dossiers sont jugés conformes à la demande de l'avocat. Près de 871 concernent des établissements bancaires et de crédit, plus d'une centaine sont formulés par la filiale marocaine d'une assurance française et près de 130 concernent des structures publiques, entre autres.
Sept jours plus tard, dans cette même salle, la même juge examine 459 dossiers. Tous traités en une séance, leurs verdicts sont rendus le matin-même. Au cours d'autres audiences et depuis 2017 au moins, les dossiers examinés avoisinent ou dépassent les 1 000 d'un coup. De ce fait, 81 375 dossiers traités de janvier 2017 à février 2020 sont concernés par ces pratiques. Les mêmes noms de juges (entre 4 et 6 en fonction des années), mêmes avocats (6 au total) et les mêmes entreprises plaignantes (une bonne dizaine) reviennent avec plus d'une centaine de dossiers par audience et pour chacune.
Industrialisation de la justice, privatisation du tribunal ?
Ainsi, dix juges chargés des affaires commerciales au tribunal de première instance de Casablanca se partagent les dossiers, mais un seul en a examiné plus de la moitié, se retrouvant ainsi champion en terme de productivité. Celui-ci est suivi de trois de ses consœurs, qui en traitent le plus grand nombre restant. En 2017 seulement, le juge qui s'accapare la majeure partie des procès a traité plusieurs milliers de dossiers : le 18 janvier il en examine 500 ; le 18 février il en a traité 500 ; le 8 mars 317 affaires ; 747 affaires ont été examinées le 26 avril 2017 et plusieurs centaines d'autres durant les mois suivants. Le 28 février 2018, coup d'accélérateur, il en a traité 1 170 d'un coup ; le 7 mars, 1 258 ont été examinés ; et le 14 du même mois, 1 207 affaires ont été concernés, notamment sur la base d'assignations en paiement déposées par des opérateurs de télécommunication.
Un rendement digne d'un opérateur de saisie qui n'est pas compatible avec le temps nécessaire pour le traitement d'un dossier en justice. Les autres juges ont une efficacité peu ou prou identique au premier : entre 800 et 1200 dossiers traités par audience.
Ces chiffres anormalement élevés, la récurrence des mêmes entreprises plaignantes, des mêmes avocats et des mêmes juges ont été signalés à Yabiladi par des victimes de ce qu'ils n'hésitent pas à qualifier de «faux procès», pointant plusieurs anomalies dont notamment le recours au tribunal de première instance quand l'affaire concerne deux entités commerciales.
Des actions déposées à Casablanca alors que les débiteurs résident dans d'autres villes
De plus, en cas de litige commercial avec une société commerciale, le tribunal de première instance n'est compétent que pour les créances inférieures à 20 000 dirhams. Or, plusieurs affaires consultées par Yabiladi dépassent largement ce montant. Ce même tribunal condamne même des communes urbaines ou rurales à payer alors que les actions relèvent des tribunaux administratifs et que les adresses produites sont des bureaux à Casablanca.
Ces pratiques ont surpris les personnes notifiées des condamnations prononcées à leur encontre, alors même qu'ils n'avaient jamais reçu de convocation à une audience préalable. «Ces milliers de dossiers dont les références de tribunal se suivent ont été jugés par lot» et la quasi-totalité des poursuivis n'a pu constituer d'avocat, «ce qui indique que la notification n'a pas été faite de manière régulière ni légale», nous confie une des victimes.
Pour cause, les plis de notification à l'audience, consultés par Yabiladi, présentent majoritairement de fausses adresses. Certaines, situées en réalité dans d'autres villes, devaient ainsi donner lieu à une procédure au niveau de tribunaux de première instance de la région. A titre d'exemple, certaines entreprises domiciliées réellement à Tiznit ou à Taza ont été assignées avec des adresses casablancaises, souvent avec la mention local clos. Le cachet du même clerc d'huissier revient dans un grand nombre de ces «fausses convocations».
Par ailleurs, les noms des convoqués sont souvent saisis en français seulement, alors que les plis édités au tribunal doivent être transcrits en arabe. C'est tout autant le cas pour les procès-verbaux de la plupart des audiences. En effet, ces documents ne semblent pas avoir été rédigés de manière manuscrite au tribunal, mais saisis informatiquement en vue d'automatiser le traitement des centaines de dossiers via des techniques de publipostage. Cela transparaît à travers la saisie entre accolades du montant de la condamnation, et des crochets pour le nom du condamné.
Des infractions engageant une responsabilité pénale
Toutes ces irrégularités représentent une violation de plusieurs lois. D'abord, le principe du procès équitable, reconnu dans l'article 120 de la Constitution, énonçant que «toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont garantis devant toutes les juridictions». Ce qui de toute évidence n'est pas le cas lorsque le dossier est jugé dès la première audience sans présence de la défense.
Par ailleurs, ces pratiques violent l'article 111 de la loi n° 31.08 édictant des mesures de protection du consommateur. En effet, le premier alinéa de ce texte prévoit que «les actions en paiement doivent être engagées devant le tribunal dont relève le domicile ou le lieu de résidence de l'emprunteur dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion du droit de réclamer des intérêts de retard».
Aussi, l'article 39 du Code de procédure civile précise les règles de convocation à l'audience, dont l'écrit signé par l'autorité ou l'agent et non pas par le clerc. «Alors même que le juge devrait vérifier la concordance entre l'adresse de la requête, celle du pli et celle figurant au relevé, ce dernier ne procède à aucune vérification et prononce la condamnation», regrette l'avocat d'une victime.
Ces usages posent la question de la responsabilité pénale de leurs auteurs, agissant au sein du corps de la justice mais aussi au sein des entreprises plaignantes, alors même que la loi oblige le mandant à fournir à son avocat l'adresse de son débiteur. «Les adresses contenues dans les plis sont constitutives de faux en écriture et leur usage est réprimé par les dispositions du Code pénal», dénonce l'avocat d'une victime en dénonçant des faits d'«escroquerie». Si les 81 375 condamnés depuis le 01 janvier 2017 dans le cadre de cette pratique saisissent la justice, on assistera à l'un des plus grand scandale judiciaire du royaume.


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