Le président sénégalais Abdoulaye Wade a reçu à l'Unesco le prix Félix-Houphouët-Boigny pour la paix 2005, lors d'une cérémonie en présence de Jacques Chirac et de sept autres chefs d'Etat africains. Créé en 1989 et baptisé en l'honneur du premier président de la Côte d'Ivoire, ce prix distingue Wade pour "sa contribution à la démocratie dans son pays et ses médiations lors des crises et litiges politiques en Afrique". Il "récompense fort justement une pensée et une action mises au service de la paix, au service de la démocratie, et il couronne un parcours politique consacré à la bonne intelligence entre les hommes", a déclaré le président français lors d'un discours au siège de l'Unesco à Paris. "Chacun sait que vous êtes toujours prêt à vous engager personnellement dans une médiation ou dans un arbitrage et à proposer des solutions imaginatives à des querelles qui s'éternisent", a poursuivi Jacques Chirac devant un millier d'invités réunis dans une ambiance festive. Le chef de l'Etat a salué "la détermination" de Wade "en faveur des droits de l'homme et de la démocratie au Sénégal", rappelant notamment sa décision "courageuse" d'abroger la peine de mort dans son pays. Au moment de la remise du prix, des griots venus spécialement de Dakar ont chanté en langue wolof les louanges de Wade, "l'un des grands guerriers" du combat pour la paix, selon les termes du président nigérian Olusegun Obasanjo. L'ensemble instrumental du Sénégal a ensuite entonné des chants dans plusieurs langues africaines, sous les applaudissements du public. Dans son long message de remerciement, Abdoulaye Wade a dit son émotion et rappelé son combat pour la démocratie en Afrique. "Au-delà des textes, la démocratie est d'abord et avant tout un état d'esprit", a-t-il déclaré. "Il y a souvent, en démocratie, surtout en Afrique, un prix à payer sur sa personne pour la conquête pacifique du pouvoir." Outre Wade et Obasanjo, six chefs d'Etat africains assistaient à la cérémonie après avoir déjeuné à l'Elysée à l'invitation de Jacques Chirac: Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale), Assoumani Azali (Comores), Marc Ravalomanana (Madagascar), Amadou Toumani Touré (Mali), João Bernardo Vieira (Guinée-Bissao) et Jakaya Kikwete (Tanzanie). CRITIQUES DE L'OPPOSITION SÉNÉGALAISE L'ancien secrétaire d'Etat américain Henri Kissinger, président du jury, était aussi présent ainsi que le secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, Abdou Diouf, et la veuve de Félix Houphouët-Boigny. Le prix pour la recherche de la paix de l'Unesco a été créé pour récompenser des personnalités, des institutions ou des organisations ayant contribué à promouvoir la paix dans le respect de la Charte de l'Onu. Les 122.000 euros dont il est doté seront reversés à une organisation d'aide aux jeunes enfants sénégalais, "La case des tout-petits". Salué à l'étranger pour son action en faveur de la démocratie en Afrique, Wade fait l'objet de critiques dans son pays, où on lui reproche ses dérives autoritaristes. Ses détracteurs ont notamment déploré sa décision de reporter à février 2007 la présidentielle prévue ce mois-ci afin qu'elle coïncide avec les législatives, y voyant un moyen de gagner du temps pour permettre au parti au pouvoir de conserver sa majorité à l'Assemblée nationale. L'opposition a aussi dénoncé l'incarcération de l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, ancien dauphin de Wade limogé par ce dernier en 2004 et accusé d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Finalement innocenté et relâché, il envisage de se présenter contre le chef de l'Etat sortant à la présidentielle. La Coalition populaire pour l'alternative (CPA), qui réunit une vingtaine de partis d'opposition sénégalais, a prévu des actions de protestation durant la visite de Wade à Paris. Agé de 79 ans, Abdoulaye Wade est arrivé à la tête du Sénégal en mars 2000 après 26 ans d'opposition avec le Parti démocratique sénégalais (PDS), qu'il a fondé en 1974. Après Nelson Mandela et Frederik W. De Klerk en 1991, Wade est le troisième dirigeant africain à être récompensé par le prix Houphouët-Boigny. Parmi les précédents lauréats figurent aussi les Israéliens Yitzhak Rabin et Shimon Pérès, ainsi que l'ancien président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat (1993), le roi d'Espagne Juan Carlos et l'ancien président américain Jimmy Carter (1994).