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Comment la mode des tatouages berbères fait renaître une tradition en voie de disparition
Publié dans Al3omk le 22 - 04 - 2019

SOCIETE – La mémoire dans la peau. Tradition ancestrale en voie de disparition, le tatouage traditionnel berbère que portent encore certaines grands-mères renaît sur le corps de leurs petits-enfants. Ces dernières années, de plus en plus de jeunes Marocain-e-s, surtout des femmes mais aussi quelques hommes, choisissent de se faire tatouer ces motifs symboliques ou dessins issus du patrimoine culturel amazigh sur la peau. Simple tendance ornementale ou vraie revendication identitaire? Il s'agit avant tout de ne pas voir tomber dans l'oubli un art que certains, parfois leur propre famille, considèrent aujourd'hui comme haram.
Installée au Canada, Zineb, 26 ans, porte tatoué sur le bras un tizerzaï (fibule), bijou berbère qu'elle a toujours trouvé "magnifique". Et sur les côtes, une phrase écrite en tifinagh, l'alphabet amazigh, signifiant: "réveille-toi, sors et vis". Elle s'est fait tatouer en quittant le Maroc. "Ces deux tatouages représentent la fierté que je ressens à être berbère. Il était hors de question que j'écrive une phrase sur mon corps dans une autre langue. Etant donné que la culture des tatouages berbères commence à disparaître, je voulais reprendre le flambeau de nos ancêtres. Je trouve cela vraiment triste de voir des grands-mères se faire enlever leurs tatouages", confie-t-elle.
Meryem, 31 ans, est allée sur Internet chercher des symboles amazighs pour dessiner son propre tatouage, gravé dans tout son dos, de la nuque aux reins. "J'ai choisi des symboles qui avaient du sens, qui me parlaient un peu". Sur le doigt, elle a aussi écrit quelques lettres en tifinagh. "Ça m'a beaucoup aidé. Je vivais à l'étranger à ce moment-là, et j'avais l'impression de me perdre dans la culture à laquelle j'essayais de m'adapter. C'était une manière de me rappeler d'où je venais".
Marqueur identitaire
Samir Ennahdi El Idrissi, propriétaire et gérant de Tattoo-studio Morocco à Casablanca et Marrakech, observe depuis trois ans une hausse du nombre de demandes de tatouages berbères. Pour lui, c'est clairement le signe d'un retour aux traditions et d'une affirmation identitaire. "Certains jeunes en ont assez de ce qu'on leur a inculqué pendant 60 ans sur l'identité arabe des Marocains. On leur a fait oublier leurs origines berbères. Ils discutent avec leurs grands-mères, dont certaines se sont fait insulter par leurs propres enfants parce qu'elles étaient tatouées, et finalement ça revient à la mode", confie-t-il. "On commence maintenant à écrire en amazigh sur les panneaux d'autoroutes, dans les aéroports… et sur les corps. C'est une manière de montrer son identité".
Même son de cloche chez Mo Hndi, tatoueuse installée à Bruxelles. "Depuis un peu plus d'un an, je reçois des demandes de tatouages berbères. C'est donc assez récent et encore timide… mais je remarque que de plus en plus de gens en entendent parler et reconnaissent ce style. On ne parle plus de tatouage 'ornemental' ou d'inspiration 'henné', mais bien de motifs berbères. Une précision qui compte", souligne-t-elle.


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La tatoueuse voit deux raisons à cette hausse de la demande. "La première étant une sorte d'effet de mode, mais dans le sens positif. J'entends par là que ce genre de motifs s'est fait connaître du 'grand public' ces dernières années et que de plus en plus de tatoueurs s'en inspirent. Notamment grâce au livre 'Berber Tattooing' de Felix et Loretta Leu. La deuxième raison, et la plus importante, est d'ordre plus culturel. Un hommage à sa famille, souvent une grand-mère. Un hommage à ses racines", indique la tatoueuse. Ses clients, principalement des femmes entre 20 et 45 ans, passent ainsi le cap de se faire marquer à vie, généralement pour la première fois, en mémoire de leur grand-mère tatouée, "fières de leur héritage culturel et conscientes qu'il serait dommage que cette tradition (ancestrale!) se perde".
Comme Zineb et Meryem, la plupart des personnes ayant fait le choix de graver un symbole ou un mot amazigh sur leur peau ont voulu de cette manière perpétuer une tradition familiale (qui a souvent sauté la génération de leurs parents) et contrer le vent de conservatisme qui souffle dans certains milieux. À Casablanca, Amal, 35 ans, s'est fait tatouer sur l'avant-bras le même tatouage que sa grand-mère. Un symbole propre à la région des Aït Bouhaddou, tribu amazighe dont est originaire sa famille maternelle.


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"Les Marocains ont tendance à dire qu'ils sont arabes et à renier ou oublier leurs origines amazighes. Je me suis dis que c'était mon identité et qu'il n'était pas question que l'islam m'interdise d'être ce que je suis. Mon entourage n'était pas vraiment pour, car le tatouage est interdit par la religion. Mais j'en suis fière, en plus c'est très joli!" explique-t-elle, prête à en faire d'autres. "Ce n'est que le début. J'espère qu'un jour je serai capable d'en faire un sur le visage".
Le tatouage sur le visage, un acte fort
Si de nombreuses vieilles femmes berbères portent leurs tatouages sur le visage – généralement des dessins géométriques symboles de la féminité, du mariage ou de la fécondité, dessinés sur le menton, le front, les joues ou le cou – les jeunes générations optent pour des tatouages moins visibles. "Aucun client ne nous demande de dessins berbères sur le visage, car le tatouage est encore assez mal vu par certaines personnes au Maroc", nous explique Samir Ennahdi El Idrissi.
"Se tatouer le visage dans notre société actuelle est un acte particulièrement fort et, malheureusement, souvent stigmatisé. Nous-mêmes, en temps que tatoueurs, refusons souvent de tatouer le visage, car c'est un risque de discrimination sociale important. Même si le tatouage se démocratise de plus en plus, se faire tatouer le visage est toujours très marginal", renchérit Mo Hndi qui porte elle-même un motif, "très simple", sur le haut du front et un autre sur et sous la lèvre, sans symbolique précise. "Les gens me font très souvent des compliments et beaucoup font directement le lien avec les tatouages berbères justement. J'y vois un espoir qu'un jour cette pratique soit à nouveau acceptée de tous, sans préjugé ni apriori", ajoute la tatoueuse bruxelloise.
Aïda, 34 ans, a sauté le pas. Elle porte un fin tatouage berbère sur le menton. "J'ai un trait avec trois pointillés sur le menton qui signifie la ligne de la vie qui n'est pas statique, en mouvement constant et faite de ruptures et de continuités", nous explique-t-elle. "Je l'ai fait à l'aiguille de façon traditionnelle quelque part hors du Maroc, un jour où j'avais décidé de ne plus revenir pour garder une marque de cette appartenance avec laquelle je voulais rompre. Or la décision a duré deux mois et le tatouage, comme mon attache à cette terre, est indélébile".
Avant de se faire tatouer, elle se dessinait souvent un trait sur le menton avec du khôl. Une façon de se maquiller de manière à valoriser une partie des traditions marocaines qu'elle respecte "pour leur caractère non patriarcal", mais également pour "subvertir les normes de maquillage occidental qu'on nous inflige". Pour elle, se faire tatouer, c'est aussi une forme de résistance "face à une pensée wahhabite importée du Golfe qui est en train de tuer nos patrimoines culturels dont le 'wchem' (tatouage, ndlr), que beaucoup d'anciens enlèvent par brûlure ou laser, entre autres", déplore la jeune femme. "Enfin, je dessine sur mon corps mon histoire, celle d'une résistance au patriarcat, à la suprématie occidentale et à l'islamisme importé, ce qui ne concerne que moi étant adulte et responsable de mes choix".
Une "tendance" mondiale?
Après les tatouages chinois, japonais, maori ou tribaux, les tatouages berbères se fraient un chemin dans les tendances actuelles. Des photos de symboles inspirés de la culture amazighe tatoués sur des poignets, mollets ou nuques déferlent sur Instagram. Et les Marocains ne sont pas les seuls à se les faire tatouer.
Marrakech, des touristes nous demandent aussi des tatouages berbères. Ils les voient pendant leur voyage. Soit on leur montre des exemples dans un petit catalogue, soit ils ont déjà leur idée. Certaines femmes choisissent des signes astrologiques, d'autres, des hommes surtout, optent pour la lettre Z de l'alphabet amazigh, symbole de l'homme libre", explique Samir Ennahdi El Idrissi. En août dernier, invitée à Marrakech pour célébrer les 60 ans de Madonna, la DJ américaine Mary Mack était même venue au studio de Samir pour se faire tatouer le symbole de la féminité sous le menton.
Flo Viajero, tatoueur français installé depuis peu dans la ville ocre où il travaille pour Savage Ink Tattoo Studio, s'est lui aussi mis à dessiner des tatouages berbères. "J'avais un projet de tatouage avec une cliente, qui a changé d'idée au dernier moment et m'a demandé un tatouage d'inspiration berbère. Après l'avoir fait, j'ai eu beaucoup d'autres demandes. Ça va crescendo: un client en amène un autre, notamment lorsqu'on poste les photos sur les réseaux sociaux", nous confie le tatoueur qui s'est intéressé à ces tatouages en arrivant au Maroc. "Mes clients sont généralement en recherche de tatouages avec une signification, même s'il peut y avoir des ajouts esthétiques pour orner le dessin global".
Les hommes s'y mettent
Si les tatouages amazighs étaient autrefois essentiellement attribués aux femmes, des hommes s'y mettent. Othman, 27 ans, s'est récemment fait tatouer à Marrakech. Deux bandes noires autour des chevilles, agrémentées de motifs amazighs traditionnels. Sur l'une des chevilles est représenté le symbole du soleil et sur l'autre, celui de la lune. "Je voulais représenter ainsi la dualité, l'équilibre, mais en utilisant une symbolique plus 'originale' que le yin et le yang ou la féminité et la masculinité, en mariant cela bien sûr avec mon identité amazighe", nous explique-t-il. "Pour moi, la symbolique du soleil et de la lune permettait d'exprimer tout ça à la fois et d'une façon plus subtile, poétique".
Ses tatouages, qu'il a imaginés et dessinés "main dans la main" avec le tatoueur Mozaïk Ninja, n'ont pas un design purement amazigh, mais la symbolique y est. "Je tenais surtout à honorer mes origines en utilisant un style amazigh afin de perpétuer une tradition qui se perd", indique-t-il. "Les tatouages amazighs sont plus un assemblage de symboles ayant un sens ou simplement ornementaux, faits de lignes et de points. Le mien est plus arrondi avec beaucoup de remplissage". Ses parents, de confession musulmane (il précise l'être lui-même) et le tatouage étant interdit en islam, ont d'abord mal vu ses tatouages, "tout comme ça a été le cas pour mon piercing", souligne-t-il. "Maintenant ils s'y sont habitués et je n'ai plus le droit à des remarques comme avant".
Karim, 37 ans, installé à Imsouane, a quant à lui une histoire particulière avec les tatouages. Ses deux grands-mères en portaient de nombreux sur le visage. "Elles ressemblaient à des gangsters de Los Angeles!", s'amuse-t-il. C'est pour leur rendre hommage qu'il s'est fait tatouer une fibule berbère sur l'avant-bras gauche. "Elles regrettaient de les avoir faits, leur famille disait que c'était interdit par l'islam. Moi je voulais me différencier, montrer mes origines, même si mes parents n'ont pas vraiment apprécié. Bientôt, j'en ferai un grand dans le dos. Ce sera un portrait de ma grand-mère, avec tous ses tatouages sur le visage!". La relève est assurée.


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